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Les conditions psychologiques et matérielles de sa mère sous-alimentée, avant son accouchement et même après, en étaient la cause. Saâdia Azim, cette brave femme, a tout fait pour garder son enfant jusqu’au jour «J». Elle a bien défendu ce «dépôt sacré» que son mari, arrêté, lui a confié. Cette malheureuse qui n’arrive même plus à pleurer son drame, continue à tout endurer avec stoïcisme. C’est d’ailleurs le comportement de toutes ces Marocaines qui galèrent au quotidien pour assurer leur survie et celle de leurs enfants.
Saâdia que nous avons rencontrée le premier jour des inondations, reste égale à elle-même. Sa dignité et son abnégation n’ont pratiquement pas changé malgré les malheurs qui se sont abattus sur elle. Son regard vif, son teint mat et son visage pâle attestent de la sous-alimentation qu’elle s’efforce de combattre, vaille que vaille. Ses mains tremblotantes ne sollicitent pas l’aumône mais la liberté pour son mari incarcéré depuis plusieurs semaines.
Elle ne sait plus quoi penser ni déplorer : un enfant mort juste après sa naissance prématurée, un mari emprisonné à tort ou une maison envahie par les eaux. «Cette femme mérite bien un trophée.
Mais elle est peu élégante et moins médiatisée pour attirer l’attention de ces ONG qui se distribuent les trophées de la femme marocaine comme si celle-ci n’existait, pour eux, que dans les quartiers huppés et les salons lustrés», déplore un militant associatif qui a tant défendu la cause de cette femme et ses semblables.
D’après lui, «Saadia n’est pas la seule femme à lutter contre la précarité, l’ignorance, la famine et le froid. Les bidonvilloises de Brahma et de tous les quartiers insalubres, sinistrés ou pas, donnent une image négative de ce pays des droits et de l’égalité que nous véhiculons à travers le monde. Surtout que les autorités locales, le conseil municipal et les composantes de la société civile ont abandonné ces gens-là en pleine crise. Et ce, pour un nouvel échiquier politique local dont les initiateurs ne pensent qu’aux sièges parlementaires et aux terrains à conquérir au détriment des droits humains les plus élémentaires».
Un avis que partage un autre militant associatif qui s’interroge : «Qui est responsable de la mort de ce nourrisson? Est-ce les autorités locales qui n’ont apporté aucune aide à sa mère sous-alimentée? Peut-on accuser nos élus qui ne pensent à ces gens-là qu’aux périodes de campagne électorale pour leur distribuer des promesses jamais tenues ? Ou est-ce tout simplement le destin qui en a décidé ainsi ?». Certes, nous avons l’habitude d’accuser le destin pour cacher nos crimes, mais…
Le décès de Mohamed juste après sa naissance n’est pas une coïncidence. La mère nous a affirmé que le jour de son accouchement prématuré, elle a trébuché suite à une altercation avec un agent d’autorité qui n’a pourtant pas tardé à s’excuser auprès d’elle quand il a su qu’elle était enceinte. «Le soir même j’avais très mal au dos. Et en arrivant au siège de l’ONG, j’ai ressenti les premières contractions. Une militante s’est chargée de me transporter sur ses frais à la clinique de la sage-femme. Vers 3 heures du matin le lendemain, mon enfant était né. Il était transi de froid. Il ne cessait de pleurer avant de plonger dans un long silence suivi d’un dernier cri», raconte la mère.
Le père a eu une crise le jour-même quand il a appris la nouvelle. Derrière les barreaux, il ne pense plus à son incarcération à tort mais à sa femme très malade et affamée. Depuis, il sombre dans un silence inquiétant. Ces compagnons de cellule s’inquiètent pour lui. Ses proches aussi.
Le drame de cette famille n’est certes pas unique. D’autres couples partagent également les mêmes conditions de vie désastreuses. La sous-alimentation est quasi générale. Le froid fait des ravages dans les rangs de ces sinistrés frappés de tous les malheurs. Ce qui explique leur colère et leur mécontentement. Plusieurs sit-in ont été observés. Des dizaines de doléances ont été adressées aux différents responsables locaux et nationaux. Mais rien n’a été fait pour les sauver de ce malheur qui menace désormais leur vie et celle de leurs enfants. Le "Comité de défense et d'action pour la libération des détenus et de solidarité avec les victimes des intempéries et de l'exclusion à Mohammedia" poursuit son combat malgré les différentes pressions sournoises exercées sur les militants par les autorités locales. Certains membres du comité nous ont affirmé que des agents d’autorité ne cessent de les menacer sous différentes formes pour les inciter à renoncer à leur combat. Mais le comité jure de poursuivre sa lutte pour la libération de leurs proches emprisonnés, l’amélioration de leurs conditions de vie et pour plus de droits humains. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’ils observent, vendredi prochain, un sit-in ouvert et une journée d'informations et de sensibilisation dans le local d’une ONG.
Rappelons que le gouverneur de la ville a promis aux habitants sinistrés du douar Brahma des lots de terrain. Les habitants ont entamé des démarches administratives. Ils ont été appelés à signer des engagements sur l’honneur, les contraignant à évacuer leurs baraques inondées avant d’obtenir le lot de terrain promis. Ce qui les inquiète. Selon des observateurs des affaires locales, «les habitants n’ont rien à craindre dans ce sens. Le fait de signer de pareils engagements sur l’honneur est devenu, par la force des choses, monnaie courante dans l’opération d’éradication des bidonvilles. D’ailleurs, le gouverneur n’a pas intérêt à aggraver le problème en les mettant à la rue sans les reloger, selon les directives Royales qui recommandent l’éradication des bidonvilles et la réinstallation des habitants dans des logements dignes des êtres humains.» Et pourtant, les habitants sont très inquiets sur leur sort. Ils ont bien raison : «Nous avons tant entendu des promesses non concrétisées et nous sommes victimes de toutes sortes d’abus. Ceci dit, nous avons perdu en quelque sorte confiance aux paroles. Seules des actions concrètes nous rassurent», conclut un sinistré.