« La fille a une vingtaine d'années, elle est issue d'un milieu bourgeois. Elle cherche à donner un peu de lumière et de légèreté à sa vie, qu'elle voit comme très insuffisante et inutile. Sans l'intensité qui lui est nécessaire. Elle décide de donner son amour. Pas au plus séduisant, ni au plus méritant ou au plus admirable, non, ceux-là n'ont pas besoin d'elle, elle donnera son amour au " premier venu " », dixit le synopsis du film.
Un film profond et novateur comme on aimerait en voir plus souvent. Pas d'effets spéciaux, pas de rebondissements spectaculaires ni d'ultra-réalisme, mais des dialogues vrais et touchants qui font toute la force de ce film.
Grand, large, immense retour de Jacques Doillon presque cinq ans après "Raja", qui conte, avec son naturalisme habituel, son installation de cadres qui s'échappent les uns des autres et avec un trio d'acteurs impeccable, une simple histoire d'amour qui tourne bien, mal, et les deux à la fois.
Filmé crûment, sans effets, loin même d'être embourbé dans une patte particulière côté esthétique, Doillon se démarque de tous les autres, grâce justement à sa simplicité impressionnante. Il n'y a que des mouvements fluides qui conduisent trois êtres en mal d'amour, les ramènent au point de départ, les esquisse, les contourne sur le bord de l'eau. Il y a cette pureté émanant de l'absolue nécessité de ne rien faire de trop, juste de suivre un récit a priori simple, mais merveilleux parce que, plus que de refléter une plausible histoire amoureuse, il dévoile fraîchement des âmes en proie à la vie de tous les jours, happés par le drame du mal-être ou de la jalousie, qui les condamne à errer, à agir dans le vide, à fuir sans but ni direction. Porté par la "Sérénade ininterrompue" de Debussy, magnifiques perles de clarté mystique, "Le premier venu" nous caresse le ventre, avec humour, ou émotion, mais toujours dans le doux geste humain qui, en embrassant une population diverse (un flic, un paumé, une jeune fille qui semble fraîchement débarquer d'ailleurs), touche au cœur. Et, comme la musique de Debussy, il y a quelque chose de clair ici, comme l'eau d'une montagne qui coule dans un petit fossé de terre, entre des pierres rafraîchies par le vent, qui parcourt l'herbe et se déverse dans la mer pour se mélanger comme ses trois personnages. Costa, premier venu à porter ses lèvres, est au centre du système narratif avec Camille, couple infernal et indécis, voguant mollement sur les mers tempétueuses qui s'acharnent furieusement sur eux.