La stratégie adaptée par le Maroc dans sa lutte anti-terroriste met à mal les visées obscurantistes : Vigilance modèle


Mehdi Ouassat
Samedi 22 Février 2025

Le Maroc vient une nouvelle fois de frapper un grand coup contre le terrorisme. Grâce à une opération minutieusement menée par le Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ), une cellule affiliée à l'organisation Daech au Sahel a été démantelée, mercredi dernier.

Les recherches et investigations ont permis de recueillir des informations de terrain étayées par des données techniques sur l'existence d'une zone montagneuse dans la région d’Errachidia, suspectée d'être utilisée comme l'arrière base de soutien logistique en armes et munitions destinées aux membres de cette cellule pour l'exécution de ses plans terroristes.

Le démantèlement de cette cellule n’est pas un simple fait divers, mais un épisode révélateur d’une lutte plus vaste et plus complexe : celle que mène le Maroc contre le terrorisme transnational, à la croisée du Maghreb et du Sahel. Derrière chaque arrestation, chaque opération de terrain, c’est tout un arsenal de stratégies et de moyens déployés avec une rigueur implacable qui se dessine. Une guerre silencieuse, menée loin des projecteurs, où l’anticipation est la clé et où chaque information recueillie, chaque donnée analysée, peut être la pièce maîtresse d’un puzzle plus grand.

Une découverte capitale dans une zone reculée

Le communiqué du Pôle DGSN-DGST est explicite : l’enquête menée par le BCIJ a permis de localiser une zone montagneuse suspecte dans la province d’Errachidia, plus précisément sur la rive Est d’Oued Guir à "Tal Mzil", dans la commune d’Oued El Naam, dans la région de Boudenib, à la frontière Est du Royaume. Cette région, difficile d’accès, se prêtait idéalement au stockage d’armes et de munitions, loin des circuits sécuritaires habituels.

Grâce à une expertise technique et à la géolocalisation satellitaire, les autorités marocaines ont identifié un site niché au pied d’une colline rocheuse. La topographie accidentée de la zone en faisait un refuge stratégique pour les réseaux terroristes, réduisant les possibilités d’intervention rapide des forces de sécurité. L’usage de détecteurs de métaux, de scanners aux rayons X et de patrouilles cynotechniques spécialisées a été nécessaire pour révéler l’existence d’une cache soigneusement dissimulée sous terre.

Après plus de trois heures de fouille, les enquêteurs ont mis au jour une quantité d’armes et de munitions emballées dans des sacs en plastique et des journaux maliens datant du 27 janvier 2025. Parmi les pièces saisies : une kalachnikov, deux fusils, dix pistolets de calibres variés et une importante quantité de cartouches.

Les armes et munitions saisies ont été mises sous scellé et inventoriées de manière détaillée en vue de les soumettre au Laboratoire national de la police scientifique pour les expertises balistiques et techniques nécessaires.
 
Les investigations menées à ce stade de l’enquête montrent que les armes et le matériel saisis ont été fournis et envoyés par un dirigeant de l'organisation Daech au Sahel, responsable des relations extérieures, à travers des circuits et des canaux de trafic illégaux.

Après avoir sécurisé le trafic des armes et munitions et assuré leur dissimulation dans cette arrière base de soutien logistique, le dirigeant de Daech a envoyé les coordonnées géographiques du lieu à l’équipe des "coordinateurs" au sein de la cellule terroriste démantelée mercredi, pour qu'ils s'y déplacent afin de les récupérer et commencer à les utiliser dans l'exécution de leurs projets terroristes.

Parallèlement à ces opérations de terrain, les recherches et investigations qu'opère le BCIJ se poursuivent, sous la supervision du parquet compétent, pour révéler toutes les ramifications de cette cellule terroriste et identifier tous ses liens avec la branche africaine de l'organisation Daech au Sahel.

Le Maroc en première ligne d’un front invisible

Contrairement à d’autres pays qui luttent contre le terrorisme dans une logique essentiellement réactive, le Maroc s’est imposé par une doctrine résolument proactive. Déjouer les attaques avant qu’elles ne surviennent, infiltrer les réseaux avant qu’ils ne passent à l’action, surveiller les moindres signaux faibles qui pourraient indiquer une menace en gestation : telle est l’approche qui a permis au Royaume d’éviter des attentats d’ampleur sur son sol ces dernières années.

Ce succès repose en grande partie sur le rôle central de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) et du BCIJ, qui orchestrent un maillage de renseignement extrêmement dense. La collecte d’informations y est systématique et ne laisse aucune place au hasard. Dans l’affaire d’Errachidia, c’est précisément cette capacité d’analyse en amont qui a permis de localiser la cache d’armes, grâce à la combinaison de techniques avancées de surveillance, de données satellitaires et d’une expertise de terrain sans faille.

