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Le karaté aux JO de Tokyo Une consécration pour un art né à Okinawa

Jeudi 27 Octobre 2016

Masahiro Nakamoto, kimono, crâne lisse et barbe blanche de vieux sage, jubile: le karaté sera de la partie aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020, "une chance extraordinaire de montrer au monde qu'il a ses racines à Okinawa", souffle le maître de 78 ans.
"Le karaté s'est développé ici, sur ces toutes petites îles, et cela va surprendre le monde. J'en suis fier", dit-il à l'AFP dans sa maison, qu'il a transformée en dojo et musée.
Ces "toutes petites îles", aujourd'hui paradis des touristes, forment l'archipel d'Okinawa situé aux confins méridionaux du Japon, qui a annexé ce territoire en 1879. Longtemps indépendant sous le nom de royaume des Ryukyu, ce lieu, soumis à de nombreuses influences et théâtre de féroces combats, a vu naître le karaté au XVe siècle.
Le Japon, qui a beaucoup oeuvré à cette consécration olympique, salue "un événement historique". "C'est un jour de joie pour nous", lance Shigeo Kurihara, vice-président de la fédération japonaise, même si une intégration permanente du karaté aux JO n'est pas encore acquise: il devra faire ses preuves à Tokyo et il appartiendra ensuite au Comité international olympique (CIO) de faire des recommandations.
Le karaté, qui signifie "la main vide" (de toutes mauvaises intentions) en japonais, consiste à utiliser les mouvements de l'ennemi pour "se défendre", avec pour seule arme pieds et poings.
"On reçoit les coups de l'adversaire" qu'on transforme en attaque, explique l'expert Nakamoto, spécialiste du kobudo (il est 10e dan), un art martial inséparable du karaté à Okinawa, à la gestuelle similaire mais qui s'exerce avec des armes traditionnelles (bâton, trident, faucilles...).
"Nous avons de nombreuses techniques pour ne pas blesser l'ennemi, sauf en ultime recours, par exemple en le terrassant d'un simple toucher" à des endroits nerveux sensibles, poursuit-il. "Si je relâche la pression, la douleur part. C'est la moralité de cette discipline. Sans règles, c'est un permis de tuer". Si le judo a fait ses débuts olympiques en 1964, puis le taekwondo, originaire de Corée, en 1988, le karaté, bien qu'en haut de l'affiche à Hollywood, est longtemps resté exclu de l'Olympe.
Francis Didier, vice-président de la Fédération internationale de karaté (WFK) et à la tête de l'instance française, évoque de vieilles querelles entre adeptes d'une pratique sportive où les coups sont contrôlés, et partisans d'une pratique traditionnelle plus musclée qui "craignaient de perdre leur identité en accédant aux JO".
Pour entrer dans cette enceinte aseptisée, où 80 compétiteurs s'affronteront en 2020 (60 au combat, 20 au kata), "il a en effet fallu moderniser les règles, qui étaient un peu trop ésotériques".
"C'est un juste retour, il y a 10 millions de pratiquants licenciés dans le monde. Ne pas être dans le groupe olympique laissait un peu d'amertume", confie M. Didier, décrivant un art riche de nombreux styles "comparé au judo, plus monolithique".
"Les JO sont une superbe vitrine, cela va permettre de renforcer la visibilité du karaté", se félicite aussi Stéphane Fauchard, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.
Aux origines de ce sport, se trouve "un système de combat okinawaïen auquel se sont ajoutés des apports techniques provenant d'arts martiaux chinois", explique ce professeur qui se rend régulièrement sur ces îles du sud du Japon.
Selon le maître Masahiro Nakamoto, le développement du karaté est indissociable de celui de la liqueur d'Okinawa, Awamori. "Les maîtres de karaté étaient chargés de protéger des voleurs les convois", qui pouvaient acheminer le breuvage jusqu'en Chine ou la ville d'Edo (aujourd'hui Tokyo).
"L'été, ils dormaient à l'extérieur et se gorgeaient de liqueur. C'est de là que vient la tradition de savoir se défendre même ivre et assoupi", raconte-t-il.
Longtemps cantonné à Okinawa, ce n'est qu'au début du XXe siècle que le karaté parviendra aux portes de Tokyo, grâce à un instituteur okinawaïen, Gichin Funakoshi. Considéré comme le père du karaté moderne, il s'installe dans la capitale en 1922 pour transmettre, en l'adaptant, son savoir, avant que cet art martial ne parte à la conquête du monde après guerre.
Le karaté permet "aux petits de vaincre plus forts qu'eux", résume M. Nakamoto. "La vraie force vient de la compassion pour son rival, c'est pourquoi il est devenu aussi populaire".


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