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La première action du nouveau directeur du Centre cinématographique marocain est une censure… après autorisation. Et en ces temps de fête, le producteur Sarim Fassi Fihri devenu patron du CCM vient de faire un cadeau aux islamistes du gouvernement. Après avoir donné le visa d’exploitation à «Exodus» de Ridley Scott, il vient d’en interdire la programmation sans autre forme de procès. A-t-il agi sous pression ? Est-il allé aux devants de la volonté d’un Exécutif amateur «d’art propre» plutôt que d’art tout court ?
En tout cas, la nouvelle a fait le tour du monde. Le Maroc, terre de tolérance et de cinéma, a officiellement interdit le samedi 27 décembre la diffusion du dernier film de Ridely Scott, «Exodus : Gods and Kings». L’interdiction de ce péplum biblique en 3D qui raconte la fuite de l’Egypte du prophète Moïse sonne comme un démenti cinglant au positionnement du Royaume comme destination mondiale culturelle et cinématographique et alors que le Festival international du film de Marrakech vient à peine de ranger le tapis rouge qu’il avait déroulé pour ses stars mondiales.
Dans cette affaire, le cafouillage du CCM qui est placé sous la tutelle du ministère de la Communication va durer 72 heures. Interdit, pas interdit ? Censuré ou pas censuré ? «Exodus» ne connaîtra son sort définitif et donc son interdiction que dans l’après-midi du vendredi. Une décision qui prête à débat quant au respect des procédures. La commission de contrôle qui est composée entre autres de représentants des ministères de la Communication et des Habous et Affaires islamiques a tenu une première réunion pour autoriser l’exploitation du péplum de Ridley Scott. Il a été projeté pendant trois jours à Marrakech. Il n’y a eu ni plainte, ni manifestations ni sit-in pour convoquer à une deuxième réunion la commission qui a délivré le visa d’exploitation. Le communiqué publié finalement par le CCM est un morceau d’anthologie. On y lit que la commission ne délivre pas le visa d’exploitation du film «Exodus». Une décision prise à l’unanimité, toujours selon ce communiqué et ce en raison "des scènes personnifiant Dieu par un enfant lors de l’épisode de la révélation faite au prophète Moise. Cette représentation est non-valable dans toutes les religions monothéistes. Ce qui justifie largement l’interdiction du long-métrage". Problème, c’est cette même commission qui a déjà autorisé ce film «comportant des scènes personnifiant Dieu par un enfant» qui se déjuge tout en se faisant amnésique. Il ne s’agit pas de «ne pas délivrer un visa d’exploitation» mais de retirer une autorisation d’exploitation déjà accordée. Sans parler du fait que Sarim Fassi Fihri dispose, en tant que directeur du CCM, de la décision finale en suivant, ou pas, la commission de contrôle. Reste enfin le motif de l’interdiction et son extrême fragilité. Le CCM évoque la personnification de Dieu par un enfant qui donne la révélation à Moïse. Les professionnels de l’écriture cinématographique, eux, n’y voient que métaphore et «hallucination» propres au 7ème art. En Egypte par exemple, «Exodus» a été interdit après qu’une commission d’historiens a conclu à une falsification de l’histoire des Pharaons par ce péplum.
Au final, que faut-il retenir de cette censure qui vient confirmer le rétrécissement des espaces de liberté en terre marocaine ? Le prisme religieux est en train de s’installer sur les scènes publique et artistique, mettant en péril toutes les expressions. Il y a une trentaine d’années «Les dix commandements» de Cécil B. Demille avait connu un immense succès dans les salles de cinéma du Maroc. A l’évidence, les temps ont changé.
«Exodus» dont une grande partie a été tournée à Ouarzazate, a d’abord reçu le visa d’exploitation, le fameux sésame qu’accorde le Centre cinématographique marocain aux exploitants de salles de cinéma. Mercredi 24 décembre, « Exodus » est même à l’affiche de plusieurs cinémas du pays avant que les patrons de salles ne reçoivent de mystérieux coups de fils de fonctionnaires du CCM leur enjoignant l’ordre de déprogrammer le péplum qui raconte le départ d’Egypte du prophète Moïse. Une décision orale à laquelle se plieront tous les cinémas, sauf un. A Marrakech, le Colisée a projeté le film de Ridley Scott jusqu’à ce que tombe la décision écrite du CCM. Dès mercredi, la distributrice du film et exploitante du «Colisée», Mounia Benkirane Layadi, a choisi de résister. Seule contre tous. Ce qui lui a valu le titre de «fighter of the day» que lui décernera le réalisateur Noureddine Lakhmari sur sa page facebook. La résistance ne fait que commencer.