Le réchauffement des relations hispano-marocaines entre les pour et les contre


Hassan Bentaleb
Lundi 28 Mars 2022

Madrid a tout à y gagner avec un partenaire si stratégique

Le réchauffement des relations hispano-marocaines entre les pour et les contre
La nouvelle position de l'Espagne au sujet de la question du Sahara marocain divise même au sein des forces de sécurité espagnoles. En effet, si certaines sont pour un tel changement de cap, notamment pour ses effets sur la coopération, la gestion de la migration et la lutte contre le trafic de stupéfiants, d’autres ne font pas confiance à la partie marocaine dont la véritable intention, selon elles, serait de récupérer Sebta et Mellilia.

Les contre
Les grands douteux des intentions du Maroc restent les éléments de la Guardia civil dans les deux présides occupés. Ils prédisent que «le revirement du gouvernement espagnol entraînera davantage de problèmes de migration et pourra aggraver un autre flux migratoire venu cette fois-ci du côté de l’Algérie » qui pourrait riposter en cessant de « contrôler les flux des migrants » en départ vers la péninsule ibérique. La Guardia civil redoute, en effet, « une avalanche de bateaux », de la part d'Alger similaire à l’entrée massive des migrants qui s’est produite il y a près de trois semaines à Mellilia.
Pour les éléments de la Guardia civil sceptiques, l’amélioration des relations entre Rabat et Madrid n’est qu’une «pause qui sera transitoire» et soutiennent que «Rabat ne va pas renoncer à ses prétentions sur les deux présides occupés. Pour eux, il est question de temps avant que le Maroc fasse de nouveau « pression sur l’Espagne via la migration» en adoptant «une posture laxiste» devant les mafias du trafic humain.
Pis, ces sceptiques craignent l’élargissement de la zone des tentatives de passage irrégulier vers le territoire ibérique. En effet, ils redoutent que le centre de la migration puisse se déplacer de Mellilia vers l'arc méditerranéen (Almería, Grenade, Malaga, Murcie et Alicante) en départ d’Oran.

Les pour
Pour d’autres experts et officiers supérieurs de la police et au sein même de la Guardia civil, ledit changement de position de la politique étrangère espagnole a permis de «débloquer certains problèmes de coopération entre les services de police des deux pays, en suspens depuis maintenant deux ans », a rapporté la station de radiodiffusion Cadena SER. Plus précisément, il s’agit des problèmes liés à « la pression migratoire » et « aux réseaux criminels actifs dans le domaine du trafic de drogue » qui constituent deux sujets sérieux pour l’Espagne. La police et la Guardia civil s'accordent à dire que le réchauffement des relatons diplomatiques engendra des « rapports stables » entre les deux pays et conduira le Maroc à s’engager fermement dans la lutte contre l'immigration irrégulière.
A ce propos, les sources de Cadena SER ont révélé qu’en « une semaine seulement, il y a eu des échanges d'informations sur des sujets dits "ordinaires", non urgents, touchant principalement Sebta et Mellilia mais d’une importance majeure pour l'Espagne tout en indiquant que les contacts ont été vite rétablis en comparaison avec d’autres crises entre les deux pays. Les mêmes sources ont précisé que la rupture de collaboration entre les services sécuritaires des deux pays n’a pas touché le dossier du terrorisme djihadiste en assurant « qu’il n'y a pas eu de problèmes "significatifs" durant cette période ». Elles ont affirmé que « les opérations conjointes se sont poursuivies ». Une collaboration si importante pour les services espagnols, précise Cadena SER, puisque la majorité des détenus impliqués dans des affaires de terrorisme et arrêtés en Espagne proviennent du nord du Maroc sans parler des cibles arrêtées en Espagne, notamment celles qui sont en liaison avec des Espagnols naturalisés et qui ont des liens actifs avec des cellules basées en Afrique du Nord.

Alger, victime collatérale
Cependant, les défenseurs d’un rapprochement sécuritaire entre Rabat et Madrid estiment que cette collaboration fera de l'Algérie une victime collatérale. En fait, Madrid considère Alger comme un partenaire très important mais pas aussi stratégique que le Maroc. A ce propos, Cadena SER a révélé que l’Espagne est en train d’étudier « des formules possibles pour tenter de maintenir un canal de communication fluide pour contourner d’éventuelles ruptures de coopération ». A noter qu’au cours des deux dernières années, la route migratoire algérienne a commencé à faire parler d’elle en tant que deuxième route d'entrée irrégulière en Espagne après celle marocaine. L’année 2019 a été marquée par la hausse du nombre des migrants irréguliers arrivés à Almería, Murcia, Alicante et les îles Baléares en départ d’Oran via des vedettes rapides dotées de moteurs puissants, a révélé le journal espagnol El Pais. En 2020, près de 11.500 Algériens ont débarqué sur les côtes espagnoles (deuxième nationalité après les 15.342 Marocains), selon les données de la police nationale espagnole rapportée par El Pais. L'an dernier, jusqu'à début décembre, 8.500 arrivées avaient déjà été enregistrées, contre 8.900 pour les Marocains, selon un rapport confidentiel préparé par la Commission européenne sur les flux migratoires, rapporté toujours par El Pais.

Se préparer au pire
Pour neutraliser la position algérienne dans le dossier de lutte contre la migration irrégulière, l’Espagne a procédé à un ballet diplomatique comme en témoignent les réunions que les ministres de l'Intérieur des deux pays ont tenues depuis 2020 et lors desquelles, Fernando Grande Marlaska a applaudi la gestion des migrations par l'Algérie. La dernière réunion remonte en novembre dernier et lors de ce round, Madrid a placé «l'Algérie comme un "acteur clé" dans la lutte contre la pression migratoire». L’accent a été également mis sur la coopération bilatérale et le travail en commun. Les responsables espagnols ont même déclaré que «la coopération policière dans la rive Sud du pays était «essentielle» pour éviter que la pression migratoire en provenance des pays subsahariens ne soit plus importante». A noter qu’en août 2020, les deux pays avaient tenu une réunion à Lisbonne pour renforcer les liens de collaboration.
Sur un autre registre, l’Espagne compte installer une structure métallique de barres semi-circulaires couronnant la clôture des présides occupés. Elle a également annoncé doter les agents de la Guardia civil d'un équipement anti-émeute à la pointe de la technologie. Selon certaines sources médiatiques espagnoles, ces annonces restent encore lettre morte puisqu’aucun matériel n’a été fourni et le nombre d’agents de la Guardia civil demeure le même alors que 300 postes sont toujours vacants. 


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