Herta Müller, née le 17 août 1953 dans le village roumain germanophone de Nitchidorf, près de Timisoara, a été couronnée pour avoir, "avec la concentration de la poésie et l'objectivité de la prose, dessiné les paysages de l'abandon", explique l'Académie suédoise dans son communiqué.
La dictature, "c'est le thème de tous mes livres", a expliqué Herta Müller en demandant "du temps pour réaliser" qu'elle était lauréate du Nobel, la 12e femme à obtenir cette distinction. "J'ai vécu plus de 30 ans sous une dictature", a-t-elle rappelé en estimant avoir eu de la chance parce qu'"il y a beaucoup de gens qui ne survivent pas aux dictatures".
Etudiante puis jeune traductrice dans une usine, elle s'est toujours opposée au régime de Ceausescu et a même refusé de servir d'indicateur à la police secrète Securitate.
Depuis son premier recueil de nouvelles, "Bas-fonds" composé en 1982 mais censuré en Roumanie et publié seulement deux ans plus tard en Allemagne, Herta Müller n'a eu de cesse de décrire les conditions de vie sous la dictature, avec leur cortège "de corruption, d'intolérance et d'oppression", relève l'Académie suédoise.
Ses œuvres sévères à l'égard du régime de Ceausescu ont été interdites en Roumanie et Herta Müller a fini par fuir en Allemagne de l'ouest avec son mari, l'écrivain Richard Wagner, en 1987.
Elle n'en a pas, pour autant, cessé de condamner la dictature. Ses romans "Le renard était déjà le chasseur", "Herztier" et "La convocation", publiés dans les années 1990, "donnent avec leurs détails ciselés une image de la vie quotidienne dans une dictature pétrifiée", précise l'Académie.
Son dernier roman, Atemschaukel (2009) élargit le champ de sa contestation en décrivant l'exil des Germano-Roumains en Union soviétique. L'ouvrage est basé sur l'expérience vécue durant cinq années par sa mère dans un camp de travail soviétique. Au-delà de "la vie quotidienne sous la dictature", l'œuvre de Herta Müller, dont le père a servi dans la Waffen-SS, décrit la vie des minorités "en-dehors de l'Histoire commune", la vie de quelqu'un "en dehors même de sa propre famille", la vie de quelqu'un qui va jusqu'à changer de pays et qui réalise "que cela n'y change rien", note M. Englund.