Il y a de quoi nourrir des craintes de voir ce projet voué à l’échec, du moins être remis aux calendes grecques, en dépit d’un bureau fédéral, crédité jusqu’à preuve du contraire, d’une bonne volonté.
L’on voit mal comment on peut passer entre deux saisons à un professionnalisme en bonne et due forme de la discipline. Il est vrai que le football national, ayant trop longtemps traîné un statut hybride (mi-pro, mi-amateur, une spécificité qui n’existe que chez nous), a connu depuis quelque temps un certain changement quant à sa gestion. Sauf que le professionnalisme, même à la tunisienne ou à l’égyptienne, est conditionné par d’autres facteurs. A commencer par l’argent, le nerf de la guerre.
D’aucuns diraient que le football national bénéficie d’une manne financière plus ou moins conséquente. Il y a du vrai, mais la question qu’il faudrait se poser est : d’où provient cet argent ? La réponse est des plus simples : il y a le Contrat-programme, autrement dit l’Etat marocain et ses contribuables, et les droits télé. Et à propos des droits de retransmission du championnat local, c’est encore une fois le contribuable qui paye une partie de la note. Et ce via une redevance pour les trois chaînes publiques de la SNRT, laquelle pour casquer recourt au bouquet satellitaire arabe, ART, qui doit lui aussi débourser sa quote-part pour s’acquérir les droits de mettre en boîte et de diffuser le concours national.
Et le privé dans tout ça ? Un tel contexte ne met en valeur que l’apport du secteur public, malgré quelques contributions émanant de certaines entreprises dites citoyennes. Et pour qu’il y ait professionnalisme au vrai sens du terme, les entrepreneurs du secteur privé sont appelés à suivre et à s’investir dans ce processus. Le temps du mécénat, déguisé en sponsoring et en parrainage trompe-l’œil, est révolu. Toutefois, personne ne peut forcer des opérateurs économiques à s’aventurer et à risquer leurs sous dans un projet jusqu’ici aucunement lucratif. Ce n’est pas la seule recette de billetterie des matches, les quelques millions récoltés par les clubs en droits télé qui feront leurs affaires. Loin de toute stratégie visant la promotion du marchandising, le développement des recettes publicitaires, le passage à une bonne gouvernance…le professionnalisme, made home, est mal barré d’avance.
Il y a lieu de rappeler que des études se rapportant au sponsoring en Europe font état d’un engouement des investisseurs au business des clubs. L’enquête révèle que si un bailleur de fonds investit dans un club huppé, il gagne en retour six. Donc, ce n’est ni l’amour du club, ni la passion pour le ballon rond qui font courir ces investisseurs, mais le Gain. Et chez nous, nous sommes bien loin du compte.
Même le pactole, provenant des droits télé et du contrat programme, chiffré à plus de cinquante milliards de centimes, n’a pas servi les clubs. Sa répartition à parts égales a désavantagé les clubs qui jouent les premiers rôles au niveau local et qui participent aux compétitions à l’échelon régional ou continental. Si les petits clubs ont vu leur budget rehaussé par un flux considérable, il n’en est point le cas pour les gros calibres aux dépenses beaucoup plus faramineuses. Une « ségrégation positive » aurait pu être mieux appropriée, dans la mesure où des clubs de la trempe du Wydad, du Raja, des FAR ou de l’Olympique de Khouribga, en disposant de budgets de fonctionnement conséquents, seraient mieux armés à rivaliser avec les grosses cylindrées du continent et à être des clubs locomotives placés sur les rails du professionnalisme.