Le bateau ivre de la majorité

Le gouvernement Benkirane expédie les affaires courantes mais prend des décisions impopulaires


Narjis Rerhaye
Lundi 23 Septembre 2013

Le bateau ivre de la majorité
«C’est un gouvernement qui expédie les affaires courantes mais qui prend des décisions politiques  impopulaires qui, normalement, doivent être débattues d’abord dans le cadre de la majorité. Ce n’est pas le cas puisque la majorité, qui a perdu l’un de ses alliés, ne s’est toujours pas réunie». Ce ténor de la majorité qui tient ces propos ne cache plus sa nervosité. La hausse des prix des carburants a fini par exacerber sa colère. Le gouvernement Benkirane, explique-t-il, est au cœur d’une incohérence inexplicable. En l’absence d’un nouvel allié et d’une équipe ministérielle remaniée, le cabinet Benkirane est dans une situation tenant à l’invivable. Des ministres en témoignent, refusant d’être cités, histoire de ne pas ajouter à la débâcle. «On gère les affaires courantes. Ce qui signifie qu’on ne gouverne pas vraiment. Au début, tout le monde était mal à l’aise. Maintenant que cela dure, sans que personne ne sache vraiment ce qui se passe, la situation est infernale. Les conseils de gouvernement que nous tenons ne ressemblent à plus rien. Juste des réunions pour la forme, pour dire que ça fonctionne», soupire ce ministre.
Pas de nouveau gouvernement à l’horizon. Les partenaires de la majorité ne se l’expliquent pas. Et le chef du gouvernement, pourtant si prompt à se faire champion de la communication, est en mode silence. Les appels à la sortie de crise et à l’instauration d’une vie institutionnelle normale lancés par le PPS que préside Nabil Benabdallah n’y font toujours rien. Mercredi 18 septembre, le bureau politique du parti des anciens communistes a lancé un nouvel appel -le deuxième  en une semaine- pour que soit trouvée «une rapide sortie de la situation d’atonie et d’attentisme dans laquelle vit actuellement le pays, et ce à travers la formation du nouveau gouvernement dans les plus brefs délais et le retour à une vie politique et institutionnelle normale en vue de créer les conditions d’une rapide reprise du train des réformes déjà initiées par le pays depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution et la mise sur pied de l’actuel gouvernement». Les tractations entre le PJD et le RNI se sont arrêtées. Abdelilah Benkirane et Salaheddine Mezouar ne se rencontrent plus. A l’évidence, il n’y a pas eu d’accord. «Même si le chef du gouvernement n’a pas pris le soin de l’expliquer à l’opinion publique qu’il tient à distance de tout ça. Une opinion publique qu’il avait pourtant pris l’habitude de prendre à témoin pour dénoncer les crocodiles et les démons ! », ironise ce député de l’Union socialiste des forces populaires.Cette situation de «non gouvernement» n’a pourtant pas empêché les polémiques gouvernementales. Encore une fois, elles sont alimentées par la frange islamiste de l’Exécutif.

Pas de gouvernement mais
des polémiques à la pelle
La palme revient à Najib Boulif, le ministre PJD des Affaires générales et de la Gouvernance. Ce ministre de l’indexation a fait trois déclarations  qui sont autant de polémiques. Il a d’abord reproché à son pair du gouvernement et du secrétariat général du PJD, le ministre de la Communication Mostafa El Khalfi, d’avoir causé une perte de 200 millions de dirhams au budget de l’Etat et ce après avoir évoqué publiquement le coût des assurances appliquées au prix du carburant. «Cela nous a coûté 200 millions de DH supplémentaires exigés par la société d’assurances concernée !» s’est exclamé Najib Boulif devant la commission parlementaire de l’économie et des finances.  Pour ce membre du Bureau politique du parti de la Rose, tout cela fait un peu désordre. Deux ministres appartenant non seulement au même gouvernement mais aussi et surtout à la même famille politique qui s’échangent de telles accusations, suscite bien des inquiétudes. «Le gouvernement tangue comme un bateau ivre et on se demande qui est encore à bord», s’interroge notre interlocuteur.
Autre polémique mais même ministre. Cette fois, Najib Boulif a tiré à boulets rouges sur Ahmed Lahlimi, le Haut commissaire au plan.  Il y a quelques jours à peine, le HCP a rendu publique une note relative aux conséquences de l’application du système d’indexation partielle des prix des produits pétroliers. Une telle indexation, ont soutenu les experts du HCP, va se répercuter sur les prix des produits de consommation. Une mise en garde qui n’a pas du tout été au goût du ministre des Affaires générales et de la Gouvernance qui a accusé Ahmed Lahlimi d’adopter «une démarche politique  et non économique» en livrant des données «approximatives et générales». Sous le gouvernement d’alternance que dirigeait le socialiste Abderrahmane Youssoufi, Lahlimi occupait exactement les mêmes poste et fauteuil que Boulif…
Jamais deux sans trois. La troisième et (pour le moment) dernière sortie d’un Boulif prêt à s’emporter concerne les ministres istiqlaliens, ceux-là mêmes dont le parti organisait hier dimanche une grande marche à Rabat pour dénoncer  la hausse des prix des carburants.  Deux d’entre eux, fait valoir le responsable gouvernemental islamiste, ont signé le décret relatif au système d’indexation des prix des produits pétroliers. Il s’agit du ministre de l’Economie et des Finances, Nizar Baraka, nommé depuis à la tête du conseil économique, social et environnemental et de celui en charge de l’Energie et des Mines, Fouad Douiri. «Ils ne s’y sont pas opposés. Ils n’ont rien dit en Conseil de gouvernement. Comment dès lors leur parti peut-il appeler à une marche de protestation ?» a en substance déclaré le ministre des Affaires générales avant d’ajouter que la rue ne lui fait pas peur. «Nous, nous mobilisons autant de monde dans une seule ville», a-t-il déclaré mercredi lors d’une rencontre avec la presse au sein de son département.  «Voici un ministre du PJD qui menace une fois de plus de faire sortir les citoyens dans la rue. Après un an et demi de pouvoir, ces gens n’ont pas encore compris qu’ils ne sont plus dans l’opposition. On ne gouverne pas en organisant des manifestations dans la rue», conclut  cette députée de l’opposition.


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1.Posté par alouane le 23/09/2013 11:03 (depuis mobile)
Ce constat d apres cet aricle demontre que le Maroc vit une crise politique et ca prouve vraiement qu on est trop loin de voir le bout du tunel j espere que je suis pecimiste

2.Posté par BEN le 24/09/2013 00:48
Les questions qui peutvent se poser actuellement face à cette situation:Y-a-t-il quelque part rupture dans la continuité de l'Etat au regard de la Constitution?En cas d'une nouvelle éventuelle coalition, les nominations aux postes de responsabilité administrative publique ou semi-publique seront-ils par la force des choses remises en cause?Dans tous les cas quelques impatients ne savent pas avec certitude qui courtiser pour être dans la liste des futurs entrants quand aux désignés cherchent à survivre?Un point de presse du chef de gouvernement à ces électeurs me parait opportun,car ils ont l'impression aprés ce long silence, d'être les oubliés de la vie politique.

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