L’hégémonisme de la majorité gouvernementale menace l’équilibre institutionnel du pays


Mohamed Assouali
Lundi 25 Novembre 2024

L’hégémonisme de la majorité gouvernementale menace l’équilibre institutionnel du pays
Rissalat Al-Ittihad a révélé qu’un parti de la majorité gouvernementale cherche à instaurer un autoritarisme politique, menaçant ainsi l’équilibre et la stabilité des institutions de l’Etat.

C'est d'ailleurs la propension de ce parti de la majorité à imposer sa vision qui m'incite à prendre part au débat suscité par Rissalat Al-Iitihad. Les prises de position du parti en question, dont notamment les dernières déclarations de l'un de ses leaders, Mohamed Oujar, ont donné lieu à de multiples réactions de la part de nombreux citoyens qui n'ont pas tardé à manifester leur scepticisme de manière spontanée, et sans qu'ils soient forcément d'une obédience politique particulière. Ils ont été quasiment animés par la seule volonté de défendre les institutions de l'Etat, et de continuer de les voir à l'abri des calculs partisans.

Ma contribution à ce débat vient aussi à un moment où les critiques de l'action gouvernementale fusent de toutes parts, où les réaménagements apportés au gouvernement Akhannouch ne semblent pas avoir eu l'effet souhaité dans de pareils cas, en l'occurrence réinvestir la confiance des citoyens, rassurer les milieux où les tensions n'avaient cessé de s’accentuer et donner un nouvel élan à l'action gouvernementale.

Il va sans dire qu'en ma qualité d’Ittihadi aguerri, je ne peux que m'aligner avec les déclarations de l’USFP, de son groupe parlementaire et de son organisation de jeunesse, qui dénoncent fermement l’instrumentalisation partisane des institutions, et qui se posent comme un rempart contre toute atteinte à la légitimité constitutionnelle, socle de la stabilité de l’Etat et rempart contre toute dérive politique.

A cet effet, les récentes déclarations de Mohamed Oujar, ancien ministre, ne peuvent ne pas soulever de réactions vives, et parfois controversées. Celui-ci, à défaut, vraisemblablement de susciter l'intérêt de l'opinion publique par une offre politique sérieuse, par la présentation et l'explication des lignes directrices de l'action gouvernementale pour les prochaines années, s'est rabattu sur le processus de nomination des responsables des institutions de l’Etat au Maroc. Il affirme en effet que ce processus se déroule en dehors du cadre électoral. Ces propos, exprimés avec un ton ironique, reflètent une compréhension limitée du principe de séparation des pouvoirs et une méconnaissance évidente de l'esprit de la Constitution qui définit les responsabilités du Roi, du gouvernement, du Parlement et du pouvoir judiciaire.
 
Une gouvernance équilibrée au service de la stabilité et de la confiance citoyenne

La défense de la Constitution et la consolidation de la démocratie sont des piliers essentiels pour bâtir un Etat moderne et harmonieux. Les institutions de gouvernance doivent rester à l’abri des calculs partisans pour garantir leur neutralité et leur efficacité au service de l’intérêt général. La stabilité politique et sociale repose sur le respect des équilibres constitutionnels, qui structurent la relation entre le Roi, le gouvernement et le peuple dans un cadre commun d’action nationale.

Ce qui fait que l'on ne peut être stupéfait, voire révolté qu’une personnalité ayant occupé des fonctions prestigieuses, telles que celles de ministre de la Justice ou d’ambassadeur des droits de l’Homme, démontre une telle méconnaissance de l’articulation entre légitimité populaire (via les élections) et légitimité institutionnelle (à travers les nominations Royales). Ces dernières ne sont pas de simples gestes symboliques, mais des mécanismes constitutionnels conçus pour protéger les institutions de gouvernance des manipulations politiques et garantir leur indépendance.
 
Un discours en décalage avec les réalités institutionnelles et les principes démocratiques
 
Les déclarations d’Oujar traduisent  une mauvaise appréciation des rôles de ces institutions, qui fonctionnent sur un temps institutionnel distinct du temps politique. Elles révèlent également une contradiction frappante entre son passé de militant radical de gauche et son effort actuel pour satisfaire les ambitions de son parti libéral. Ce double discours soulève des questions quant à sa compréhension de l’esprit de la Constitution et des dynamiques de l’Etat, surtout lorsqu’elles sont mises au service d’agendas partisans.

