Le déclin "inquiétant" de la liberté de la presse avant les élections en Turquie

L'AKP améliorerait son score mais en deçà de la majorité


Mercredi 16 Septembre 2015

Quelques lignes et la porte. Cet été, l'éditorialiste Kadri Gürsel a été remercié sèchement pour un "tweet" critiquant le président Recep Tayyip Erdogan, et a rejoint la longue liste des victimes de la guerre engagée par le régime turc contre la presse indépendante.
Le 20 juillet, la ville frontalière de Suruç, à la frontière syrienne, était secouée par un attentat-suicide qui a tué 32 militants de la cause kurde. L'attaque n'a jamais été revendiquée mais vite attribuée au groupe jihadiste Etat islamique (EI).
La réaction de l'éminent journaliste du quotidien Milliyet est piquante. "Il est embarrassant que des responsables étrangers appellent le principal responsable de la terreur exercée par l'EI en Turquie pour lui présenter leurs condoléances après Suruç", écrit deux jours après Kadri Gürsel sur son compte Twitter.
Comme d'autres, il accuse Erdogan d'avoir soutenu l'EI pour accélérer la chute du président syrien Bachar al-Assad, ce que le chef de l'Etat a toujours réfuté. La réponse de la direction de Milliyet a été immédiate. Quelques heures après le "tweet" de son éditorialiste vedette depuis huit ans, elle dénonce son "attitude subversive" et le licencie sans autre forme de procès.
Le quotidien, modéré et respecté, est la propriété du conglomérat Demirören, dont le PDG éponyme est réputé proche du "palais". L'affaire Gürsel est devenue le dernier symbole en date des pressions de plus en plus insistantes exercées depuis des années par le chef de l'Etat sur les médias indépendants.
"Erdogan veut rétablir le pouvoir absolu de son seul parti sur le gouvernement. Et pour arriver à cette fin, il cherche à faire taire les dernières voix critiques dans les médias traditionnels", résume Kadri Gürsel.
Accusé de déformer les propos de Erdogan, le quartier général stambouliote du quotidien Hürriyet a été la cible il y a quelques jours de deux attaques de manifestants qui chantaient des slogans favorables au chef de l'Etat.  Et trois journalistes étrangers, deux Britanniques et une Néerlandaise, qui couvraient le conflit kurde ont été arrêtés et expulsés du pays. Le Premier ministre Ahmet Davutoglu a sévèrement condamné les attaques contre Hürriyet et Erdogan répète régulièrement à qui veut l'entendre que la Turquie dispose de "la presse la plus libre du monde".
Mais le bilan des ONG de défense des médias reste très pessimiste. "Il n'y a aucun espoir, la liberté de la presse décline en Turquie", regrette Yusuf Kanli, responsable de l'ONG Presse pour la liberté, financé par l'Union européenne (UE). Ces deux derniers mois, il a recensé au moins 140 licenciements de journalistes. "A l'approche des élections, la marge de liberté des médias continue à se réduire à un rythme alarmant", constate Karin Deutsch Karlekar, du PEN American Center
Ces dernières semaines, la reprise des combats meurtriers entre les forces armées et les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est à majorité kurde du pays et les élections législatives anticipées prévues le 1er novembre ont encore exacerbé les tensions entre les médias et les autorités.
Le Parti de la Justice et du Développement (AKP) améliorerait son score aux législatives anticipées du 1er novembre mais n'atteindrait pas la majorité parlementaire, selon un nouveau sondage d'opinion publié mardi.
Le parti obtiendrait 41,4% des intentions de vote, soit un demi-point de pourcentage de plus par rapport au scrutin de juin dernier quand il s'était contenté de 40,87% des voix et 258 sièges sur les 550 que compte l'Assemblée nationale.
L'AKP, qui avait dirigé seul le pays depuis 2002, avait perdu la majorité aux élections générales de juin dernier mais est, toutefois, resté la première force politique du pays.
Il avait mené des tractations avec deux des trois partis représentés au Parlement pour former un gouvernement de coalition. Mais, l'échec des négociations a poussé le président Recep Tayyip Erdogan à convoquer les électeurs pour des élections anticipées en novembre.
L'AKP a fait de la présidentialisation du régime son cheval de bataille lors du scrutin de juin. Son objectif est non seulement de se maintenir aux affaires mais d'élaborer, à cette fin, une nouvelle Constitution afin de remplacer le texte actuel, hérité de la junte militaire de 1980 et révisé plus d'une quinzaine de fois, qui instaure un régime parlementaire.


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