L'usine à rêves du Brésil, une fourmilière de 7.000 personnes


Libé
Mardi 10 Décembre 2013

L'usine à rêves du Brésil, une fourmilière de 7.000 personnes
Dans la banlieue de Rio, riches et belles héritières, orphelins et assassins déjeunent à la même table: nous sommes dans la gigantesque usine à rêves de TV Globo, une miniville où les "telenovelas" qui captivent plus de 50 millions des Brésiliens sont fabriquées à la chaîne.
Des décors en carton-pâte époustouflants de réalisme s'étalent sur 165 hectares d'anciennes terres agricoles bordées de collines à la végétation tropicale, à 28 kilomètres du centre-ville, dans le quartier de Jacarepagua.
C'est un centre ultra-moderne de production de programmes télévisés, le plus grand d'Amérique Latine. Ses programmes sont regardés dans 92 pays, en 33 langues, dont le mandarin, le russe, le croate, le hongrois ou le mongol.
7.000 personnes travaillent chaque jour dans cette mini-ville alimentée par une centrale électrique à gaz, se déplaçant à bord d'une des 300 voitures électriques disponibles.
Une fois à l'intérieur, on pénètre dans une rue pavée évoquant le Rio de Janeiro des années 40, avec des devantures aux noms français: un groupe d'acteurs est en plein tournage d'un épisode de "Joia Rara" ("Bijou précieux"), le feuilleton diffusé à 18H00.
A quelque centaines de mètres, on est transporté à Itapiré, petite ville amazonienne aux maisonnettes de bois sur pilotis, entourées d'eau, décor de la "novela" de 19H00 "Au-delà de l'horizon".
"Le Rio des années 40 et Itapiré sont deux des 22 villes-maquettes édifiées actuellement dans l'enceinte", explique à l'AFP Renata Puppim, attachée de presse de ce temple de production de TV, dénommé "Projac".
Un peu plus loin, on tombe sur une petite église à trois façades selon les besoins des tournages: coloniale, gothique et contemporaine.
Ces villes sont construites en trois mois par une légion d'ouvriers et d'artisans, qui recyclent le matériel d'un feuilleton à l'autre.
"Nous sommes le plus gros consommateur de clous du Brésil et l'un des premiers de bois et de peinture. Chaque feuilleton demande en moyenne 60 décors hyper-sophistiqués", souligne la porte-parole.
Les objets qui servent au tournage sont précieusement conservés, notamment 180.000 costumes ordonnés par époque et suspendus dans une gigantesque garde-robe.
Les séries télévisées, qui durent de six à huit mois et sont diffusées six jours sur sept apportent une forte notoriété à leurs acteurs, mieux payés qu'au cinéma. Elles dictent souvent la mode et la population s'empare des expressions de certains personnages.
Le jeune premier Bruno Gagliasso, 31 ans, a été embauché par Globo en 2001. Il confirme l'emprise de la TV: "Globo touche 99% du territoire brésilien (où vivent 200 millions de personnes, NDLR) alors qu'un film, quand il a du succès, est vu par un million de personnes seulement".
Passion, trahison, vengeance, appât du gain sont les ingrédients des feuilletons. Tout cela se retrouve dans la vie de ces acteurs, qui tombent amoureux et divorcent au gré des tournages de cette miniville. Les histoires d'amour entre les acteurs font les choux gras de la presse du coeur.
"Avenida Brasil" (2012) qui a battu tous les records d'audience racontait la vengeance de la jeune Nina contre Carminha, sa belle-mère, qui l'avait abandonnée, enfant... dans une décharge d'ordures.
Arriviste et manipulatrice, Carminha a réussi à se faire épouser par une ancienne star de foot "Tufao" qui a érigé un palace dans sa banlieue d'origine. Tufao est secrètement amoureux de Nina qui, elle, est éprise du fils de Tufao.
A la fin de cette novela et dans la vie réelle, Nina (l'actrice Debora Falabella, 34 ans) est partie vivre avec Tufao (l'acteur Murilo Benicio, 42 ans). Tous deux ont déjà été mariés et ont des enfants de liaisons antérieures, Benicio avec deux autres actrices de Globo (Alessandra Negrini et Giovanna Antonelli).
Inauguré en 1995, le "Projac" comprend 65 hectares construits et 100 autres réservés au reboisement de la forêt tropicale Atlantique, en voie de disparition. Il réunit toutes les activités de production des telenovelas, du tournage à la fabrication des décors, des costumes et effets spéciaux, des studios d'enregistrement -dont quatre de 1.000 m2- aux salles de montage ou de mixage.
"Plus de 2.500 heures de programmes et feuilletons sont produites chaque année, un record mondial", déclare à l'AFP Raphael Correa Netto, directeur des ventes internationales de Globo.
"En 2012, Globo a licencié 59 produits, l'équivalent de 25.000 heures de contenu en 33 langues différentes pour 92 pays. Au premier semestre 2013, 42 titres ont déjà été licenciés pour 123 pays", souligne-t-il.
La série vedette de 21H00 "Avenida Brasil", miroir des 40 millions de Brésiliens ayant accédé récemment à la classe moyenne, "a eu ses droits de diffusion acquis par 124 pays au cours des dix derniers mois et a été doublé en 17 langues, un record de droits de l'histoire de Globo", se félicite M. Netto.
La clé du succès d'une série? Une bonne histoire où tous les groupes ethniques et sociaux sont représentés. L'histoire varie en fonction des attentes du public et de l'actualité.
Les budgets colossaux engagés dans ces productions de 180 à 200 épisodes, au coût moyen de 700.000 reais chacun (228.000 euros), selon M. Netto, sont aussi amortis par la publicité et la commercialisation de toute une gamme de produits dérivés.


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