Lee Jae-Yong, héritier de Samsung et d’une tradition de clémence judiciaire

Il avait été condamné en août pour avoir notamment versé en échanges de faveurs politiques des millions de dollars


Mercredi 7 Février 2018

Après son grand-père et son père, l’héritier de Samsung Lee Jae-Yong a, à son tour, bénéficié lundi de la longue tradition de clémence judiciaire qui a accompagné l’essor du plus gros conglomérat sud-coréen.
La Cour d’appel de Séoul a blanchi le dirigeant de 49 ans de la majorité des chefs d’inculpation qui lui avaient valu une condamnation en août à cinq ans d’emprisonnement dans le scandale de corruption qui a précipité la chute de l’ex-présidente Park Geun-Hye.
Surtout, la peine qui lui restait à purger a été commuée en sursis et les juges ont ordonné sa libération, près d’un an après son arrestation.
Lee est vice-président de Samsung Electronics, premier fabricant mondial de smartphones et navire-amiral du groupe fondé par son grand-père en 1938.
Reprenant le flambeau familial, son père Lee Kun-Hee avait transformé l’entreprise en mastodonte de la technologie. Terrassé en 2014 par une crise cardiaque, il est depuis alité.
Lee Kun-Hee avait également en son temps été reconnu coupable de corruption en 1996, puis de corruption et d’évasion fiscale en 2008. Mais il avait échappé à la case prison, ayant été condamné à du sursis.
Son grand-père avait lui été mêlé à une affaire de contrebande orchestrée par le département des engrais de Samsung en 1966. Le patriarche avait échappé à l’inculpation en échange de la nationalisation de son entreprise d’engrais.
Lee Jae-Yong avait été condamné en août pour avoir notamment versé en échanges de faveurs politiques des millions de dollars à des fondations contrôlées par la confidente de l’ombre de l’ex-présidente, Choi Soon-Sil.
Lundi, la Cour d’appel a estimé que M. Lee avait été “contraint” de leur verser des fonds, mais que rien ne prouvait qu’il aurait demandé des faveurs en retour.
D’un naturel doux, Lee Jae-Yong, arbore souvent un sourire insondable derrière ses lunettes. Il semble totalement différent de son père, un personnage visionnaire mais excentrique. Lee senior a suscité l’admiration pour avoir transformé une obscure entreprise d’électronique en géant international devenu le premier fabricant mondial de smartphones et de puces mémoire. Ses critiques disent de Lee Jae-Yong qu’il n’a pas hérité des qualités managériales paternelles. Le bénéfice net de Samsung Electronics a d’ailleurs poursuivi son insolente ascension malgré l’incarcération de l’héritier.
Lee a obtenu un diplôme d’histoire asiatique à l’Université nationale de Séoul, un établissement d’élite, avant d’étudier les affaires à l’Université Keio au Japon, également prestigieuse, puis à Harvard (Etats-Unis). En 1998, il épouse une petite-fille du fondateur du géant sud-coréen de l’agroalimentaire Daesang.
Le couple a une fille et un fils mais divorça en 2009 et M. Lee est aujourd’hui célibataire.
Il est entré chez Samsung Electronics en 1991 pour en gravir rapidement les échelons, chose courante pour les rejetons des familles régnantes des puissants “chaebols”, les conglomérats sud-coréens. Il fut nommé cadre dirigeant en 2001, directeur général adjoint en 2010 et directeur général à peine un an plus tard, au moment où Samsung était en pleine ascension grâce aux smartphones.
En 2012, il accéda à la vice-présidence, année charnière durant laquelle Samsung détrôna Apple comme numéro un des smartphones. Mais ce succès fut largement imputé à son père et à une coterie de vétérans membres du Bureau des stratégies d’avenir (BSA) aujourd’hui démantelé, qui prenait les décisions majeures. Ces dernières années, M. Lee fut le visage de Samsung, participant aux événements clé, recevant les dignitaires en visite. Mais on ignore dans quelle mesure il a contribué aux décisions. Le clan Lee est réputé pour sa discrétion. Jamais M. Lee ni son père n’ont donné une interview. Le scandale a toutefois placé M. Lee sous les feux de la rampe. Il a dû par exemple répondre aux questions d’une commission d’enquête parlementaire, essuyant les invectives des députés, le tout lors d’une séance télévisée. A l’audience, sa défense l’a dépeint comme un héritier naïf et inexpérimenté pas même autorisé à “se mêler” des décisions des cadres du BSA choisis par son père, stratégie destinée à le défausser, selon ses contempteurs. Lee a lui-même expliqué qu’il avait une connaissance “limitée” des opérations globales du groupe et qu’il “suivait simplement” les conseils des autres cadres dirigeants.


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