Cette prise de parole intempestive vise à soumettre les institutions de l’Etat à une logique partisane étriquée, sapant ainsi l’équilibre constitutionnel garant de la stabilité nationale. Mais face à ces manœuvres, le peuple marocain, conscient de ces enjeux, reste fermement uni pour défendre la légitimité Royale et institutionnelle, socle de la pérennité et du progrès de l’État.
 
Un appel à préserver l’unité et l’indépendance des institutions face aux dérives partisanes

Tout citoyen soucieux du bien de son pays sait que le débat public doit se concentrer sur le renforcement de la cohésion nationale et le respect de l’autonomie des institutions, loin des surenchères politiques susceptibles de menacer les équilibres qui ont assuré la stabilité du Maroc au fil des siècles. Aujourd’hui encore, ces principes restent le gage de la défense de la Constitution et des fondements de la gouvernance, pour garantir les droits de tous et tracer une voie commune vers le développement et la stabilité.
 
Critique du mécanisme des nominations Royales à la tête des institutions de gouvernance : Une vision réductrice du rôle des institutions
 
Mohamed Oujar a récemment critiqué la nomination de personnalités reconnues pour leur intégrité, compétence et patriotisme à la tête des institutions de l’Etat, affirmant qu'elles ne reflètent pas la volonté populaire car effectuées en dehors du cadre électoral.
A cela, je réponds à monsieur Oujar que les nominations Royales ne sont pas de simples gestes protocolaires, comme il tente de les présenter, mais bien un mécanisme constitutionnel rigoureux visant à garantir l'indépendance des institutions face à toute influence partisane ou électorale. Leur objectif principal est de protéger ces institutions des dérives politiques et d'assurer leur neutralité pour qu'elles puissent remplir leur mission essentielle en toute impartialité, à l'abri des fluctuations politiques et partisanes. Les nominations Royales reposent sur des critères de compétence et d'expertise, et non sur une logique de quotas partisans que certains voudraient imposer.

Remettre en question le mécanisme des nominations Royales révèle une ignorance des objectifs nobles qui sous-tendent ce système : assurer la neutralité, l'indépendance et la pérennité des institutions au-delà des calculs politiques. Les nominations Royales ne visent pas à satisfaire un parti ou une faction politique en particulier, mais bien à protéger les institutions de l'État contre les marchandages partisans et à garantir leur efficacité au service de tous les Marocains.

Il est évident que les déclarations de Mohamed Oujar ne contribuent pas à un débat public constructif, mais alimentent plutôt une controverse injustifiée autour d'un mécanisme constitutionnel solide qui représente un pilier de la stabilité de l'Etat. Au contraire, le débat devrait porter sur la manière de renforcer le rôle de ces institutions indépendantes et de les protéger de toute influence extérieure, afin de garantir leur contribution efficace au développement, à la justice et à la stabilité du pays.
 
La tendance à l’hégémonisme partisan sur la scène politique nationale : Une menace pour le pluralisme et la gouvernance
 
Les déclarations de Mohamed Oujar reflètent une tendance du gouvernement à s’approprier les espaces civils et institutionnels, en les transformant en outils partisans au service de son agenda. Cela représente une menace pour le pluralisme politique et l’indépendance des institutions de gouvernance. Cette orientation accentue le risque de fermeture du champ politique et consacre une forme de monopole du parti unique, ce qui érode la confiance populaire et met en péril la stabilité du pays ainsi que l’avenir de la démocratie.

Dans ce contexte, Oujar a suggéré que les nominations au sein des institutions de l’Etat devraient être basées sur les listes de la majorité gouvernementale, ce qu’il considère comme une garantie de représentativité politique. Cependant, cette proposition contredit explicitement l’esprit de la Constitution marocaine, qui stipule l’indépendance des nominations Royales de toute influence partisane. Cette indépendance assure la continuité du travail institutionnel en dehors des tensions politiques, protégeant ces institutions des dérives partisanes, ce qui en fait un pilier fondamental pour soutenir la stabilité institutionnelle et servir l’intérêt national.
 
La tentative de "purge idéologique" au sein des institutions de gouvernance : Une instrumentalisation au service d’intérêts partisans
 
Il ressort des propos de Mohamed Oujar à la presse que la présence de compétences de gauche à la tête des institutions de gouvernance semble incompatible avec le projet libéral du gouvernement. Pourtant, les nominations à ces institutions se fondent sur des critères d’expertise et de compétence, et non sur des appartenances partisanes, reflétant ainsi la volonté Royale d’assurer la neutralité et l’indépendance de ces institutions face aux tiraillements politiques, afin qu’elles puissent se concentrer sur leurs missions avec efficacité et professionnalisme.

