La Chine commence à revenir sur la mixité scolaire


AFP
Lundi 4 Mars 2013

La Chine commence à revenir sur la mixité scolaire
Au Lycée Numéro Huit de Shanghai, l’un des meilleurs de la capitale économique chinoise, la trentaine d’adolescents, en uniforme avec chemise blanche, se concentre sur le cours de chimie. Sur les bancs, pas une fille. Que des garçons.
Plus de 60 ans après la généralisation de la mixité sous Mao, cet établissement expérimente des classes exclusivement masculines.
L’enseignante, Shen Huimin, les appelle un par un au tableau et leur demande de compléter la rédaction d’une formule de chimie. Elle espère ainsi vaincre leurs réticences à participer à la classe: “Nous donnons aux garçons une chance de progresser”, assure-t-elle.
Shanghai avait fait sensation en 2009 en arrivant en tête d’une enquête de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour jauger les élèves de 15 ans. Les Shanghaïens y surpassaient leurs camarades de Corée, de Finlande, de Hong Kong ou Singapour et, en tout, des 65 pays et régions participants.
Ils s’y distinguaient notamment en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences.
Mais cette excellence n’est pas également répartie entre les sexes: les pédagogues chinois, notamment M. Sun Yunxiao, l’un des plus connus, s’inquiètent du retard des garçons sur les filles au niveau du développement personnel et dans certains domaines comme l’expression, écrite et orale.
La proportion de garçons décrochant le “gaokao”, le baccalauréat, l’examen national —extrêmement sélectif— d’admission à l’université, a ainsi chuté à 39,7% en 2008, contre 66,2% en 1999, selon Sun Yunxiao. Une tendance déjà notée au sein de l’OCDE, où le taux de réussite au lycée est de 87% pour les filles et de seulement 79% pour les garçons.
D’où l’expérience-pilote, débutée il y a six mois, du Lycée Numéro Huit, qui a mis en place deux classes non mixtes, avec un programme spécial pour 60 élèves de sexe masculin, soit un quart des inscrits à ce niveau, pour affronter le “gaokao” dans moins de trois ans.
“C’est une grande avancée”, se félicite le proviseur Lu Qisheng. “Nous avons bon espoir de voir ces garçons s’épanouir dans de meilleures conditions”.
“Les jeunes garçons ne consacrent pas assez de temps à étudier”, explique le chef d’établissement. “Ils manquent de maturité par rapport aux filles, surtout pour s’exprimer et se maîtriser”.
Un autre pédagogue, de l’Université de Pékin, Wu Bihu, a même suggéré récemment que les garçons entament leur scolarité un ou deux ans plus tard que les filles.
Dans la classe, Li Zhongyang, 15 ans, confie être moins intimidé pour répondre aux questions de son professeur devant ses camarades masculins. Et il les fait rire quand il avance que l’absence de filles l’aide à se concentrer.
“Les professeurs aiment bien les filles, elles répondent plus souvent aux questions. Avec ce programme, on s’aperçoit qu’on n’est pas moins bons qu’elles”, ajoute-t-il.
Dans la société chinoise, où l’éducation repose sur des préceptes d’élitisme et de compétition, l’homme est traditionnellement la figure dominante.
Shanghai compte une seule école publique de filles, l’ancienne Ecole pour filles McTyeire, d’où étaient sorties des célébrités nationales telles les trois soeurs Song, épouses de leaders chinois au siècle dernier.
Le proviseur Lu souhaite maintenant aller plus loin et créer la première école publique réservée aux garçons depuis 1949. Les seules du genre aujourd’hui sont privées et chères.
“Il y a dix ou vingt ans, personne ne voyait l’utilité de ces classes non mixtes — on mettait simplement tout le monde ensemble”, raconte M. Lu.
Mais, dans une société de plus en plus ambitieuse pour ses enfants, les parents, dit-il, ont vu dans ce nouveau programme un atout pour l’ultra-sélectif gaokao, le passeport pour l’Université.
“Les parents font la comparaison avec Eton”, souligne-t-il, en référence à la prestigieuse institution britannique réservée aux garçons, et synonyme d’élitisme.


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