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Le livre : Théocratie populiste Ou séparation des pouvoirs au Maroc ?


Samedi 12 Juillet 2014

Le livre : Théocratie populiste Ou séparation des pouvoirs au Maroc ?
Après sa détention, celui-ci décida non seulement d’agir strictement dans le cadre institutionnel offert par le Monarque, car cela avait été acquis lors du congrès de 1975, mais de ne plus demander que des élections transparentes. En mai 1983, Me A. Benameur se sépara de A. Bouabid accusé d’avoir préparé les élections avec le Roi et fonda le Parti de l’Action démocratique socialiste (PADS). 
De fait, l’USFP obtint 39 sièges et l’Istiqlal 43 aux élections législatives de 1984, mais les deux partis étaient dépassés de loin par l’Union constitutionnelle (84 sièges), la majorité ayant eu plus de 2/3 des sièges. La récupération du Sahara était le principal souci du régime: son coût devenait considérable et le conflit s’enlisait; le général A. Dlimi réussissait à peine à stabiliser le front avec le Polisario que survint son élimination. 
Véritable énigme, elle aurait été due à son accord avec l’Algérie et le Polisario; thèse peu satisfaisante. Action préemptive contre un putschiste potentiel?, au moment où l’Etat était d’une extrême vulnérabilité : il était à la fois confronté au Polisario qui jouissait du soutien financier de l’Algérie et de la Libye et à une grave crise financière sans parler de la détérioration des relations avec la France. L’énorme effort financier qui accompagna la récupération du Sahara aboutit à une réduction très nette du pouvoir d’achat de nombreuses catégories sociales y compris de la classe moyenne. 
Les infrastructures de base (routes, hôpitaux, écoles) furent délaissées (1976-1988). Le Maroc, au bord de la banqueroute, se soumit au Programme d’ajustement structurel (PAS) pour dix ans (1983-1993). L’USFP semblait toujours vouloir reprendre la lutte et faire pression sur le Souverain pour obtenir de réels droits politiques. Mais la situation avait changé : les partis dits de l’Administration s’étaient renforcés et enracinés et la mouvance islamiste devenait incontournable. Le régime ne manqua pas de donner des gages – à sa manière – à ceux qui souhaitaient voir l’islam au-devant de la scène. Contrairement au Shah qui célébra la civilisation perse, le Roi Hassan II ne fêta ni Volubilis ni Tamesna; il fit construire une mosquée gigantesque et somptueuse qui coûta des milliards de dirhams mais qui montra la ferveur religieuse du Monarque. 
Après plusieurs risques et vicissitudes, il avait stabilisé son pouvoir puis la fortuna se manifesta par la conjonction de la chute du Mur de Berlin et celle de l’Union soviétique, par la fin de la Guerre froide et le retour des bons sentiments : c’était le moment choisi par Amnesty International et G. Perrault pour attaquer le régime. “Notre ami le Roi” fut un traumatisme majeur pour Hassan II : il aimait la France et se sentit trahi; en fait, il fit plusieurs erreurs d’appréciation; il était convaincu que des auteurs français n’écriraient rien de désobligeant sur le Maroc; il pensait que le bagne de Tazmamart n’intéresserait personne en Occident (il avait négligé l’impact du nazisme et le maintien de cette mémoire vivante grâce à l’oeuvre des victimes directes ou indirectes de la Shoah). Il jugeait aussi que grâce au réseau qu’il avait établi en France dans le domaine des médias, de la finance et des forces politiques, en particulier des relations privilégiées avec le RPR, il pouvait neutraliser toute publication indésirable. 
