"La Turquie ne nous facilite pas la tâche au sein de l'Otan", a reconnu Ursula Von der Leyen, alors qu'Ankara vitupère depuis deux semaines contre l'interdiction faite en Europe à plusieurs ministres de participer à des meetings pro-Erdogan auprès de la diaspora turque.
"Mais personne ne doit s'imaginer qu'une Turquie en dehors de l'Otan nous écouterait mieux, ou serait plus facile à vivre, qu'une Turquie restée dans l'Otan", a mis en garde Mme Von der Leyen dans une interview à l'AFP.
Pour elle, c'est "précisément" parce que les membres de l'Otan sont "une alliance" qu'ils peuvent "discuter plus facilement de (leurs) principes concernant la démocratie et l'ouverture de la société - même dans la controverse".
La ministre, qui a participé à tous les gouvernements de la chancelière Angela Merkel depuis onze ans, juge également que le maintien dans l'Otan est un signal adressé aux opposants du président turc Recep Tayyip Erdogan.
"Nous ne devons pas abandonner les nombreux Turcs qui ne veulent pas d'un élargissement des pouvoirs du président", enjeu du référendum du 16 avril en Turquie, a-t-elle ajouté.
Le bras de fer avec la Turquie concerne principalement l'Allemagne et les Pays-Bas, qui ont empêché plusieurs ministres turcs de faire campagne sur leur sol pour le oui au référendum du 16 avril.
M. Erdogan a accusé Berlin d'user de méthodes "nazies", de soutenir "les terroristes" dans son pays et de promouvoir le non au référendum, tout en évoquant le rôle des Pays-Bas dans le génocide de Srebrenica, commis en 1995 dans l'ex-Yougoslavie, et en menaçant La Haye de représailles.
Mardi, le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière avait accusé le pouvoir turc de chercher par ses "provocations" contre l'Europe à se poser "en victime" pour peser sur le résultat du référendum.
Par ailleurs, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker s'est dit "scandalisé" mercredi par les propos du président turc Recep Tayyip Erdogan accusant l'Allemagne et les Pays-Bas de "nazisme".
"J'ai été scandalisé par ce qui a été dit par la Turquie sur les Pays-Bas, l'Allemagne et d'autres (pays). Je n'accepterai jamais cette comparaison entre les nazis et les gouvernements actuels", a déclaré M. Juncker à Strasbourg devant les eurodéputés, réagissant à la crise diplomatique qui oppose Ankara à plusieurs capitales européennes.
La Turquie reproche aux Pays-Bas - qui ont voté mercredi pour des législatives test pour l'Europe - d'avoir refusé la participation de ministres turcs à des meetings de soutien à Recep Tayyip Erdogan, en pleine campagne référendaire pour renforcer ses pouvoirs présidentiels.
M. Erdogan avait promis de "faire payer le prix" aux Pays-Bas pour ce traitement, rappelant selon lui "le nazisme et le fascisme".
L'Allemagne avait été la première début mars à s'attirer les foudres du président turc, après que des municipalités ont interdit à des ministres turcs de promouvoir le "oui" au référendum du 16 avril.
Le chef de l'Etat turc avait répliqué en accusant à maintes reprises Berlin d'user de méthodes "nazies".
"Etablir une comparaison avec cette période est totalement inacceptable", a insisté Jean-Claude Juncker mercredi.
"Celui qui fait cela prend ses distances avec l'Europe", a-t-il averti, en référence aux négociations d'adhésion à l'UE de la Turquie, actuellement au point mort.
Le président du Conseil européen Donald Tusk, qui s'est lui aussi exprimé devant les eurodéputés, a également apporté sa "solidarité" avec les Pays-Bas, évoquant notamment l'incident de Rotterdam, d'où a été expulsée une ministre turque samedi.
"Si quelqu'un voit du fascisme à Rotterdam, il est complètement détaché de la réalité", a-t-il estimé.