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L’opérateur portuaire marocain a fait savoir, dans ce sens, qu’il a besoin de fonds pour réaliser les travaux de deux terminaux au port de Casablanca et avoir droit de cité parmi les zones portuaires d’Afrique du Nord et de l’Ouest.
« Faux », rétorque Najib Charfaoui, enseignant et expert en questions maritimes. D’après lui, l’introduction de Marsa Maroc en bourse est la conséquence directe d’une erreur monumentale commise par l’Etat. « Après les manquements constatés au niveau de la conception et de la construction des ports de Tanger Med 1 et de Tanger Med bis (Tanger Med passager), il a été question de créer Tanger Med 2. Le hic, c’est qu’aucune entreprise n’a voulu entendre parler de ce projet et c’est ce qui a poussé l’Etat à confier ce dernier à Marsa Maroc sans pour autant procéder par appel à manifestation d’intérêt ou appel d’offres », nous a-t-il expliqué.
Une aberration, a-t-il estimé, puisque Marsa Maroc n’est qu’un exploitant de terminaux portuaires chargé d’offrir des services de manutention, de stockage et de logistique portuaire ainsi que des services aux navires. « On a donc collé à Marsa Maroc une mission qui ne fait pas partie de ses compétences », a-t-il ajouté.
Des affirmations que partagent d’autres sources qui nous ont indiqué que le Terminal 4 (Tanger Med 2) a été confié au départ (juillet 2008) au groupement PSA-Port of Singapur Authority, SNI et Marsa Maroc. Mais les choses ont mal tourné puisque PSA s’est retiré du projet lorsqu’un de ses navires a failli chavirer à Tanger Med 1. Les responsables marocains ont justifié cette défection par la crise économique alors que ce n’est pas vrai.
« Cette nouvelle mission a lourdement impacté les finances de la société qui aura besoin d’un 1 milliard de DH pour équiper Med 2. Ceci d’autant plus que cette aventure n’est pas rentable puisqu’avec Med 2, il n’y aura plus de situation de monopole pour Marsa Maroc dans les neuf ports où elle est présente puisqu’il y aura d’autres opérateurs. A cela, il faut ajouter que l’entreprise en question ne dispose pas d’armateurs comme c’est le cas à Casablanca où il y a un fort trafic maritime ».
« Effectivement, souligne une autre source qui a sollicité l’anonymat, sans l’appui d’un armement (ou d’armateurs dans chaque terminal), Marsa Maroc ne peut en aucun cas être compétitive. Elle ne peut pas drainer de nouveaux clients. A titre de comparaison, la CMA-CGM, troisième groupe mondial de transport maritime par conteneurs, gère un terminal à conteneurs plus contraignant au port de Casablanca (-9 mètres contre – 12m pour le terminal Est et -14 mètres pour le TC3), avec un investissement de moins de 25 % par rapport à Marsa Maroc, avec trois portiques au lieu de 11 pour Marsa Maroc, et pourtant, CMA-CGM réalise un chiffre d’affaires équivalent à elle pour l’activité conteneurs, ce qui est surprenant».
Pour sa part, Najib Charfaoui est catégorique : Marsa Maroc est une société rentable tant qu’elle sera en situation de monopole. La disparition de ce dernier signera sa mort. « L’entreprise doit sa survie dans les ports de Casablanca, de Mohammédia, d’Agadir et de Nador à sa situation monopolistique dont la préservation lui coûte près de 30 millions de DH par an », nous a-t-il déclaré.