Il était confiant parce que les autorités françaises avaient auparavant interdit des livres sur des chefs d’Etat africains. Rien de tel n’eut lieu dans ce cas-ci : ni Mitterand ni Rocard ne voulurent utiliser les lois existantes pour censurer le livre au moment où on soulignait la «réaction exagérée» du Souverain et où l’ouvrage recevait un appui médiatique exceptionnel. Hassan II était sûr de sa position internationale : l’Occident, pensait-il, ne pouvait pas le lâcher parce que le Royaume constituait «le recul stratégique de l’Europe de l’Ouest», mais la fin de la Guerre froide et la chute du mur de Berlin rendirent caduque cette considération. Deux ou trois choses qui remirent la gauche marocaine en selle : Amnesty International s’occupant particulièrement du Maroc, le livre de G. Perrault et la fin de l’Union soviétique; celle-ci émoussa les prétentions socialistes de l’USFP et du PPS et gomma les différences idéologiques avec le parti de A. Al-Fassi, convergence propice à un programme de gouvernement. Hassan II s’appuya sur sa virtù et voulut à tout prix éviter d’être celui qui amènerait l’effondrement de la dynastie… 
Il composa. Rédiger une Constitution faisait partie de la panoplie des moyens de réponse à une crise. Parallèlement à la libération des détenus de Tazmamart, l’Etat rechercha une «alternance» mais l’affaire Tabet vint semer le désarroi dans toute la société. 
La Koutla profita du discrédit de l’Etat, au moment où Hassan II devait penser à assurer sa succession, pour accentuer sa pression. En 1993, la pénalisation de l’activité politique connaissait un recul observable. A. Youssefi prit le Palais au dépourvu et s’exila à Cannes après le truquage des législatives de 1993; il rentra en 1995 avec la garantie d’être le prochain Premier ministre et, semble-t-il, d’obtenir un nombre de sièges conséquent et cette fois-ci était plutôt crédible puisque des rapports concordants émanant de plusieurs chancelleries faisaient état de la gravité de l’affection du Souverain. 
Le pacte entre la monarchie et la bourgeoisie, exemplaire à plus d’un égard (faible imposition des entreprises, défense inexistante des droits des travailleurs, salaires souvent en-dessous du SMIC) fut ébranlé par la politique d’assainissement qui paraît être plus une mise au pas idéologique (la bourgeoisie voulait sans doute plus d’autonomie par rapport au Makhzen et semblait oublier qu’elle lui devait son ascension) qu’un souci de sanctionner des malversations. 
On a noté que l’assainissement était ciblé selon que l’on bénéficiât ou non d’une protection politique. Dans l’ensemble, la bourgeoisie marocaine préférait les avantages du régime qu’une protection vis-à-vis de son arbitraire toujours possible par un approfondissement de l’Etat de droit; mais avec la crise politique provoquée par l’ampleur des atteintes aux droits de l’Homme, certains bourgeois furent tentés par l’émancipation. Mouhcine Ayouch, entrepreneur et membre du bureau politique de l’OADP, souligne le caractère fondamentalement politique de cet assainissement: «Il s’agissait aussi d’un message politique du Makhzen à l’entreprise qui voulait s’émanciper et qui réclamait plus de démocratie et d’Etat de droit. 
Il fallait la mettre au pas. Au Maroc, pratiquement tous les riches le sont depuis peu de temps et s’ils le sont, c’est grâce au Makhzen.» Le but de mettre fin à la contrebande ne s’embarrassa nullement des moyens mis en oeuvre : ce n’est pas seulement la machine judiciaire qui était défaillante; pire, toutes les poursuites étaient décidées du tout-puissant ministère de l’Intérieur. 
La défense ne put faire son travail; les dispositions du Code de procédure pénale furent violées. On peut citer le cas du pharmacien Moncef Ben Abderrazak qui fut condamné en 1996 à neuf ans de prison et à une amende de plusieurs millions de dirhams pour importation de gammaglobulines contaminées; or, selon Noufissa Benchemsi, directrice du laboratoire d’hématologie au CHU Ibn Rochd de Casablanca et Hakima Himmich, chef du service des maladies infectieuses au même CHU, et des laboratoires français et espagnols, les produits incriminés n’avaient aucune nocivité. Comment faire marche arrière? Tel fut le dilemme de la Cour après que le ministère de la Santé et l’Institut Pasteur du Maroc avaient attesté du caractère dangereux des gammaglobulines. Le pharmacien fut libéré au bout de trois ans. A-t-il été indemnisé?  

A suivre


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