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Le livre : Théocratie populiste, Potentialités politiques selon l’histoire


Samedi 19 Juillet 2014

Le livre : Théocratie populiste, Potentialités politiques selon l’histoire
Partout l’islam traditionnel est en passe d’être débordé par l’islam radical. D’autres groupes et mouvements essayent de déstabiliser le régime en prétextant une meilleure défense des valeurs musulmanes sur les plans politique et social : ils critiquent aussi le régime pour ses bons rapports avec l’Occident, les Etats-Unis, Israël, etc. 
Que le pouvoir maintienne le sacré dans l’enceinte publique parce que l’on pressent qu’il est indispensable semble exclure que d’autres groupes puissent en faire un usage similaire pour s’emparer de l’Etat, avec d’autres options géopolitiques et d’autres politiques économiques et sociales. Or, le renouvellement du sacré est aussi un besoin : les sociétés structurées par le sacré expriment leurs frustrations par de nouvelles interprétations du sacré. 
De nouvelles synthèses, humaniste et libérale ou théocratique et populiste peuvent être potentialisées en cas de crise grave. Au cours du règne précédent, l’accent fut mis sur la dimension surnaturelle du Souverain, entrant dans la catégorie du sacré de contact, producteur de crainte révérencielle et d’un effroi qui introduit à un autre ordre, celui des puissances supérieures. La sacralisation constitutionnelle de la personne du Monarque peut s’interpréter comme une protection de l’institution monarchique mais elle s’expose à la difficulté que rencontrent tous ceux qui sont pris pour modèles: celle d’être irréprochables non seulement en eux-mêmes mais aussi pour les actes de ceux qui agissent en leur nom. 
Le débordement du sacré, de l’institution à la personne est aussi possible : or, on ne peut substituer au sacré de l’islam le sacré d’une personne (cf. les dérives du Shah qui disait : « Dieu me parle… ») sans prêter le flanc à toutes sortes de critiques. Il y a aujourd’hui un défi de plus en plus ouvert des tabous religieux et moraux (le film «Marock», d’une cinéaste marocaine, décrit une relation sentimentale entre une Marocaine «musulmane» et un Israélite ; un autre film, «Amours voilées», brise l’association commune entre le port du voile et la chasteté; un écrivain marocain, A. Taia, déclare son homosexualité; d’autres homosexuels veulent se constituer en association; un groupe de militants des droits de l’Homme ose transgresser l’interdiction de manger publiquement pendant le Ramadan; mais, y-a-t-il vraiment un risque de désacralisation? L’homosexualité existait bien avant et Abū Nuwass l’avait chantée; ce n’est pas par les moeurs que la désacralisation peut survenir réellement mais par la liberté de philosopher, et, à cet égard, les Marocains sont plutôt conservateurs, ou on les a rendus tels. Pendant les années soixante, les Marocains étaient friands de blagues, d’histoires drôles et de plaisanteries qui ne respectaient pas les tabous religieux et politiques; or; le pouvoir savait l’impact de l’humour contre l’autocratie. 
La censure des histoires drôles jugées profanatrices ou politiquement incorrectes fut la règle sous le règne de Hassan II. Cela n’a pas changé, pour les caricatures non plus. Driss. Basri apprit aux Marocains à rire de choses pas drôles du tout : il écarta méthodiquement les artistes talentueux et d’esprit libre, tel Senoussi par exemple. 
3. Sociopathologie des Marocains 
