Le nouveau permis de conduire ouvre la voie à l'exploitation des fichiers confidentiels par les particuliers : Pour une instance informatique et liberté


Hassan Bentaleb
Mercredi 13 Octobre 2010

Le nouveau permis de conduire ouvre la voie à l'exploitation des fichiers confidentiels par les particuliers : Pour une instance informatique et liberté
Finis les excès de vitesse, le non-respect du droit de priorité ou les dépassements non réglementaires. Désormais, il faudra y penser à deux fois avant de griller ne serait-ce qu'un feu rouge,  car le nouveau Code de la route est déjà là avec ses restrictions étendues et ses amendes salées. Son objectif : dissuader les mauvais conducteurs de commettre plus de carnages sur nos routes et garantir la sécurité des usagers.
Pourtant, le nouveau dispositif pèche par l'imprécision de certaines de ses dispositions et le flou qui entoure certains autres. Prenons le cas de permis de conduire. Selon la loi  n° 52-05 portant Code de la route,  toute personne qui veut conduire un véhicule à moteur sur la voie publique doit être titulaire d'un permis de conduire en cours de validité, délivré par l'administration, correspondant à la catégorie de véhicule (art 1).
L'article 2 déroge à ces dispositions puisqu'il autorise les Marocains résidant à l'étranger et les conducteurs de nationalité étrangère, munis d'un permis de conduire international de conduire au Maroc mais pour une durée maximale d'un an.
Le nouveau texte de loi stipule également que tout candidat aux épreuves d'examen pour l'obtention d'un permis de conduire doit obligatoirement subir préalablement une visite médicale (art 12). Le législateur veut s'assurer que le candidat ne présente aucune des affections pouvant lui interdire la conduite.
Que le nouveau Code de la route demande un permis de conduire à tout conducteur, en exigeant un certificat médical obligatoire et préalable, cela n'a rien d'anormal. Mais que dira ce texte de ces milliers de motos, triporteurs et autres scooters de grande cylindrée circulant sur la voie publique sans permis de conduire ? Sont-ils désormais frappés d'illégalité et leurs conducteurs passibles d'emprisonnement ? Bénéficient-ils de complicité de l'Etat? Et dans ce cas, cette règle juridique est-elle générale et applicable sur tout le territoire national et pour toutes les personnes ou son caractère impersonnel et général n'est pas absolu ?   Qu'en est-il des investisseurs étrangers établis au Maroc, du Corps diplomatique et des MRE qui reviendraient s'installer au pays d'ici un an ? Devront-ils eux aussi changer leur permis de conduire par celui délivré par les autorités marocaines ? Autres anomalies et non des moindres : qu'en est-il de la liste des affections interdisant la conduite et les capacités physiques et mentales exigées (art 12) pour le faire ? Et qu'en est-il de la liste des médecins habilités à délivrer les certificats médicaux  prévus dans l'art 16 et 19 et leurs honoraires (art 21)? Personne ne le sait, car ce texte de loi ne pipe mot là dessus. Il est également resté muet sur les procédures de choix de ces médecins et les modalités d'examen de leurs connaissances scientifiques et leurs équipements. Peut-on déduire qu'à partir de 1er octobre les candidats ne pourront passer leur examen faute  de certificat médical et de médecins agréées ?
Le permis de conduire pose un autre problème, qui est passé inaperçu. A force de trop se focaliser sur les infractions et les amendes, il n'a pas accordé l'attention nécessaire à la question de la confidentialité des informations. Ainsi et conformément à l'article 37, le législateur exige que le support du permis de conduire comporte au-delà des indications concernant l'identité du titulaire du permis de conduire, les décisions administratives relatives à la validité du permis, les données relatives aux infractions, aux décisions judiciaires, au paiement des amendes et aux points du permis. Ces mêmes informations sont également réinscrites dans deux fichiers administratifs concernant les permis de conduire et les véhicules, dits respectivement « fichier national du permis de conduire » et « fichier national du véhicule » (art 120), dans lesquels sont inscrites d'office, les données sus-mentionnées et celles concernant le contrôle technique.
Ici aussi rien à signaler, sauf à des questions: pourquoi exige-t-on l'inscription des indications concernant les condamnations judiciaires prononcées contre le titulaire du permis dans le support et quelle relation doit-on établir entre ces indications et le permis de conduire ?
Pire, l'administration a le droit de modifier ou de compléter les informations contenues dans le support électronique et de les communiquer aux administrations et autres personnes publiques autorisées par la loi, aux autorités judicaires, aux auxiliaires de justice  et, surtout aux personnes de droit privé (art 121).
Grave. Tellement grave que pour éviter pareil dérapage, certains pays ont dû se doter d'instances informatique et liberté pour que pareil abus n'ait jamais lieu.
Au Maroc, non seulement, la porte a été ouverte aux abus, mais il y a plus. Les renseignements confidentiels contenus dans la puce électronique du permis de conduire et sur les fichiers spécialisés sont aussi communiqués, sur leur demande à l'avocat ou au mandataire du titulaire du permis, aux autorités étrangères compétentes, aux officiers ou agents de police judiciaire agissant dans le cadre d'une enquête préliminaire, aux agents verbalisateurs, aux autorités administratives civiles ou militaires, pour les personnes employées ou susceptibles d'être employées comme conducteurs de véhicules à moteur (art 132).
Le titulaire du permis de conduire et du certificat d'immatriculation est tenu au changement de ces supports lorsque celui-ci est décidé par l'administration, notamment pour tenir compte des évolutions technologiques (art 57). C'est au titulaire donc du permis de conduire qu'incombe la responsabilité d'obtempérer à ses propos frais si l'administration a commis des fautes dans la conception ou  la production des documents qui lui sont remis. Ajoutons que la durée de validité du support du permis de conduire et de la carte grise est fixée à 10 ans (art 58) alors qu'en Europe, elle est à durée indéterminée. 


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