L’insoutenable quotidien d’un migrant irrégulier


Hassan Bentaleb
Mardi 21 Avril 2020

L’insoutenable quotidien d’un migrant irrégulier
Le Maroc compte prolonger de quatre semaines l’état d’urgence sanitaire instauré depuis le 20 mars dernier. Un éventuel déconfinement est envisagé vers le 20 mai prochain, mais tout dépendra de savoir si notre pays va atteindre le pic de la pandémie d’ici là ou pas. En attendant, les migrants irréguliers sont encore livrés à eux-mêmes, sans possibilité certaine de se confiner et avec le risque d’être victimes de la maladie et de la propager. Comment vivent-ils le confinement ? Et dans quelles conditions humaines, matérielles et sociales ?   
« C’est très difficile de demander à un migrant en séjour irrégulier de se confiner alors qu’il ne dispose pas de la moindre condition d’une vie digne», nous a lancé A.C, un jeune Guinéen. Et de poursuivre : « Nous n’avons ni de l’eau potable, ni des douches, ni des toilettes, ni même des lits propres pour dormir. Ceci d’autant plus que nous devrons assurer chaque jour, nous-mêmes, notre survie (nourriture et autres charges financières). Beaucoup d’entre nous ne trouvent pas de quoi manger ni de quoi payer le loyer à leurs bailleurs qui ne prennent compte ni de la situation de ces migrants ni de celle du pays. Aujourd’hui, nous vivons grâce aux dons des personnes de bonne volonté qui veulent bien nous venir en aide. Nous sommes moins stigmatisés ces jours-ci. Quant aux autorités locales et aux ONG, elles sont quasiment absentes».
 Mais, il n’y a pas que les mauvaises conditions de vie qui agacent ces migrants, la peur de la contamination les hante également. « Franchement, nous avons très peur vu la vitesse avec laquelle se propage la maladie. C’est pourquoi on tente d’observer le minimum de règles d’hygiène. A ce propos, nous nous lavons les mains au savon à chaque sortie et toutes nos courses sont effectuées par une ou deux personnes. Nous avons également limité nos déplacements et arrêté d’avoir des contacts avec des personnes inconnues. Nous essayons par ces gestes de respecter les mesures de prévention », nous a expliqué A.C. Et d’ajouter : « Pourtant, il y a certains migrants qui ne semblent pas avoir peur ou qui sont tellement indifférents face à cette pandémie.  C’est le cas de ceux qui risquent, ces jours-ci, leur vie en tentant d’émigrer en Europe alors qu’elle est fortement contaminée. Vous savez, nombreux sont ceux qui ignorent le danger de cette pandémie, notamment certains candidats à la migration illettrés qui cherchent à franchir les frontières de l’UE coûte que coûte ».
Aujourd’hui, notre interlocuteur a pris la décision de rentrer chez lui après trois années de tentatives de migration vers l’Europe. Il ne compte plus rester au Maroc. « Beaucoup de choses m’ont fait changer d’avis. J’ai l’impression, depuis quelque temps, que je ne suis pas sur le bon chemin. Les violations des principes universels des droits de l’Homme de la part de certaines autorités marocaines ainsi que de la part de l’UE m’ont fait perdre beaucoup de mes illusions », nous a-t-il confié.  
A.C se dit être très affecté par les traitements inhumains et dégradants envers les migrants, la violation de leurs droits sous toutes leurs formes, la criminalité, l’injustice, l’insécurité, les arrestations et les refoulements ainsi que la mort de ses amis lors de leur périple vers l’Europe. Pourtant, il essaie de nuancer : « Dans toute expérience de la vie, il y a du positif et du négatif. S’il est vrai que ma présence au Maroc durant ces trois années m’a permis une certaine ouverture d’esprit et la possibilité de jeter un autre regard sur ce pays et le mien, il n’en demeure pas moins que j’ai perdu beaucoup de temps et que j’ai raté pas mal d’occasions. Si j’étais resté au pays avec le même état d’esprit que celui d’aujourd’hui, j’aurais pu réaliser beaucoup de choses ».


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