![Le livre vit une crise profonde Le livre vit une crise profonde](https://www.libe.ma/photo/art/default/1885185-2581072.jpg?v=1289555627)
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Nadia Essalmi, à la tête des éditions jeunesse Yamad, dresse pour Libé un bilan sévère mais objectif sur la place du livre dans le Royaume, et en particulier sur les ouvrages destinés au plus jeune public.
« Bien qu’il soit difficile de dire ce qu’il en est dès les premiers jours, il semble que les gens n’achètent pas tellement » explique-t-elle à Libé. « La plupart des visiteurs font de ce Salon une sortie comme une autre et flânent dans les allées sans acheter quoi que ce soit. » Pas de désespoir pour autant pour l’éditrice, car « l’essentiel est que les gens soient au contact du livre. »
Quant à l’édition et à la lecture, la sentence est plus sévère : « Il y a un éternel problème que l’on n’arrive pas à résoudre et le livre vit une crise très profonde. Si l’on n’a pas suffisamment de lectorat, c’est qu’il existe une défaillance au niveau de l’enseignement. Il n’y a aucune matière « lecture » à l’école par exemple. Les parents n’ont pas encore l’habitude de lire des livres à leurs enfants. Nous, nous organisons des ateliers dans les écoles pour apporter le livre aux enfants, car l’enfant ne va pas encore seul vers le livre. Finalement, nous ne pouvons élever que des futurs lecteurs au Maroc, car une histoire lue à un enfant c’est une fenêtre qui lui est ouverte sur le monde.».
Là se trouve finalement la plus grande des difficultés : comment inculquer le goût et l’envie de lire, quand la télévision et Internet semblent avoir tout balayé sur leur passage ? Pire encore, comment parler de développement de la lecture dans un pays où l’alphabétisme est un problème récurrent qui n’est toujours pas solutionné?
Pour les visiteurs du Salon, ce sont les coûts qui sont l’obstacle majeur à l’essor des ventes. « Je suis cadre et malgré ça je trouve que les prix sont au-delà du pouvoir d’achat des Marocains. Quand on a plusieurs enfants, on ne peut excéder 20 dirhams par livre » explique Latifa qui recherche principalement des ouvrages éducatifs. Pourtant, une réduction des coûts est quasi impossible, comme nous l’explique Nadia Essalmi : « Quand par miracle on arrive à baisser nos prix cela n’intéresse plus les libraires et les distributeurs car leurs marges sont minimes. On nous dit alors de jouer sur les prix, mais à quoi bon produire des milliers d’exemplaires si l’on n’arrive pas à les écouler?».
Autre problème, la concurrence des livres traitant de liturgie qui proviennent principalement du Liban et d’Egypte et qui sont produits en milliers d’exemplaires. Ces derniers sont commercialisés sur le Salon à des prix imbattables, et se vendent ainsi beaucoup plus aisément.
Coûts de production trop élevés, ventes faibles et surtout désengouement des citoyens pour la lecture, sont autant d’entraves qui plongent chaque jour un peu plus le livre dans la crise.
Il y a cependant lieu d’être optimiste, le nombre de visiteurs témoigne d’une certaine démarche visant à aller vers le livre. Goutte d’eau dans l’océan, penseront certains. Possible, mais toujours mieux que rien…