Le RAMED loin du compte : 11,7 millions de cartes de bénéficiaires supposés mais le reste n’a pas suivi

Moyens financiers limités Dégradation des conditions de travail Prorogation des délais d’attente


Hassan Bentaleb
Samedi 14 Avril 2018

“C’est peut-être un colosse mais c'est un colosse aux pieds d'argile ». C’est ainsi qu’on peut qualifier le Régime d'assistance médicale (RAMED) six ans après son lancement.
En effet, ce régime fondé sur les principes de l'assistance sociale et de la solidarité nationale au profit des démunis peine à offrir des soins de qualité dans des délais raisonnables et des infrastructures hospitalières efficientes. Aujourd’hui, on parle de 11,7 millions de cartes distribuées et pas des personnes bénéficiaires faute d’une mise à niveau des infrastructures hospitalières et permettre une vraie  généralisation de ce dispositif.
Une évaluation du RAMED datant de 2017 et effectuée par l’Observatoire national du développement humain (ONDH) avait indiqué que la généralisation de ce régime constituait une mise à l’épreuve du système public de soins et, partant, de l’hôpital. Ce dernier est mis en situation de fournir plus de prestations de soins au moment même où ses ressources humaines et financières n’enregistraient pas d’augmentation significative. Un déséquilibre entre l’offre et la demande qui s’est traduit par une baisse de l’efficience et de la qualité des services rendus.
L’un des premiers dysfonctionnements de  la généralisation de ce régime souligné par le rapport de l’ONDH,  transparaît à travers une augmentation des délais d’attente pouvant aller de 3 à 9 mois, voire plus et due à l’afflux massif des bénéficiaires. Une question des plus problématiques du point de  vue des malades comme des médecins qui pointent du doigt le stress, les douleurs et les dangers que les délais font courir aux patients et notamment à ceux qui sont atteints de pathologies graves.
La hausse du nombre des bénéficiaires a eu également pour conséquence la dégradation des conditions de travail du personnel hospitalier qui s’est traduite par la multiplication des manifestations de stress, de fatigue et de démotivation au travail. Une situation causée par l’accroissement de la charge de travail du personnel et des consultations. Selon des chiffres officiels, 20 millions de prestations ont été réalisées au niveau des hôpitaux préfectoraux et régionaux et  9,5 millions au niveau des Centres hospitaliers universitaires (CHU) en six ans de généralisation du RAMED.
Enfin, cette généralisation s’est accompagnée d’une utilisation intensive du matériel médical provoquant une usure plus rapide et des pannes récurrentes de celui-ci, pouvant aller jusqu’à  l’indisponibilité des plateaux techniques en l’absence d’un système de maintenance adéquat. Cette surconsommation des ressources hospitalières est due également au développement d’une demande des prestations médicales rendues aux patients.  Une situation aggravée par l’insuffisance de la contribution du budget général de l’Etat au regard de l’ampleur des besoins. Ceci d’autant plus que les modalités de gestion prévues par la loi n° 65-00 portant Code de la couverture médicale de base n’ont pas été appliquées.  La difficulté majeure réside dans l’absence d’individualisation des ressources affectées au RAMED et le manque de clés de répartition des crédits reçus par le Fonds d’appui à la cohésion sociale. Le manque de comptabilité spécifique des crédits reçus de ce fonds laisse planer le doute sur l’effectivité réelle et l’efficience de leur gestion.  La contribution de l’Etat a atteint 15,5 milliards de DH en 2017.
Une analyse des données budgétaires de certains hôpitaux publics fait apparaître deux phénomènes majeurs, à savoir la diminution des ressources propres des hôpitaux et leur recours accru à l’autofinancement  et l’ajustement incomplet et irrégulier du manque à gagner des hôpitaux par les subventions spécifiques attribuées au RAMED.
La diminution des ressources propres des hôpitaux  trouve son explication dans la baisse de la proportion d’usagers payants et l’éviction de certaines catégories d’usagers vers le secteur privé pour éviter l’engorgement et l’allongement des délais.  En fait, seules les personnes vulnérables qui représentent 9% des bénéficiaires contre les 91% des «pauvres» sont contraintes de verser une cotisation annuelle qui est fixée à 120 DH par personne, plafonnée à 600 DH par famille. Ce qui revient à dire que seulement 1.318.526 bénéficiaires sont en mesure de s’acquitter de la cotisation annuelle de 120 DH, selon des statistiques émanant de l’Agence nationale de l’assurance-maladie (ANAM).
La généralisation du RAMED n’a pas réussi non plus à réduire la charge financière des soins.  En effet, des paiements directs persistent encore, notamment en ce qui concerne la prise ne charge des médicaments et des analyses. On estime à 29 milliards de DH le montant de la facture de la couverture supportée par les ménages au cours de l’année de 2017.  L’ONDH a indiqué, de son côté, que seuls 20% des bénéficiaires de ce régime ont déclaré avoir bénéficié d’une prise en charge de type « tiers payant » lors de leur dernière hospitalisation. Pour les Ramédistes « pauvres », les paiements directs ont atteint en moyenne 580 DH pour le dernier épisode de soins et, pour ceux qui sont qualifiés de « vulnérables », ces paiements ont quasiment atteint 900 DH. Ces montants restent importants quand on sait que les dépenses mensuelles d’une personne ciblée par le RAMED ne dépassent pas les 630 DH.   
Ces bénéficiaires supportent aussi des coûts indirects liés à l’attente, au transport et à l’hébergement lorsqu’ils se rendent dans les hôpitaux ou les centres de santé, coûts qui représentent une barrière supplémentaire à leur accès aux soins.


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1.Posté par DR IDRISSI MY AHMED le 15/04/2018 11:58
Bonjour au webmaster et aux collègues journalistes.


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