La campagne de remplacement bat son plein : Le calvaire des demandeurs de cartes d’identité nationale


Hassan Bentaleb
Lundi 21 Juin 2010

La campagne de remplacement bat son plein : Le calvaire des demandeurs de cartes d’identité nationale
La campagne nationale de remplacement de la carte d’identité nationale plastifiée par celle électronique bat son plein. A preuve, le nombre de citoyens affluant aux commissariats de police réservés au dépôt de ce document. 5.200.328 personnes ont déjà bénéficié de la nouvelle carte selon les estimations du ministère de l’Intérieur. Cette opération qui a démarré, voilà plus de deux ans, entame aujourd’hui sa troisième phase, consacrée aux personnes dont la CIN expire entre janvier 2013 et 2015. La nouvelle carte électronique est devenue obligatoire. Tous les Marocains doivent en posséder une. La loi prévoit une amende allant de 200 à 500 DH, pour toute personne n’ayant pas renouvelé sa CIN.
Cependant, si des milliers de Marocains ont répondu présent, les conditions d’accueil et de réception des citoyens dans certains commissariats de police restent mitigés voire déplorables. C’est le cas du commissariat de Ben M’Sick-Sidi Othman à Casablanca, où plusieurs habitants ont ras-le-bol bien qu’ils ne manifestent pas ou peu. Ils déplorent les longues heures d’attente et la lenteur des procédures administratives.
En effet, le service chargé de la CIN relevant de ce commissariat manque d’une salle d’accueil destinée à recevoir un grand nombre de personnes et d’un guichet d’information dédié à la communication et à l’orientation. Ledit service compte uniquement une salle étroite, avec quelques chaises et quelques policiers à l’entrée qui se contentent de répondre aux questions des citoyens d’une façon pressée et sommaire. Chaque jour, il reçoit la visite de plus de 500 personnes qui se bousculent dans l’étroite ruelle avoisinant le commissariat. Elles viennent très tôt le matin, parfois à l’aube, espérant être les premières à être reçues. Elles sont obligées d’attendre debout, dehors au froid ou sous un soleil de plomb pendant des heures. Attendre fait partie de la démarche administrative.
Ahmed, 19 ans, élève, a été parmi les premiers arrivants ce matin : «Je suis arrivé vers 5h30. Je n’étais pas le seul, il y avait déjà du monde. On  a été obligés d’attendre à l’extérieur. Heureusement qu’on a profité de la fraîcheur des premières heures de la matinée.
Maintenant, il est 10H00 et il commence à faire chaud. C'est lamentable". Même son de cloche du côté de Saïd, 32 ans, agent commercial. "J'étais obligé de venir tôt, car je dois me rendre au travail le plus vite possible, mais ça ne semble pas suffisant, car la queue bouge au rythme de l'escargot.?Il faut s'armer de beaucoup de patience et de sang-froid pour rester", regrette-t-il.
L'absence de structures d'accueil et d'information engendre des situations stressantes, parfois kafkaïennes, comme le cas  de ces mêmes personnes qui doivent refaire la queue pour demander le même renseignement ou celles qui tentent d'expliquer leur situation sans trouver pour autant à qui s'adresser. "Ce commissariat a l'air d'une grande foire. Si vous avez besoin d'une simple information, vous devez faire le tour de tout le service. Parfois, on vous écoute attentivement et donne suite à votre requête; parfois, on fait semblant et on vous laisse balader entre les bureaux", se désole Radoune, 38 ans, salarié. Pour remédier à cette situation, tous les moyens sont bons. On use de charme, de compassion ou d'emportement si la situation se complique.
La lenteur des procédures de traitement de dossiers a été également  mise en cause par plusieurs citoyens. Ils reprochent aux fonctionnaires le temps lent consacré à l'examen des dossiers. Plusieurs témoignages concordants ont affirmé qu'un seul dossier peut prendre 10 minutes, voire plus. "Tout dépend de l'humeur et du bon vouloir des fonctionnaires", explique ce citoyen, "alors que les documents à vérifier ne dépassent pas quelques pièces administratives?: l'ancienne CIN de l'intéressé, un extrait d'acte de naissance, un certificat de résidence, et quatre photographies d'identité récentes". La lenteur des procédures touche aussi le temps de l'obtention de la CIN qui peut durer parfois des mois. Fatima en connaît quelque chose. "Ça fait près de quatre mois que j'attends ma nouvelle CIN. Chaque fois que je vais la chercher, on se contente de me répondre qu'elle n'est pas encore prête. Combien de temps je dois attendre, je ne sais pas". Fatima n'est pas un cas unique. Ils sont des centaines à attendre. Le hic, ils n'ont pas droit ni à des explications ni à des dates précises. Ils sont obligés de faire des allers-retours et prendre leur mal en patience.
Comment peut-on expliquer cette situation? A qui la faute? Aux moyens insuffisants ou aux personnels désabusés et peu motivés? Difficile de répondre en l'absence d'explications de la part des responsables dudit service. Contactés par nos soins, les responsables ont refusé tout commentaire. Ils se sont contentés de nous renvoyer à la Direction générale de la sûreté nationale. Pourtant, un fonctionnaire a accepté de nous répondre, mais sous le couvert de l'anonymat. Pour cet agent, cette situation s'explique uniquement par l'augmentation des demandes?: "D'habitude, on reçoit 200 dossiers par jour. Aujourd'hui, on est obligé de traiter  plus de 500 quotidiennement. Le rythme de travail est devenu infernal au point qu'on est obligé de travailler même le week-end", a-t-il précisé, avant d'ajouter?: "Il faut aussi rappeler que ce commissariat traite les dossiers des habitants de la préfecture de Ben M'Sick et celle de Sidi Ohtman, alors vous pouvez imaginer les tensions et les conflits que peut engendrer cette situation".
En introduisant la CIN électronique et le passeport biométrique, l'Etat se dirige vers l'ère des nouvelles technologies et de la numérisation. Il entend passer à la vitesse supérieure au niveau de la gestion administrative. Cependant, une question s'impose: à quoi sert ce passage, si la même mentalité persiste??


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