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Le capital immatériel, un gage pour l’émergence économique du Maroc

La Banque mondiale publie un nouveau mémorandum sur le Royaume

Jeudi 18 Mai 2017

Le défi majeur est de parvenir à atteindre et conserver un niveau élevé de croissance inclusive

Le Maroc doit investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique. C’est l’avis de la Banque mondiale qui a publié récemment son nouveau mémorandum sur le Royaume, 10 ans après le dernier consacré au pays.
Intitulé «Le Maroc à l’horizon 2040 : investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique», le nouveau rapport a été présenté lundi 15 à Rabat par Marie Françoise Marie-Nelly, directrice du département Maghreb et Malte.
Ce document s’est intéressé aux avancées économiques et sociales réalisées par le Royaume au cours des dernières décennies et a analysé les obstacles que le Maroc doit surmonter pour que le rattrapage économique que connaît actuellement le pays puisse s’amplifier et se transformer en mouvement durable de convergence économique et d’amélioration du bien-être de l’ensemble de la population.
Dans ce document, dirigé par Jean-Pierre Chauffour (économiste principal), l’institution financière internationale a estimé qu’au regard de ces avancées, le Maroc avait l’ambition légitime «d’accélérer son rattrapage économique vers les pays avancés au cours des prochaines décennies et de devenir le premier pays non producteur de pétrole de la région MENA à rejoindre le club des pays émergents».
Le rapport, qui s’est appuyé à la fois sur une série de rapports de la BM préparés en parallèle au mémorandum et sur une série de documents et notes de travail élaborés spécifiquement pour informer le mémorandum, établit ainsi un diagnostic de la performance économique et sociale du Royaume au cours des 15 dernières années avant de se projeter en 2040, c’est-à-dire à l’horizon de la prochaine génération, et d’analyser les scénarios économiques qui permettraient de doubler le rythme actuel de convergence de l’économie marocaine vers les pays d’Europe du sud. A savoir l’Espagne, la France, l’Italie ou encore le Portugal. L’objectif de cette démarche étant d’appréhender les voies possibles d’un tel rattrapage.
Dans ce cas, la BM a noté qu’« un scénario vertueux - mais réaliste - suggère que le PIB par habitant du Maroc (en parité de pouvoir d’achat) pourrait atteindre près de 45% de celui d’un Européen du sud en 2040 contre 22% actuellement».
Dans son rapport, la BM s’est intéressée aussi aux voies de politiques économiques ainsi qu’aux circonstances en matière d’économie politique qui permettraient de réaliser un tel scénario vertueux de rattrapage économique accéléré.
«Ce scénario repose sur une augmentation durable de la productivité de l’économie marocaine à travers une plus grande accumulation de capital immatériel; une notion qui renvoie à la fois à la qualité du capital institutionnel, du capital humain et du capital social des pays», a souligné la BM.
Mais au-delà, le mémorandum entend également apporter des pistes de réflexion à la question soulevée par SM le Roi Mohammed VI lors de son discours du Trône de juillet 2014 sur la façon dont le capital immatériel pourrait devenir le «critère fondamental dans l’élaboration des politiques publiques afin que tous les Marocains puissent bénéficier des richesses de leur pays».
A propos des avancées réalisées ces quinze dernières années par le Royaume, la BM a indiqué qu’elles se sont notamment traduites par une croissance économique relativement élevée, une augmentation sensible de la richesse nationale et du niveau de vie moyen de la population, une éradication de l’extrême pauvreté, un accès universel à l’éducation primaire et, globalement, un meilleur accès aux services publics de base et enfin un développement considérable des infrastructures publiques.
Ces améliorations auraient ainsi permis au Maroc d’enclencher un processus de rattrapage économique vers les pays d’Europe du Sud.
Mais tout n’est pas pour autant rose. La BM a estimé que l’insertion des jeunes dans la société accuse un retard. «Avec environ un jeune sur deux âgés de 25 à 35 ans disposant d’un emploi - souvent informel et précaire - l’emploi des jeunes constitue un défi majeur», a-t-elle noté.
Ce n’est pas tout. Selon elle, le Maroc est également confronté à la nécessité de répondre à une demande moins immédiate mais tout aussi pressante que celle de l’emploi qui concerne l’aspiration d’une jeunesse à un niveau de vie pouvant se rapprocher rapidement de celui que connaissent les pays plus avancés.
Le problème, c’est que «le processus de convergence économique enclenché depuis 15 ans est relativement lent, notamment en comparaison de celui affiché par d’autres pays émergents qui ont réussi à combler leur retard de façon significative. Même si la situation politique nationale a largement évolué depuis 2011, les aspirations de la jeunesse marocaine à un avenir meilleur demeurent présentes», a-t-elle constaté.