Les secteurs en crise sont l’éducation, la santé, l’emploi; ces crises sont anciennes, elles sont comme enroulées sur elles-mêmes, presque impossibles à résoudre et produisant des attitudes anomiques en série. Le mélange détonant que constituent la pauvreté, l’ignorance, le fanatisme, la corruption et l’injustice incite le pouvoir à un conservatisme qui n’a pour fin que le maintien d’une paix sociale que tous les observateurs jugent fragile. Ceux-ci peuvent constater que les Marocains vivent en incohérence et ont horreur de toute synthèse; on peut citer à leur sujet la séparation de J.J. Rousseau; ils refusent toute règle et toute norme : mettre en harmonie leur comportement social et la morale islamique ne veulent; mettre en harmonie les valeurs occidentales et les principes islamiques ne savent; s’accepter en tant qu’êtres qui refusent toute norme ne peuvent. Nous avons donc beaucoup de soufis ou de quasi-soufis, très peu de musulmans modernes, une forte minorité de délinquants et de psychopathes et l’immense majorité des indécis, qui veulent une chose et son contraire, qui se plaignent sans voir quelle solution leurs maux peuvent avoir. 
Les Marocains ont un comportement social peu correct ; il est caractérisé par la projection (c’est l’autre qui est mauvais), la contradiction (on blâme chez autrui ce que l’on s’autorise) et l’absence de sens social. Ce qui frappe avant tout au Maroc, c’est l’ampleur de la violence interpersonnelle, l’agressivité et l’hostilité affleurant dans tout rapport à autrui. Un autre aspect de cette violence est l’attitude autoritariste qui sévit un peu partout : lorsque j’étais à la Faculté des lettres de Marrakech, les clients attaquaient les non-clients. 
Il serait intéressant de savoir quel est le pourcentage de Marocains qui condamnent vraiment la torture et ceux qui la justifient. Le résultat pourrait être déprimant. Il y a effectivement une violence sociale sourde, diffuse et meurtrière; une attitude destructrice générale: plages, forêts, rivières sont polluées; plus grave encore: prendre la route est extrêmement dangereux: le Maroc enregistre 10 fois plus d’accidents que n’importe quel pays européen par nombre de véhicules égal. 
Les permis de conduire obtenus par corruption, mais aussi le mépris de la loi en sont responsables, sans oublier cette frustration endémique dans la société marocaine. Les Marocains ont le dégoût du monde ; ils font peu de cas de la vie, en particulier celle d’autrui. Il y a des Marocains, qui ne sont pas nécessairement des membres de la police politique, pour considérer, s’ils voient qu’on vous écorche vif, que vous devez y avoir un intérêt quelconque. 
Je discutais avec un de mes collègues au sujet des misères que le ministère de l’Intérieur fit à Mohamed Bennis et à l’équipe de At-taqafa Al-jadida, lorsqu’il interjeta : «Mohamed Bennis trouve confortable d’être une victime de la répression; cela lui rapporte, c’est un fonds de commerce; il peut aller partout et dire je suis une victime». Selon cette logique, les opposants s’étaient fait torturer pour obtenir un dédommagement un jour, mais nombreux furent ceux qui périrent avant! Il s’agit là, encore une fois, du refus de l’aliénation à autrui : on ne veut pas le laisser décider quel est son combat et on lui dénie toute authenticité; on déforme son action, on la définit à sa place pour en faire un imbécile ou un filou ou les deux. Rappelons que c’est aussi une vieille pratique de l’Etat marocain de nommer les prisonniers politiques détenus de droit commun. 
Ce même collègue avait totalement oublié comme il tremblait de tomber entre les mains de la police politique dans les années 1970, même s’il n’avait eu aucune idée radicale; il craignait qu’on se trompât à son sujet et qu’il passât à la trappe. Les Marocains sont les champions du mépris et de l’ignorance d’autrui, surtout lorsqu’il s’agit d’autres Marocains; pour eux, l’autre n’existe pas; il en résulte une citoyenneté très pauvre : ce sont les relations latérales qui sont désastreuses au Maroc. Cette terrible autodépréciation des Marocains les empêche de travailler ensemble dans une ambiance saine. 
Le manque de civisme et de discipline est partout : le Marocain a horreur de faire la queue ; il bouscule les autres pour acheter du pain comme si la famine sévissait depuis des mois et le sport national est le manque de respect vis-à-vis d’autrui.  

A suivre


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