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Responsabilités partagées
Selon un communiqué du Bureau national du Syndicat national du pétrole et du gaz, affilié à la Confédération démocratique du travail (CDT), « les raisons de la hausse des prix des carburants au Maroc ne sont pas liées à l'augmentation des prix internationaux (le baril avait atteint 150 dollars en 2008 sans que le litre de gasoil ne dépasse 8 dirhams). Elles résultent principalement de la suppression des subventions de la Caisse de compensation, de la libéralisation des prix, de l'augmentation des marges bénéficiaires des distributeurs (plus de trois fois), ainsi que de l'augmentation des marges de raffinage et de la pression fiscale (plus de 3,5 dirhams pour le gasoil et plus de 4,8 dirhams pour l'essence) ».
Ledit communiqué pointe du doigt le Conseil de la concurrence qui a échoué, selon la CDT, dans la gestion du dossier des prix des carburants. D’après le document en question, «le Conseil s'est immiscé dans des compétences qui ne relèvent pas de ses attributions, déviant ainsi de sa mission de défense de l'application correcte de la loi sur la concurrence, de la liberté des prix et de la protection du consommateur en tant que partie faible ». «Il s'est érigé, précise le communiqué, en défenseur des pratiques illégales, tentant de convaincre les Marocains d'accepter les prix exorbitants des carburants, dans un contexte où les conditions minimales de concurrence sur le marché marocain sont absentes».
Par ailleurs, la même source a indiqué que « les marges bénéficiaires des acteurs du secteur des carburants ont augmenté après la libéralisation fin 2015, comme en témoignent clairement l'augmentation des investissements et l'amélioration des bilans financiers des distributeurs de carburants ». Et de rappeler que « la commission d'enquête parlementaire de 2018 a confirmé l'accumulation de 17 milliards de dirhams de profits ». La CDT avance, de son côté, et selon des estimations syndicales, que « les profits excessifs (dépassant ceux fixés par les autorités publiques) auraient atteint environ 80 milliards de dirhams fin 2024 ».
Pour la CDT, « la responsabilité première de la flambée des prix des carburants et de ses conséquences sur le quotidien des Marocains incombe au gouvernement et au chef de l’Exécutif. Ce dernier est tenu d'appliquer l'article 2, paragraphe 2, de la loi sur la concurrence et la liberté des prix, de retirer les carburants de la liste des produits à prix libéralisés et de revenir à une régulation garantissant des profits légitimes aux acteurs économiques tout en préservant le pouvoir d'achat des Marocains ». Le communiqué ajoute que « la réduction des prix des carburants et leur adaptation au faible niveau de revenu de la majorité des Marocains sont une nécessité pour préserver l'ordre public dans ses dimensions modernes et renforcer la paix sociale». Cela exige, toujours selon la CDT, « l'annulation de la libéralisation des prix du gasoil et de l'essence, la reprise du raffinage du pétrole à la raffinerie Samir, l'allègement de la pression fiscale, l'unification de la taxe entre le gasoil et l'essence, et la création d'une Agence nationale de régulation de l'ensemble du secteur énergétique au Maroc ».
Prix record
En effet, le Maroc demeure l’un des pays africains où les carburants coûtent le plus cher, selon les données de Global Petrol Prices. Au 20 mai 2024, le prix du litre d’essence s’est élevé à 1,54 dollar, plaçant le Royaume au quatrième rang africain, après la Centrafrique, le Sénégal, les Seychelles et le Zimbabwe.
Le Maroc détient également le record des prix des carburants les plus élevés dans le monde arabe, avec un litre de diesel coûtant en moyenne 14,79 dirhams (1,4 dollar américain) et un litre d’essence atteignant 15,46 dirhams (1,54 dollar américain). Cette situation, qui semble paradoxale au vu de la tendance baissière des prix du pétrole brut, soulève des interrogations quant aux mécanismes de formation des prix et à l’impact sur l’économie nationale.
Dépendance structurelle
Pour certains analystes, l’une des principales raisons de ces prix élevés réside dans la dépendance totale du Maroc aux importations de carburant. Contrairement aux pays producteurs de pétrole, le Royaume ne peut pas amortir les fluctuations des prix mondiaux par une production domestique.
Selon Hassan Edman, professeur d’économie de gestion à la FSJES d’Agadir, interrogé par Finance news, cette dépendance engendre un effet de latence entre les variations des cours internationaux et leurs répercussions sur le marché national. En effet, le pétrole brut doit être acheté, transporté, raffiné à l’étranger, puis réimporté sous forme de produits finis, un processus qui prend en moyenne quinze jours. Cette inertie ralentit l’ajustement des prix à la pompe. Et même si l’approvisionnement était optimisé, le poids des taxes et des marges limite l’impact d’une baisse des cours mondiaux sur les prix à la pompe.
Un autre facteur expliquant cette rigidité des prix réside dans le coût du raffinage. Depuis la fermeture de la raffinerie Samir en 2015, le Maroc ne possède plus de capacité de raffinage nationale, ce qui oblige les distributeurs à se fournir auprès de raffineries étrangères. Cette situation crée deux problématiques majeures. Une dépendance aux coûts de raffinage internationaux, qui peuvent évoluer indépendamment du prix du pétrole brut. Et un manque de stockage stratégique, rendant le pays plus vulnérable aux hausses de prix soudaines.
Par ailleurs, le ralentissement des investissements mondiaux dans le raffinage, au profit des énergies renouvelables, a réduit l’offre de carburants raffinés, maintenant ainsi les prix élevés même en période de baisse du brut.
Répercussions directes
Les prix élevés du carburant ont des conséquences directes sur le pouvoir d’achat des ménages qui sont doublement pénalisés. D’un côté, ils doivent payer plus cher pour leurs déplacements. De l’autre, l’augmentation des coûts de production entraîne une hausse du prix des biens et services de consommation courante.
« Le maintien de prix élevés des carburants, malgré la baisse des cours mondiaux, met en lumière plusieurs zones d’ombre du marché de l’énergie au Maroc. Si des solutions existent – notamment la réactivation de la raffinerie Samir, une révision de la fiscalité et un mécanisme de stabilisation des prix – leur mise en œuvre nécessite des décisions stratégiques et des arbitrages politiques importants », nous a confié un syndicaliste sous le sceau de l’anonymat. Et de conclure : « A long terme, la transition énergétique et la réduction de la dépendance aux importations de pétrole apparaissent comme les véritables leviers pour garantir une plus grande souveraineté énergétique et protéger l’économie nationale des chocs mondiaux. Mais en attendant, c’est au citoyen lambda de payer les pots cassés ».
Hassan Bentaleb