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A l’approche des élections de 2026, le Maroc fait face à une crise multidimensionnelle : inflation galopante, chômage endémique, déliquescence des services publics. Malgré des promesses ambitieuses, la majorité gouvernementale dirigée par Aziz Akhannouch peine à incarner un projet de société cohérent, et donne de plus en plus l'impression de privilégier la communication à l'information et les postures à une véritable prise en compte des besoins et attentes des populations, creusant ainsi un fossé entre discours politiques et réalité sociale. Comment expliquer cet entêtement à ignorer la réalité? Quelles leçons en tirer pour l’avenir ? Cet article analyse les racines de la défiance citoyenne et explore les scénarios politiques émergents.
Economie : Des réformes en trompe-l’œil
Inflation et pouvoir d’achat : Le cercle vicieux
La flambée des prix (5,8% d’inflation en 2023, Banque mondiale) a érodé le pouvoir d’achat des ménages (–30% depuis 2021), frappant particulièrement les classes populaires. Si les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales expliquent en partie la crise, certains choix du gouvernement ayant accentué la dépendance du pays à l'égard des marchés mondiaux dans des secteurs aussi vitaux que les denrées de première nécessité, ajoutée à l'arbitraire ayant marqué la définition et la mise en place de quelques politiques compensatoires, ainsi qu'une absence de volonté de contrôler les marges bénéficiaires de ceux à qui le gouvernement a octroyé le droit d'importer certains produits pour essayer de couvrir le manque flagrant enregistré à cet effet, aggravent le quotidien des Marocains.
Chômage et investissement : L’échec des programmes phares
Les programmes Awrach (emplois temporaires), Forsa (microcrédits) et Intilaka (entrepreneuriat jeunesse), bien que médiatisés, souffrent d’un manque de vision structurelle. Résultat: un taux de chômage stagnant à 21% (28% chez les jeunes) et une chute de 10% des investissements étrangers en 2023. Contrairement à la Tunisie ou la Jordanie, où des réformes fiscales et une simplification administrative ont relancé l’attractivité, le Maroc reste englué dans une bureaucratie paralysante.
Services publics : Une dégradation systémique
Santé : Un système à deux vitesses
Avec seulement 7.000 médecins et 12.000 infirmiers manquants (ministère de la Santé, 2023), le système public s’effondre. 60% des hôpitaux manquent d’équipements basiques, forçant les patients à opter pour le privé. Or, cela représente un choix impossible pour 45% des ménages vivant avec moins de 3.000 DH/mois.
Education : L’abandon scolaire, symptôme d’un malaise
Le taux d’abandon en milieu rural (12% en 2023 contre 8% en 2018) reflète l’échec des politiques éducatives. Des classes bondées (jusqu’à 60 élèves), un manque de formation des enseignants et l’absence de cantines scolaires dans les zones reculées perpétuent les inégalités.
Logement : Les bidonvilles, une plaie sociale durable
Malgré des annonces qui se veulent optimistes, 600.000 familles vivent encore dans des bidonvilles. Les projets de relogement, ralentis par des lourdeurs administratives et des détournements de fonds, illustrent l’écart entre les priorités Royales et l’exécution gouvernementale.
Gouvernance : Improvisation, bureaucratie et défiance
Absence criante de vision stratégique
Le gouvernement privilégie les mesures d’urgence (aides ponctuelles, communication autour d’événements comme la Coupe du monde 2030) aux réformes de fond (révision du système fiscal, lutte contre les monopoles, décentralisation). La faiblesse de la coordination interministérielle et l’opacité des appels d’offres publics alimentent la corruption.
Le poids de la bureaucratie : Un frein historique
Classé 53e sur 64 pays dans l’indice de complexité administrative (OCDE, 2023), le Maroc décourage les investisseurs. Les lenteurs dans l’octroi de permis, la multiplicité des taxes locales et la rigidité du Code du travail pénalisent les TPME, pourtant créatrices de 80% des emplois.
2026 : Scénarios politiques et alternatives
La majorité en quête de légitimité
Il semble que les partis de la majorité sont en train de prendre conscience que leurs discours, quoique soigneusement conçus, ne suffisent plus à convaincre les populations de la soi-disant efficacité de leurs politiques.
C'est ce qui explique d'ailleurs les animosités qui commencent à jaillir entre les présidents des partis formant le gouvernement. Si les partis de la majorité ne veulent pas que la confiance des citoyens s'écroule encore plus dans l'action politique, il faut qu'ils s'attèllent, sans tarder, à la mise en oeuvre d'initiatives et de réformes audacieuses dans les domaines econmique, agricole et social, en adéquation avec les besoins et attentes des populations, et qu'ils cessent de stigmatiser toute personne ou groupe de personnes pointant du doigt les dysfonctionnements des poliltiques des pouvoirs publics. Certes, l'on peut se réjouir de la participation de notre pays à l'organisation de la Coupe du monde, mais cela ne doit, en aucun cas, occulter les difficultés auxquelles de larges franges de la population sont confrontées au quotidien. Les besoins sociaux immédiats des populations vulnérables doivent bénéficier du même intérêt, voire plus, des projets d'infrastructures liées aux préparatifs de la Coupe du monde. Sinon, le risque de ressentiment pourrait s'accentuer davantage.
L’opposition à la croisée des chemins
L’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) pourrait incarner une alternative en s’inspirant de l’ère Youssoufi (1998-2002), marquée par des réformes sociales audacieuses. Pour cela, elle doit :
Unifier son discours autour d’un projet de développement inclusif (ex. : revenu universel, école gratuite et obligatoire jusqu’à 16 ans).
Dénoncer les dérives clientélistes et proposer un pacte anti-corruption avec la société civile.
S’allier avec d’autres forces progressistes de gauche pour former une coalition crédible.
La crise actuelle est moins conjoncturelle que structurelle : elle révèle l’essoufflement d’un modèle de gouvernance centralisé et peu redevable. En 2026, les électeurs marocains trancheront entre la continuité d’un pouvoir technocratique, d'une part, et l’émergence d’une nouvelle alliance réformatrice, d'autre part. Pour éviter un scénario de défiance accrue, l’urgence est de replacer l’intérêt général au cœur de l’action publique – quitte à bousculer les rentes et les inerties. Le Mondial 2030 ne sera un succès que si les stades ne cachent pas la misère des bidonvilles voisins.
Par Mohamed Assouali
Membre de la Commission nationale d'arbitrage et d'éthique de l’USFP.