Le général Praljak, homme de théâtre devenu criminel de guerre

Durant toute la procédure, il se considérait innocent, tonnant: "Praljak n'est pas un criminel. Je rejette votre verdict"


Vendredi 1 Décembre 2017

Le général Praljak, homme de théâtre devenu criminel de guerre
 Il fut homme de théâtre et de cinéma avant de devenir criminel de guerre: le Croate de Bosnie Slobodan Praljak s'est suicidé mercredi en buvant du poison pour dénoncer sa condamnation par la justice internationale.
Praljak "aurait pu être un metteur en scène faisant de bons films à Mostar, et non le destructeur de Mostar", ville de Bosnie que se partagent Bosniaques musulmans et Croates catholiques, a commenté Bakir Izetbegovic, le chef politique des premiers.
Silhouette massive, visage entouré d'une barbe et de cheveux blancs, Praljak est mort à 72 ans dans un hôpital de La Haye où il avait été transporté en urgence après avoir sorti une fiole de sa poche pour en avaler le contenu. Le tribunal venait de confirmer sa condamnation à vingt ans de prison. Le prix du rôle joué dans les forces armées de la "république croate de Herceg-Bosna", entité autoproclamée dont cet homme était un haut responsable.
Pourtant son profil ne laissait pas penser qu'il deviendrait un chef de guerre, gravissant rapidement les échelons pour devenir le "général Praljak", encore très populaire en Croatie.
Né dans le sud de la Bosnie, à Capljina, dans cette Herzégovine chère aux Croates, Praljak est un ingénieur qui a adjoint cette formation de diplômes en art dramatique et en philosophie.
Directeur de théâtre, il a produit des séries télévisées et même réalisé un film en 1989, "Le retour de Katarina Kozul", histoire d'une jeune veuve d'Herzégovine qui émigre en Allemagne.
Mais deux ans plus tard, il s'engage dans les forces croates, qui combattent les Serbes après la déclaration d'indépendance de leur pays.
Il devient rapidement conseiller du ministre de la Défense et joue un rôle central dans l'approvisionnement d'armes des siens, qui combattent alors avec les Bosniaques musulmans contre les Serbes orthodoxes.
Mais en 1993, la tension entre les alliés vire au conflit ouvert. Et c'est cette guerre croato-bosniaque longue de onze mois qui a valu à Praljak d'être emprisonné entre 2004 et sa mort.
Lui et ses cinq-coaccusés, ont été reconnus coupables d'avoir été des "participants clés à une entreprise criminelle commune visant au nettoyage ethnique des musulmans de Bosnie par le biais de crimes contre l'humanité", selon un communiqué du procureur du TPIY publié mercredi.
Praljak a également été accusé de la destruction du célèbre pont ottoman de Mostar, le "Stari Most", qui s'est effondré dans la rivière Neretva après un ultime tir d'obus en novembre 1993.
Un acte qui a "causé des préjudices disproportionnés à la population civile musulmane", selon les juges de première instance. En appel, le TPIY a toutefois jugé que ce pont, reconstruit avec l'aide internationale, était une cible militaire légitime.
"C'est juste un vieux pont", avait lâché Praljak, ne montrant aucun regret. C'était en 2004, l'année de sa reddition à la justice internationale et de la reconstruction du Stari Most avec des fonds internationaux et croates.
Durant toute la procédure, cet homme qui se considérait innocent a dit ce qu'il a répété une ultime fois mercredi: "Praljak n'est pas un criminel. Je rejette votre verdict". Sa fin spectaculaire, prévient le politologue croate Zarko Puhovski, est de nature à le transformer en "saint croate".


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