La topographie du site choisi par les terroristes illustre leur volonté d’exploiter les contraintes géographiques pour dissimuler leurs activités. Une zone montagneuse, difficile d’accès, proche des frontières avec l’Algérie, permettait non seulement de cacher l’arsenal, mais aussi d’assurer une logistique discrète en vue d’opérations futures. Pourtant, même dans ce paysage hostile, le Maroc a su adapter son dispositif. En recourant aux nouvelles technologies et en combinant expertise humaine et outils de détection de pointe, les forces de sécurité ont réussi à neutraliser cette base arrière avant qu’elle ne devienne un point de départ pour des actions terroristes.   
 
Une lutte idéologique en parallèle de l’offensive sécuritaire

Mais la lutte contre le terrorisme ne se limite pas aux opérations de terrain. Derrière la traque des cellules dormantes et la surveillance des flux suspects, une guerre plus subtile se joue : celle des idées.

Le Maroc a depuis longtemps compris que l’arsenal sécuritaire, aussi efficace soit-il, ne saurait à lui seul éradiquer l’idéologie djihadiste. Pour tarir cette menace à sa source, le Royaume a entrepris un travail de fond sur le terrain religieux, en encadrant strictement le discours des mosquées et en formant une nouvelle génération d’imams prônant un islam du juste milieu. L’Institut Mohammed VI de formation des imams, ouvert aux prédicateurs de tout le continent africain et même d’Europe, est aujourd’hui un centre névralgique dans cette bataille contre l’extrémisme.

Cette lutte idéologique s’étend également au cyberespace, où les groupes djihadistes ont trouvé une nouvelle arène pour leur propagande et leur recrutement. Face à cette menace, le Maroc surveille de près les plateformes numériques et collabore activement avec les géants du web pour détecter et démanteler les réseaux de radicalisation en ligne. L’affaire d’Errachidia n’est d’ailleurs pas isolée : de nombreuses cellules neutralisées ces dernières années avaient en commun une radicalisation progressive via Internet, souvent orchestrée depuis des bases situées au Sahel ou au Moyen-Orient.
 
Un rôle pivot dans la coopération internationale contre Daech

Le Maroc ne mène pas cette guerre seul. Si son dispositif national est l’un des plus performants du continent, c’est aussi grâce à une stratégie d’alliance et de coopération étroite avec ses partenaires internationaux.

Les États-Unis, qui considèrent le Royaume comme un allié stratégique majeur, ont plusieurs fois salué l’efficacité du renseignement marocain. Celui-ci a notamment joué un rôle clé dans la prévention d’attentats en Europe, en fournissant des informations précieuses aux autorités françaises, espagnoles et belges. La collaboration entre le Maroc et l’Union européenne s’est intensifiée ces dernières années, notamment sur les questions de surveillance des flux migratoires, certains réseaux terroristes utilisant les routes clandestines pour infiltrer leurs combattants sur le sol européen.

Mais c’est surtout en Afrique que le Maroc affirme aujourd’hui son leadership en matière de lutte antiterroriste. Face à un Sahel en proie à une insécurité croissante, où les groupes affiliés à Daech et Al-Qaïda prospèrent sur le terreau de l’instabilité politique, le Royaume se positionne comme un rempart. A travers des accords de coopération avec plusieurs pays sahéliens, il partage son expertise, forme des unités spécialisées et contribue activement aux efforts visant à contenir l’expansion des groupes djihadistes vers le nord.
 
Un ennemi qui évolue sans cesse, une vigilance de chaque instant

Si l’opération d’Errachidia a été une réussite, elle rappelle aussi une réalité incontournable : la menace terroriste est en perpétuelle mutation. Affaibli en Syrie et en Irak, Daech a déplacé son centre de gravité vers l’Afrique, où il adapte ses stratégies aux nouvelles contraintes sécuritaires.

Les groupes djihadistes d’aujourd’hui n’opèrent plus comme ceux d’hier. Moins visibles, plus fragmentés, ils s’appuient sur des réseaux clandestins mêlant trafic d’armes, de drogue et de migrants pour financer leurs activités et contourner la vigilance des Etats. Ils privilégient les attaques ciblées, les embuscades contre les forces de sécurité et la guérilla urbaine, plutôt que les attentats spectaculaires qui ont marqué les 20 dernières années.

Dans cette guerre de l’ombre, où l’ennemi est insaisissable et où chaque relâchement peut être fatal, le Maroc s’impose comme un modèle. Sa capacité d’anticipation, son arsenal technologique et sa diplomatie sécuritaire en font un acteur central dans la lutte mondiale contre le terrorisme. Mais face à une menace qui ne cesse de se réinventer, la vigilance demeure la clé.

Car dans cette lutte, il n’y a pas de victoire définitive. Seulement un combat constant, où chaque information, chaque arrestation, chaque cache d’armes découverte repousse un peu plus l’instant où l’ennemi frappera à nouveau.

Mehdi Ouassat


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