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En effet, l’annonce par l’Arabie Saoudite de l’instauration d’une obligation vaccinale pour les voyageurs, et en particulier pour les pèlerins de la Omra et du Hajj, a eu l’effet d’un électrochoc. Désormais, tout individu âgé de deux ans et plus doit impérativement présenter un certificat attestant d’une vaccination contre la méningite, le vaccin méningococcique tétravalent étant requis au moins dix jours avant le départ.
L’objectif de cette mesure est clair : prévenir la propagation de maladies infectieuses dans un contexte de rassemblements de masse où la transmission peut être fulgurante. Avec plusieurs millions de pèlerins convergeant chaque année vers La Mecque, la menace épidémique est bien réelle. L’Arabie Saoudite, ayant tiré les leçons des épidémies passées, entend éviter à tout prix un scénario similaire. Mais si cette décision est justifiée d’un point de vue épidémiologique, sa mise en application au Maroc s’est transformée en un véritable parcours du combattant pour les pèlerins.
Dès l’officialisation de la mesure, une vague de panique s’est emparée des pèlerins marocains. Désireux de respecter les nouvelles exigences sanitaires, des milliers de personnes se sont précipitées vers les pharmacies et les centres de vaccination. L'Institut Pasteur de Casablanca, unique établissement habilité à délivrer le certificat de vaccination après l’injection, a rapidement été submergé.
Des scènes de chaos se sont déroulées aux portes de l’établissement: files d’attente interminables, tensions entre patients et personnel soignant, et surtout une cruelle désillusion pour nombre d’entre eux qui, après une nuit entière d’attente, ont appris que les stocks étaient déjà épuisés.
En cause, une anticipation insuffisante des autorités sanitaires marocaines. Si le ministère de la Santé avait précisé dans un communiqué daté du 25 janvier que le vaccin était disponible en pharmacie et dans certains centres de santé agréés, la réalité du terrain a démenti ces assurances. Dès le lendemain, les stocks de vaccins ont fondu à une vitesse fulgurante, laissant sur le carreau des centaines de pèlerins désespérés.
Cette gestion chaotique pose une question de fond : comment un tel manque de prévoyance a-t-il pu avoir lieu ? La décision saoudienne n’a pas été prise du jour au lendemain, et pourtant, aucune logistique adéquate ne semble avoir été mise en place pour absorber l’énorme demande. Pour les pèlerins, le constat est amer. Ceux qui devaient partir dans les prochains jours voient leur voyage suspendu à la disponibilité du vaccin, un élément hors de leur contrôle. Une situation qui soulève des frustrations légitimes, d’autant plus que la Omra revêt une dimension spirituelle et émotionnelle forte pour les croyants. Pour beaucoup, il s’agit d’un projet de vie, mûri depuis des années et nécessitant des sacrifices financiers importants.
Faute de doses suffisantes, certains pèlerins envisagent déjà de reporter leur voyage, tandis que d’autres tentent de se procurer le précieux vaccin à l’étranger, à des prix exorbitants. Une situation qui ouvre la porte aux spéculations et au marché noir, un phénomène déjà observé lors de précédentes pénuries de médicaments et de vaccins.
Ce fiasco met en lumière un problème chronique au Maroc : l’incapacité du système de santé à gérer efficacement des afflux massifs et soudains de patients. «La tâche de l'Institut Pasteur est devenue une mission impossible», confient certains du personnel de l'Institut. «Nous nous retrouvons en première ligne face à une situation qui aurait pu être évitée avec plus de prévoyance et une meilleure planification de la part des autorités sanitaires», estiment-ils. «Le manque de dispositions préalables nous expose, tout comme les citoyens, à une pression intenable», regrettent nos interlocuteurs.
Selon eux, «l’absence d’un système de précommande de vaccins, la communication tardive avec les citoyens et la centralisation excessive de la vaccination sont les principales causes du chaos observé ces derniers jours».
«Si la répartition des points de vaccination avait été mieux pensée et si nous avions reçu les quantités nécessaires à temps, cette pagaille n’aurait jamais eu lieu et on aurait pu éviter que l’Institut Pasteur ne se transforme en un champ de bataille», déplore un autre soignant. Et d’ajouter : «Les pèlerins sont dans l’angoisse, et nous, nous sommes démunis face à leur détresse». «Nous avons, en effet, été placés devant le fait accompli, sans aucun moyen de faire face à cet afflux massif», poursuit-il. Et de préciser: « Chaque jour, nous devons gérer des centaines de personnes, exténuées et inquiètes, qui attendent des heures pour apprendre que les doses sont déjà épuisées». «C'est une situation humainement et professionnellement insoutenable», conclut-il.
Pour plusieurs experts en analyse des systèmes de santé, plusieurs mesures d’urgence s’imposent pour éviter ce genre de crise à l’avenir. Tout d’abord, un réapprovisionnement rapide en vaccins est indispensable afin d’éviter que les pèlerins ne soient contraints d’annuler leur voyage. Ensuite, une meilleure régulation de la distribution du vaccin est primordiale. Plutôt que de centraliser la vaccination uniquement à l’Institut Pasteur, il serait pertinent d’étendre l’administration à un plus grand nombre de centres de santé et d’hôpitaux publics, réduisant ainsi la pression sur un seul établissement. Enfin, une refonte globale du système de gestion des campagnes vaccinales s’avère nécessaire. L’anticipation des besoins, la mise en place d’une plateforme numérique de prise de rendez-vous pour éviter les files d’attente interminables, ainsi qu’un suivi en temps réel des stocks pourraient prévenir des situations similaires à l’avenir.
Mehdi Ouassat