Examinant les scénarios qui pourraient permettre au Maroc d’accélérer significativement et durablement sa croissance et se rapprocher en l’espace d’une génération des niveaux de revenu et de richesse des pays les plus avancés,  l’institution internationale a retenu quelques pistes.
La BM a d’emblée appelé à un effort important d’investissement du côté de l’offre, principalement de la part de l’Etat et des entreprises publiques, estimant qu’il ne s’est pas encore traduit par des gains de productivité significatifs et ne peut être poussé davantage.
En ce qui concerne la demande, elle a indiqué que la croissance a été principalement tirée par la demande intérieure sur fond d’augmentation de l’endettement de l’État, des entreprises et des ménages.  
Dans son rapport, la BM a également relevé trois tendances essentielles en rapport avec la dynamique structurelle de l’économie marocaine. Elle a noté une difficulté d’allocation du travail non qualifié qui découle d’une industrialisation globalement insuffisante nonobstant des succès retentissants dans certains secteurs émergents comme ceux de l’automobile, l’aéronautique, l’agroalimentaire et des énergies renouvelables, entre autres. Seconde difficulté relevée dans ce mémorandum, celle d’allocation du travail qualifié qui résulterait de la lenteur de la montée en gamme du tissu économique, et notamment des demandes de cadres moyens et supérieurs. La troisième difficulté est celle de l’allocation des talents qui conduit à un faible dynamisme entrepreneurial.
Poursuivant son analyse de l’économie marocaine, la BM a constaté que les entreprises marocaines étaient globalement peu dynamiques et innovantes, en plus d’être peu structurées, de taille modeste et faiblement internationalisées.
Pour la BM, il ne fait aucun doute que l’un des défis politiques et économiques majeurs pour le Maroc est de parvenir à atteindre et conserver pendant 25 années un niveau élevé de croissance économique inclusive et de création d’emplois de qualité.
Pour y parvenir, elle a soumis dans ce document quelques scénarios possibles dont elle a relevé les faits saillants. La Banque mondiale a d’emblée indiqué que la transition démographique, l’urbanisation de la société dans un contexte de régionalisation avancée, et la montée du niveau de formation de la population constituaient trois tendances profondes et structurelles qui touchent la société et qui constituent une fenêtre d’opportunité unique dans l’histoire du Maroc. Avant de noter que «le faible taux de dépendance (part des moins de 15 ans et des plus de 65 ans dans la population totale) prévu jusqu’en 2040 constitue un véritable atout démographique».
La BM a toutefois averti  que ces tendances structurelles ne suffiront pas à elles seules à déclencher une accélération durable de la croissance.
Ainsi, afin d’échapper à ce que l’on appelle «la trappe des pays à revenu intermédiaire», elle a estimé que le Maroc devra atteindre et - plus important encore - conserver pendant une génération au moins des gains de productivité plus élevés que par le passé.
Elle a aussi estimé que sans accélération des gains de productivité, la croissance ne peut que décélérer, soulignant que la dynamique atone des années récentes pourrait s’interpréter comme une préfiguration de ce scénario de lente convergence.
Pour la BM, il ne fait aucun doute que « les gains de productivité constituent la clé de voûte d’une croissance forte et viable à long terme à même d’améliorer le bien-être et la prospérité des Marocains tout en renforçant la paix et la stabilité sociale ». Elle a, par ailleurs, estimé qu’en réorientant prioritairement ses politiques publiques vers le développement de son capital immatériel, le Maroc serait naturellement amené à faire évoluer sa stratégie de développement et à renforcer la gouvernance des politiques sectorielles.
Pour réaliser l’émergence économique, « l’augmentation du capital immatériel du Maroc sera nécessairement multiforme et devra viser à promouvoir un contrat social fondé sur la promotion d’une société ouverte ; c’est-à-dire sur le renforcement des institutions, le recentrage de l’action de l’Etat sur ses fonctions régaliennes, le développement du capital humain et le renforcement du capital social », a-t-on souligné dans ce mémorandum.
La BM a estimé que le Maroc doit investir dans les institutions d’appui au marché. Il doit allouer le capital de manière plus concurrentielle, lutter contre l’ensemble des rentes ; mieux informer les acteurs économiques sur les décisions qui les concernent et les y associer davantage, en particulier les acteurs locaux ; et promouvoir un changement culturel à l’égard de l’entreprise et de l’innovation.