Le ministre, diplomate et homme politique expérimenté a malheureusement démontré une compréhension erronée du rôle des Conseils de gouvernement en les liant à la performance du gouvernement. Il a proposé d’adapter le calendrier de fonctionnement de ces conseils à celui de la majorité parlementaire actuelle. Cette position reflète une méconnaissance de la nature même des Conseils de gouvernement, conçus pour opérer sur une temporalité distincte et indépendante des cycles politiques des gouvernements successifs.

Il semble ignorer que le rôle de ces conseils consiste à garantir la continuité des grands projets nationaux et des stratégies à long terme, sans être influencés par les changements de gouvernements ou leurs agendas politiques fluctuants. Cette indépendance temporelle renforce la neutralité de ces conseils et leur permet de se concentrer sur la réalisation des objectifs nationaux communs, servant tous les Marocains au-delà des considérations partisanes. Politiser ces conseils va à l’encontre de l’esprit de la Constitution et affaiblit leur rôle en tant qu’institutions essentielles pour le développement et la stabilité institutionnelle.
Cependant, les partis libéraux s’efforcent d’intégrer les institutions de l’Etat dans une logique de rente politique et d’intérêt personnel, ce qui constitue une menace directe pour leur rôle fondamental de garantes de l’intérêt général et de promotion des valeurs de transparence et de responsabilité.

Au lieu de s’aventurer dans cette démarche non calculée, il aurait dû, lors de son entretien avec la presse,  expliquer les échecs de son gouvernement, notamment son incapacité à mettre en œuvre les orientations Royales, à engager un dialogue social sérieux avec les acteurs professionnels et sa propension à marginaliser  l’opposition parlementaire, en particulier l’Union socialiste des forces populaires qui, à travers ses structures partisanes, n’a cessé de souligner les défaillances du gouvernement.

Il aurait dû également expliquer ce que le gouvernement entend faire pour répondre aux attentes nombreuses de la population, les dysfonctionnements qu'il compte pallier,  au lieu de continuer de se montrer condescendant et indifférent aux difficultés auxquelles les citoyens sont confrontés au quotidien. 

 Or, il a choisi une voie différente en évitant ces questions cruciales, ce qui n'a pas tardé à donner lieu à de vives critiques. Celles-ci n'ont cessé d'ailleurs de gagner en force au fur et à mesure que les déboires des membres de l'actuel gouvernement se sont multipliés : échecs dans la conduite de plusieurs chantiers, déclarations fracassantes traduisant parfois leur méconnaissance des dossiers soumis à leur appréciation, nominations à des postes de responsabilité soulevant beaucoup d'interrogations quant aux critères ayant prévalu dans le choix de l'heureuse ou de l'heureux candidat. C'est justement ce que l’Union socialiste des forces populaires n'a cessé de dénoncer.
 
Hégémonisme et autoritarisme : Les critiques du premier secrétaire de l'USFP envers la majorité gouvernementale
 
Lors de ses déclarations devant les membres du Conseil national de la jeunesse socialiste, le Premier secrétaire du parti, Driss Lachguar, a mis en exergue la montée des comportements hégémoniques qui ont un impact négatif sur la scène nationale, que ce soit aux niveaux constitutionnel, législatif, politique ou social. Il a appelé ceux qui mènent une campagne contre les Conseils de gouvernement à dépasser leur vision partisane étroite et à faire preuve de courage pour engager un dialogue constitutionnel global visant à amender la Constitution et à réexaminer le principe de séparation des pouvoirs, afin d’assurer un meilleur équilibre au sein du système politique marocain et de servir l’intérêt général du pays.

Il a également indiqué que la question des nominations dans les Conseils de gouvernement devrait s’accompagner du courage de proposer, par l'actuel gouvernement, un projet de révision de la Constitution, si cela fait partie de sa vision de la réforme, loin des calculs partisans. La majorité actuelle doit soit critiquer publiquement les propos d’un leader politique appartenant à leurs rangs et le rappeler à l’ordre, soit assumer que la Constitution marocaine constitue un obstacle à leur programme partisan.

L’hégémonisme de la majorité gouvernementale menace l’équilibre institutionnel du pays
Dans ce dernier cas, il leur incomberait d’annoncer une révision explicite des compétences des institutions constitutionnelles selon une logique de rente politique, désormais profondément enracinée dans les pratiques politiques, économiques et sociales d’un gouvernement marqué par l’autoritarisme et l’hégémonisme, menaçant l’équilibre institutionnel et affaiblissant la confiance des citoyens dans le processus démocratique.

Par Mohamed ASSOUALI
Membre de la Commission nationale d'arbitrage et d'éthique de l’USFP


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