La justice française ordonne l'évacuation partielle de migrants de Calais

Le rétablissement par la Belgique de contrôles à sa frontière est une décision étrange, selon M. Cazeneuve


Samedi 27 Février 2016

Le gouvernement français, qui veut démanteler la "Jungle" de Calais, a obtenu jeudi gain de cause auprès de la justice pour une évacuation partielle du camp, contestée par migrants et associations, les autorités assurant néanmoins qu'elles n'useraient pas de la force.
 La semaine dernière, les autorités avaient lancé un ultimatum aux occupants de la partie sud du vaste bidonville en leur ordonnant une évacuation avant mardi soir, sous peine de recourir à la force. Saisi par dix associations et 250 migrants, le tribunal administratif de Lille (nord) a finalement donné raison aux autorités.
 Craignant l'afflux de migrants qui quitteraient la "jungle", la Belgique avait annoncé mardi avoir rétabli provisoirement des contrôles à sa frontière avec la France, provoquant la vive incompréhension de Paris.
 Dans son ordonnance, dont l'AFP a obtenu copie, la juge Valérie Quemener estime que l'insécurité, l'insalubrité, les violences, notamment entre migrants et forces de l'ordre et vis-à-vis de riverains, justifient la mesure d'expulsion sur ce secteur où vivent "de 800 à 1000 migrants" selon la préfecture (3.450 selon les associations).
Selon la juge, "la circonstance invoquée" par les migrants selon laquelle "ils sont présents depuis des mois ou des années ne leur confère aucun droit acquis au maintien de cette situation irrégulière" consistant à occuper un espace public "sans droit ni titre".
 Les "lieux de vie" situés sur cette zone, comme les écoles ou les lieux de culte, seront en revanche préservés.
 Selon la maire de Calais, Natacha Bouchart (droite), qui s'est déclarée satisfaite de la décision "responsable" de la justice, le démantèlement d'une partie de la "Jungle" devrait intervir "dans un délai estimé à trois semaines par les services préfectoraux".
 Le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a aussitôt salué la décision du tribunal qui, a-t-il déclaré à l'AFP, "en tout point conforte la démarche de mise à l'abri des migrants de Calais".
 "Dans un but humanitaire, l'action de mise en protection des réfugiés se poursuivra par la mobilisation de toutes les solutions d'hébergement existantes", a ajouté le ministre.
 L'Etat privilégie en effet une double solution, dont il tente de persuader la population du plus grand bidonville de France.
 D'une part l'hébergement d'une partie de ces migrants dans le "Centre d'accueil provisoire", des conteneurs chauffés jouxtant la "jungle" elle-même où 1.200 personnes se sont installées depuis son ouverture en janvier.
 Mais aussi et surtout les départs dans l'un des 102 "Centres d'accueil et d'orientation" disséminés partout en France, loin de Calais, où les migrants sont censés réfléchir à leur projet pour déposer des demandes d'asile, plutôt que de tenter la traversée clandestine vers l'Angleterre, parfois au péril de leur vie.
 Quant au rétablissement par la Belgique de contrôles à sa frontière, "cette décision est pour nous étrange et ses motivations le sont tout autant", a dit M. Cazeneuve à son arrivée à une réunion à Bruxelles.
 Expulser les migrants par la force n'est pas à l'ordre du jour, a assuré la préfète (représentante de l'Etat dans la région Nord), Fabienne Buccio.
 "Nous avons à traiter d'un sujet humain délicat et nous devons privilégier le dialogue (...) Il faut arrêter de parler de victoire et d'ultimatum, on pourra parler de victoire quand tous les migrants seront mis à l'abri", a ainsi déclaré à Calais Mme Buccio devant la presse.
 Les associations ont accueilli cette décision entre fatalisme, anxiété et déception.
 "On est déçu puisque cette décision précipite les choses et on va devoir en plein hiver déménager beaucoup de monde. Mais, si j'ai bien compris, l'arrêté d'expulsion va se faire sur plusieurs semaines et d'une manière progressive. C'est précipité, mais c'est mieux qu'une expulsion immédiate, c'est un moindre mal disons", a réagi Michel Jansens, un responsable de Médecins sans frontières (MSF).
 Il y a un mois, 500 à 700 migrants avaient dû quitter une bande de 100 m de profondeur longeant l'axe routier stratégique menant au port. Cela s'était déroulé sans recours à la force publique.
 Les réfugiés de la "Jungle" venus de Syrie, d'Afghanistan ou du Soudan, rêvent de passer en Angleterre, toute proche, en profitant notamment du ballet des camions entre les deux pays.


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