Il doit aussi allouer le travail de manière plus efficiente et inclusive. A ce propos, «les estimations suggèrent qu’une refondation du Code du travail augmenterait significativement la participation économique et l’emploi, notamment l’emploi formel des jeunes et des femmes, et réduirait le chômage tout en préservant les salaires». Selon la BM, cette réforme pourrait viser à assouplir significativement la réglementation du travail, à renforcer la sécurité des travailleurs et à améliorer l’efficacité des politiques actives du marché du travail.
Enfin, le Maroc doit intégrer davantage l’économie mondiale et les chaînes de valeur globales. « Une plus forte intégration du Maroc dans l’économie internationale passerait par la disparition du « biais anti-export » qui continue à caractériser les institutions et les politiques gouvernant les échanges extérieurs, notamment par un assouplissement du régime de change, une libéralisation du contrôle des capitaux, une réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, une meilleure facilitation du commerce et une amélioration du régime d’investissement», a-t-on indiqué. Et de noter que les perspectives d’un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) ambitieux avec l’UE et la nécessaire mise à niveau des règles et réglementations du Maroc dans de nombreux secteurs constitueraient un objectif stratégique doté d’un fort potentiel de transformation pour l’économie marocaine.
Autre piste évoquée : l’investissement dans les institutions et les services publics. A ce propos, la BM exhorte le Maroc à renforcer l’Etat de droit et la justice ; moderniser l’administration publique ; améliorer la gouvernance des services publics.
La BM recommande aussi d’investir dans le capital humain. Le Maroc doit placer l’éducation au cœur du développement. Pour être efficace, le rapport a estimé que «la réforme éducative doit être réaliste et sélective. Elle devrait s’attaquer aux contraintes majeures, dans le cadre d’une «thérapie de choc» visant à provoquer un «miracle éducatif», c’est-à-dire une amélioration très significative du niveau des élèves marocains».
Pour une meilleure santé économique, la BM recommande également d’investir dans la santé. A propos, et en appui à la stratégie du gouvernement, elle a estimé que «les axes prioritaires de réforme devraient viser à étendre la couverture médicale et adapter l’offre de soins ; mobiliser et améliorer l’efficacité d’allocation des dépenses de santé en faveur des soins de santé primaire». Parallèlement, cette réforme devrait renforcer significativement la gouvernance du système de santé pour garantir l’efficience des nouveaux moyens en accroissant la redevabilité de tous les acteurs, en remobilisant les personnels de santé et en introduisant un système d’information et de gestion sanitaire intégré, a-t-elle soutenu.
Autre recommandation de la BM : développer la protection et l’éducation de la petite enfance. Pour l’institution financière, le Maroc doit « veiller à ce que tous les enfants marocains puissent bénéficier d’une meilleure protection et d’un meilleur développement lors de la petite enfance ». Ce qui, selon elle,  nécessiterait des efforts importants d’information et de campagnes publiques de sensibilisation sur l’importance de la petite enfance; une meilleure coordination des politiques et programmes de soutien de l’Etat ainsi que des investissements de qualité supplémentaires au niveau préscolaire. En plus d’une grande information et responsabilisation des parents,  notamment des pères.
La BM exhorte enfin le Maroc à investir dans le capital social. Et pour cela, il doit réaliser la parité entre les sexes. Car, a-t-elle constaté, «beaucoup reste à faire pour améliorer l’accès des femmes aux opportunités économiques et augmenter leur autonomie».
Dans ce cas, les politiques pourraient être infléchies autour de trois axes majeurs:«accroître les opportunités économiques pour les femmes; encourager l’émancipation, la liberté d’action et l’autonomie des femmes ; et systématiser la prise en compte du genre dans l’action politique et poursuivre la modernisation du droit. »
La BM a ajouté qu’il était important aussi d’encourager une plus grande confiance interpersonnelle, estimant que la gamme des moyens permettant à un pays d’augmenter son capital social est assez limitée. Et pour cause : «On ne décrète pas la confiance générale entre les citoyens, pas plus que le savoir-vivre, le savoir-être ou le savoir-faire ensemble».
Enfin, ce doucement s’est intéressé aux conditions en matière d’économie politique susceptibles d’engendrer un nouveau processus ambitieux de réforme, estimant que la question n’était plus de savoir ce que l’on doit faire mais comment le faire. Pour que les réformes identifiées soient mises en œuvre dans des conditions permettant d’améliorer significativement le bien-être social des Marocains, le mémorandum a estimé que la meilleure chose à faire serait de mieux faire connaître et appliquer les «règles du jeu» et d’adopter et de mettre en œuvre de nouvelles règles lorsque cela s’avère nécessaire.

Alain Bouithy

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