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Au-delà de ce rapport privilégié avec le livre, il y avait l’écriture. C’est connu, les meilleurs écrivains sont d’abord les meilleurs lecteurs. Pour s’en rendre compte, il suffit de dire que Mohamed Abed El Jabri fut l’un des meilleurs lecteurs et interprètes de la pensée d’Averroès (Ibn Rochd). Dans son livre-culte « Nous et notre passé », passage obligé pour les élèves de philosophie, il décortique avec la précision d’un horloger et la patine d’un orfèvre le livre-phare d’Averroès « Le Traité décisif » et s’en inspire largement pour livrer une critique rigoureuse de la structure de la raison arabe et démontrer, avec force arguments, la ligne de démarcation séparant ce qu’il appelle « le mysticisme » et « l’illumination » de la philosophie de l’Orient arabe et celle de l’Occident islamique incarné par Ibn Rochd. « Mohamed Abed El Jabri a consacré 15 ans de sa vie à l’écriture du livre intitulé Critique de la Raison arabe », révèle sa famille. Beaucoup de temps pour signer cette œuvre dont le prestige a été contagieux, au point de déborder la sphère du monde arabe pour rejaillir sur celui de l’Occident. Mais il y a un autre vœu qui tenait tant au cœur du défunt El Jabri ; l’écriture d’un livre où il voulait interpréter le saint-Coran. « Il avait 65 ans quand mon père eut l’idée d’écrire ce livre. Cela n’a pas été facile, d’autant moins que l’âge de mon père ne devait pas lui permettre d’exaucer ce vœu pieux. Et pourtant c’est chose faite. Fin 2008 et début 2009, un éditeur oriental viendra au Maroc pour annoncer à mon père la parution de son livre. Savez-vous ce que lui a dit le regretté ? Si l’ange de la mort vient en ce moment, je lui souhaiterai la bienvenue », raconte le fils de Mohamed Abed El Jabri.
Maintenant, quelles sont les occupations favorites du regretté El Jabri ?
« Le défunt aimait beaucoup le jardinage », dévoile sa famille. Etre près des plantes, en prendre soin, cultiver son lopin de terre, bien des philosophes, poètes et romanciers ont eu cette passion. Mohamed Abed El Jabri ne sort pas de ce lot. Ce n’est pas un hasard si les mots ont souvent été assimilés à des plantes, dégageant des arômes et respirant la gaîté et la joie de vivre. On cultive des mots comme on cultive des herbes.
Mais passons, car il y a un autre fait susceptible de lever un autre coin du voile sur la vie cachée du regretté. Si Mohamed Abed El Jabri n’aimait pas le cinéma, depuis sa tendre enfance ; selon sa propre famille, il était féru des journaux télévisés. Le défunt mettait un point d’honneur à n’en rater aucun, tellement il était assoiffé d’informations se rapportant au monde arabe en général et au Maroc en particulier.
Malgré cette intense occupation, partagée entre lecture, écriture, jardinage, télévision, le défunt El Jabri trouvait le temps de remplir convenablement son rôle de père de famille. « Mon père s’intéressait à tous les détails de la vie de ses enfants, même quand ils sont devenus grands », fait valoir son fils Issam. « C’est le meilleur exemple de ce que doit être un père de famille », conclut la famille du regretté El Jabri.