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Des défis pour le système sanitaire
L’organisation qui mène des recherches et des actions de plaidoyer pour faire avancer les politiques permettant l'accès à des médicaments sûrs, efficaces, abordables et de qualité, est à l’origine d’une enquête publiée dans les colonnes de la revue Toxicon:X. Elle met en lumière les graves incidences de la Covid-19 sur la prévention et la prise en charge des morsures de serpent.
Une maladie prioritaire pour l’OMS
Quarante-trois informateurs originaires de 21 pays ont participé à cette étude aux résultats édifiants. Le sujet est loin d'être secondaire. L'envenimation par morsures de serpent n’est pas à prendre à la légère. C’est même une maladie prioritaire aux yeux de l’Organisation mondiale de la santé. Pourtant, pendant de longues années, la maladie a été négligée, entraînant une augmentation constante de la mortalité importante dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFM) où les morsures de serpent sont endémiques.
Heureusement, en 2017, la communauté sanitaire mondiale a finalement pris note et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a re-catégorisé les morsures de serpent comme une maladie tropicale négligée (MTN) prioritaire. Reflet de sa volonté de prendre le problème à bras-le-corps, l'OMS avait publié une stratégie globale complète et une feuille de route visant à réduire de 50% les décès et les handicaps dus aux morsures de serpent d'ici 2030. Concrètement, les effets de ce programme ne sautent pas aux yeux. Certes, la sensibilisation mondiale a quelque peu augmenté, mais en parallèle, les systèmes de santé de nombreux pays, où les morsures de serpent sont endémiques, sont toujours à la peine s’agissant des équipements nécessaires pour répondre à ce fléau de manière adéquate.
Si l’on en croit l’étude précitée, ce constat se serait accentué à cause de la pandémie de Covid-19. Une urgence mondiale qui n’a certes pas oeuvré en faveur d’une plus grande exposition aux serpents dans les communautés rurales agraires, où les incidences sont généralement les plus élevées, mais a contrario, elle a été à l’origine de multiples difficultés liées notamment à l’accès aux soins à cause de systèmes et prestataires de soins de santé surchargés, ou encore des perturbations de la fabrication et de l'approvisionnement en antivenin. Bref, les effets de la pandémie de Covid-19 sur la prévention et le traitement des morsures de serpent sont apparents à plus d’un titre, qui plus est dans les communautés rurales éloignées, “preuve de la nécessité d'investir dans la prévention et les soins communautaires”, assurent les auteurs de l’étude.
Des services de santé surchargés
Il est difficile de nier que le manque d'expertise, d'équipement et d'accès aux produits médicaux, en particulier aux antivenins efficaces, sont des problèmes courants dans les établissements de santé. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la problématique a pris une toute autre dimension à cause de la Covid-19. Les scientifiques de par le monde ne disent pas autre chose. Les éditoriaux scientifiques, communications brèves et autres articles de fond accordent leurs violons au moment de mentionner les préoccupations liées à la réaffectation d'établissements de santé pour prendre en charge les patients Covid+, débouchant sur des risques de disponibilité limitée de lits, en particulier pour les patients nécessitant des soins spécialisés en milieu rural. Sans omettre le manque d'équipement de protection individuelle (EPI), les problèmes de continuité de la fabrication des médicaments et des chaînes d'approvisionnement, la perturbation des efforts de recherche et l'insuffisance des ressources sanitaires pour les morsures de serpent en particulier.
De plus, la crise sanitaire a fait passer au second plan les programmes de lutte contre les maladies tropicales négligées (MTN) et les activités communautaires de prévention des MTN. Plus grave encore, le nouveau coronavirus aggrave les effets néfastes des morsures de serpent. Et pour cause, l'interaction potentielle entre les deux maladies provoque “une détresse respiratoire, un état pro-coagulant ou une réponse inflammatoire”, précisent les scientifiques, avant d’exprimer leur inquiétude : “Malgré le regain d'attention et les progrès réalisés ces dernières années en matière de contrôle et de gestion des morsures de serpent, nous risquons de régresser si les préoccupations ci-dessus ne sont pas prises en compte et atténuées. La pandémie de Covid-19 pourrait bien avoir un impact négatif sur tous les aspects des morsures de serpent, depuis le nombre d'événements jusqu'au comportement de recherche de soins, au traitement et aux résultats sanitaires”.
