Le HCP tire la sonnette d'alarme : Violence contre les femmes et vulnérabilité font la paire


Hassan Bentaleb
Mardi 11 Janvier 2011

La violence à l'égard des femmes et des filles prend des proportions alarmantes. Selon une enquête menée par le Haut Commissariat au Plan (HCP) entre juin 2009 et janvier 2010 auprès de 8.300 personnes de sexe féminin âgées de 18 à 65 ans résidant dans les différentes régions du Royaume, 62,2% de femmes, soit près de 6 millions ont subi un acte de violence sous une forme ou une autre durant les douze mois précédant l'enquête. 3,8 millions  d'entre elles résident en milieu urbain (soit 67,5%) et 2,2 millions  en milieu rural (56%).
S'exprimant lors d'une conférence-débat organisée le 10 janvier à Rabat, Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au Plan, a expliqué que cette violence prend plusieurs formes, avec à leurs têtes, la violence psychologique qui représente 48% soit 4,6 millions, suivie par l'atteinte aux libertés individuelles avec 31% (3 millions), la violence liée à l'application de la loi avec 17,3% (1,2 million), la violence physique 15,2% (1,4 million),  la violence sexuelle avec  8,7% (827 mille), et enfin la violence économique avec 8,2% (181 mille).
Ces actes de violence s'exercent  souvent dans le contexte conjugal qui a la prévalence la plus forte avec  55% soit 3,7 millions, suivi par celui extraconjugal avec 47,4% (403 mille),  les lieux publics 32,9% (3,1 millions),  les établissements d'enseignement 24,2% (81 mille), le milieu professionnel 16% (280 mille), familial 13,5% (1,3 millions).
M. Lahlimi a indiqué, par ailleurs, que ces violences sont un peu les mêmes dans toutes les régions du Maroc, avec quelques nuances. Ainsi, les régions du Grand Casablanca et l'Oriental se distinguent-elles par la violence physique. Les régions de Souss-Massa-Draâ, Tanger-Tétouan, Rabat-Zaër et l'Oriental le sont par la violence sexuelle et Tadla-Azilal, Rabat-Zaër et l'Oriental par  celle liée à l'application de la loi. L'enquête du HCP a révélé pourtant qu'Al Hoceima et Taza restent les deux villes les moins touchées par ce phénomène de violence à l'égard des femmes.
L'ensemble des données sur les différentes formes de violence à l'égard des femmes telles qu'elles ressortent de l'enquête, ont démontré selon le HCP, que cette violence est d'abord urbaine. Le nombre de citadines violentées est supérieur à celui des rurales de 12,7% pour ce qui est de la violence physique conjugale, de 35,4% pour la violence sexuelle et de 7,8% pour la violence psychologique.
La violence est aussi le fait de jeunes, tant en termes de victimes que d'agresseurs. L'augmentation d'une année d'âge réduit de 1,9% le risque de violence physique à l'égard d'une femme dans le cadre conjugal, de 2,2% le risque de violence sexuelle et de 0,7% le risque de violence psychologique. Par ailleurs, l'enquête a révélé que les auteurs d'agressions physiques sur les lieux publics sont constitués, dans 6 cas sur 10, par des jeunes de moins de 35 ans.
La violence augmente avec la vulnérabilité économique et sociale. L'enquête a dévoilé que dans le milieu professionnel, le taux de prévalence des violences sexuelles parmi les femmes divorcées est de 3 fois supérieur à celui des femmes célibataires. C'est cependant le chômage qui accroît le risque de pratiquement toutes les formes de violence. Le taux de prévalence de la violence physique parmi les femmes au chômage, par rapport aux femmes actives est de 140%. Il est 2 fois supérieur en termes de violence psychologique en milieu familial et 4 fois en termes de violence attentatoire à la liberté personnelle.  Par ailleurs, les taux de prévalence des violences physiques, en milieu conjugal comme dans le cadre familial, parmi les ménages vivant à 4 ou 5 personnes par pièce sont 4 fois supérieurs à ceux enregistrés, parmi les ménages qui vivent à une personne par pièce. M. Lahlimi a expliqué que les résultats de cette enquête prouvent que la violence n'est plus un tabou dans notre société et qu'il y a une prise de conscience de la part des femmes marocaines de leur dignité et leurs droits.
Et de conclure que le phénomène de violence résulte d’une crise d'identité notamment chez les jeunes, dans une société en transition vers la modernité, mais qui reste incapable de s'affranchir des valeurs et des modes de pensée des sociétés traditionnelles.   


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