Porter avec aisance le costume de Platini et de Zidane chez les Bleus n'est pas donné à tout le monde et le Bordelais est en train de l'apprendre à ses dépens. A 23 ans et avec seulement 21 sélections au compteur, Gourcuff découvre les contraintes d'une grande compétition internationale.
Vendredi contre l'Uruguay (0-0), l'ancien Milanais est apparu fébrile, emprunté, commettant des erreurs techniques grossières alors qu'il est considéré comme un orfèvre du jeu.
La question est d'ailleurs sur toutes les lèvres depuis le début de la saison: où est passé le Gourcuff conquérant de 2008-09, celui qui avait gagné en un match (France-Serbie en septembre 2008) ses galons de titulaire en équipe de France? Sorti d'une fin de saison calvaire avec Bordeaux, le Breton pensait évacuer ses malheurs en retrouvant la sélection mais l'embellie se fait cruellement attendre, ce qui explique en partie les difficultés des Bleus dans l'animation offensive.
Mais au-delà des problèmes techniques, il y a surtout cette désagréable impression d'un joueur perdu, ignoré par les cadres de l'équipe de France.
Vendredi dans L'Equipe, le capitaine Patrice Evra avait ainsi résumé en peu de mots l'incapacité du N.8 français à se fondre dans le collectif.
"Yo, je ne l'entends pas, a-t-il affirmé. Pour parler avec Gourcuff, il faut parler à Toulalan. C'est avec lui que je le vois rigoler." Contre l'Uruguay, le boycott de Gourcuff par Anelka ou Ribéry a paru évident, les deux joueurs prenant un malin plaisir à l'éviter, même quand il offrait la solution la plus évidente.
Aux entraînements, le malaise est également perceptible. Gourcuff s'échauffe souvent seul ou effectue les exercices soit avec ses coéquipiers bordelais (A. Diarra, Carrasso, Planus), soit avec Toulalan.
Gourcuff, trop tôt comparé à Zidane, est-il victime de la jalousie de ses pairs, de son image de "beau gosse" à mille lieues du "bling-bling" en vogue dans le milieu du football ou bien paye-t-il tout simplement un mental trop friable? Bixente Lizarazu estimait dimanche dans les colonnes de L'Equipe que le Bordelais était "trop effacé, trop gentil, sans doute trop bien élevé". "Aujourd'hui, il doit montrer les dents et jouer des coudes", a-t-il ajouté.
Des considérations que balaye toutefois Patrick Rampillon, son formateur lors de ses années rennaises. "Je suis surpris. Chez les jeunes, il faisait plus que l'unanimité, explique-t-il à l'AFP. Il avait une disponibilité, un respect des plus anciens. Il n'y avait aucune faille dans son caractère et aucune alerte. Retenir du match contre l'Uruguay qu'il y avait un problème Gourcuff, c'est un peu fort de le dire." Raymond Domenech ne peut toutefois nier l'évidence et a notamment testé lundi une nouvelle configuration avec Ribéry dans l'axe à la place de Gourcuff, Malouda occupant le côté gauche, juste après avoir aligné le Bordelais à son poste habituel.
Avant le deuxième match du Mondial contre le Mexique, jeudi, le choix est simple pour le sélectionneur: maintenir coûte que coûte sa confiance à Gourcuff au risque de mécontenter ses cadres ou le sacrifier pour gagner la paix sociale.