Evitement des soins de santé
Les circonstances des morsures de serpent ont également été influencées par la pandémie. Les informateurs qui ont participé à cette étude qualitative transversale, tous considérés comme des acteurs clés dont le travail contribue à la prévention ou au traitement des morsures de serpent, ont expliqué que “les communautés agraires rurales, un groupe à haut risque, n'avaient pas cessé leurs activités car les restrictions de mouvement n'y étaient souvent pas appliquées, permettant aux travailleurs ruraux de poursuivre la production alimentaire et d'autres activités de travail”. Résultat ? Ces travailleurs ont eu un contact plus étroit qu'auparavant avec les habitats des serpents car bon nombre d’entre eux ont eu recours au travail agricole pour subvenir à leurs besoins.
Dans le pire des cas, à savoir être victime d’une morsure de serpent, se diriger au plus vite à l'hôpital le plus proche est un réflexe vital. Mais étrangement, en dépit du constat précédent, le nombre d'admissions dans les hôpitaux avait diminué au cours de la première vague de Covid-19. Principalement pour deux raisons. D’abord, “l'évitement des soins de santé formels en raison de la peur, de l'incertitude, des rumeurs et/ou de la stigmatisation entourant Covid-19 et ses soins. Ensuite, en raison des difficultés de transport, les systèmes de transport étant affectés par les réglementations et l'hésitation des prestataires de services”, affirme l’étude. La machine de la prise en charge des morsures de serpent ronronne encore plus quand la victime est atteinte du nouveau coronavirus”. “Nous devons stériliser l'ensemble de l'unité de soins intensifs, nous devons tout arrêter. Alors oui, c'était difficile de traiter rapidement la personne mordue dans une telle situation", rapporte un informateur. L’un des rares motifs de satisfaction réside dans la disponibilité des antivenins pour les serpents. De pénurie, il n’y en a pas eu. Excepté dans quelques rares pays d'Afrique subsaharienne et d'Amérique latine. En revanche, les informateurs du Bangladesh, du Brésil, du Ghana, de l'Inde, de la Malaisie et du Maroc n'ont constaté aucun problème de rupture de stock d'antivenin en 2020.
Maintenant que le tableau global de l’impact de Covid sur la prise en charge des morsures de serpent est brossé, il est temps de passer aux recommandations afin d’améliorer les services et les soins liés aux morsures de serpent pendant une pandémie. A commencer par l’instauration d’une stratégie pour la continuité des soins liés aux morsures de serpent pendant une crise sanitaire d’une telle ampleur. Pour les auteurs de l’étude, ces soins doivent non seulement être considérés comme prioritaires mais aussi comme une urgence sanitaire. “Un système d'orientation approprié et une stratégie de réponse rapide pour accéder aux services de santé devraient garantir que la redésignation des hôpitaux en Covid-19 n'augmente pas le temps de trajet vers les hôpitaux traitant les morsures de serpent”, plaide-t-on en conclusion.
L’autre recommandation, et non des moindres, prend forme dans des systèmes communautaires solides à même de renforcer les systèmes d'information et de sensibilisation, de surveillance et de signalement des morsures de serpent. Objectif ? Améliorer la connaissance de la situation des morsures de serpent dans les communautés lors des urgences. Enfin, il est aussi question de créer des services de santé décentralisés censés faciliter l'accès aux services de santé, d’une part, en renforçant notamment les soins préhospitaliers, et d'autre part, en décentralisant l'approvisionnement en antivenin et en formant les agents de santé communautaires aux morsures de serpent.
On ne pouvait conclure sans citer d’autres mesures phares comme transformer les services d'ambulance en cliniques d'urgence mobiles, ou encore investir dans des unités régionales spécialisées dans les morsures de serpent, dans la livraison par drone. En conclusion, il est capital de mettre en lumière l’importance de la sensibilisation par le biais d’une collaboration en ligne dans l’optique de poursuivre les programmes de sensibilisation mondiaux et nationaux sur les mesures préventives, les premiers secours, la gestion des morsures de serpent, l'élaboration de politiques et les efforts de sensibilisation afin d'atteindre l'objectif mondial de l'OMS de réduire de 50% le nombre de décès et d'invalidités d'ici 2030.
Chady Chaabi
Lire également l'interview de Dr. Naoual Oukkache, responsable du laboratoire venins et toxines à l'Institut Pasteur: Il faut mettre sur pied une stratégie de gestion des personnes envenimées en temps de pandémies