Mais, il n’y a pas que le projet de Tanger Med 2 qui a bousculé les prévisions financières de cette société. Les investissements de 2,65 milliards de dirhams pour la mise en service, au second semestre, du nouveau terminal à conteneurs TC3 à Casablanca y sont aussi pour quelque chose. « Le ticket d’entrée au projet de TC3 a été de 1,8 milliard TTC sans compter les 850 millions de DH destinés à la mise à niveau des infrastructures et des équipements. En d’autres termes, ce terminal et le terminal S ont coûté à Marsa Maroc 5,2 milliards, ce qui dépasse de très loin le montant préalablement estimé. Il y a eu donc une sous-estimation du capital investi », nous a confié une autre source qui a sollicité l’anonymat. Des propos que nous a confirmé une autre source également sous le sceau d’anonymat. Selon elle, Marsa Maroc a proposé pour la concession du TC3 un montant excessivement élevé par rapport à d’autres postulants comme la SNI qui avait proposé 900 millions de DH ou CMA-CGM qui avait proposé 200 millions de DH. « Marsa Maroc aurait dû étudier son offre en fonction de la valeur réelle du projet d’une part, et en fonction de ses capacités de financement et de son programme d’investissement d’autre part », nous a-t-elle précisé.
Aujourd’hui, plusieurs grands projets de Marsa Maroc enregistrent un énorme retard. Le terminal de Tanger Med 2 piétine encore et son programme d’investissement n’est pas encore engagé huit ans après son lancement. C’est le cas également du terminal TC3 dont l’annonce de la mise en exploitation a été programmée pour 2015 et qui a été rapportée à octobre 2016. Idem pour le projet de Nador-west-Med prévu depuis 2006 et lancé à plusieurs reprises (2009, 2012…). Jusqu’à aujourd’hui, on parle encore de l’attribution du marché relatif aux travaux. « Le problème de Marsa Maroc n’a jamais été d’ordre financier mais plutôt de management. Si elle avait pris les choses au sérieux et engagé les investissements en temps voulu, elle aurait dû répartir ses amortissements sur les huit dernières années qu’elle a bêtement perdues. De cette manière, l’impact financier aurait dû être absorbé sans recours à des financements publics », nous a révélé notre source. Et de préciser que «le président de Marsa Maroc avait fait le déplacement aux USA et visité la société TEREX en 2012 pour préparer le lancement de l’appel d’offres relatif à l’acquisition des équipements nécessaires pour le TC4-Tanger Med 2. En même temps, TEREX avait annoncé son intention de s’implanter au Maroc. Pour des raisons mystérieuses, Marsa Maroc a abandonné cette démarche et fait part de son intention de confier l’élaboration des cahiers des charges à un bureau spécialisé. Cette seconde option a été également abandonnée.
Dans le même sens, une délégation comprenant des responsables du ministère de l’Equipement, de Marsa Maroc et de l’ANP s’est rendue dans des pays asiatiques. Cette troisième démarche a été également abandonnée »
Marsa Maroc peut-elle donc être totalement privatisée ? « Oui, nous a répondu notre expert, mais avec un coût social fort élevé. En effet, n’importe quel opérateur privé qui voudra se lancer dans cette opération va certainement exiger deux conditions, à savoir : la mise d’un plan social et la garde du monopole. Ce qui sera désastreux pour le marché de l’emploi ». Et d’ironiser : « Ce qui est extraordinaire dans cette affaire de Marsa Maroc, c’est que l'histoire se répète d’une manière étrange. En effet, Manutention Maroc et l’Union des entreprises marocaines, qui n’étaient que les ancêtres de Marsa Maroc et de la Comanav, ont été gérées depuis 1915 par la banque Rothschild. Un privilège qui lui sera arraché en 1960 avec la nationalisation. Mais un siècle plus tard, les Rothschild vont prendre leur revanche. D’abord par l’acquisition de la Comanav via la CMA-CGM. Ensuite, c’est cette banque d’affaires qui est derrière la décision de privatiser 40% des actions de Marsa Maroc et qui détiendra une part importante de celles-ci via des banques françaises ».
Notre source anonyme estime également que la privatisation totale de Marsa Maroc est possible mais pas en un seul bloc car il y a risque de voir la présence de l’Etat disparaître du secteur dans sa globalité. « Il faut d’abord filialiser les activités et les terminaux. Puis, les privatiser tout en veillant à ne pas tomber dans le piège du monopole. D’ailleurs, c’est le schéma qui a été préconisé par la Banque mondiale avant la réforme portuaire imposée par l’ancien ministre de l’Equipement et des Transports », nous a-t-elle déclaré. Et d’ajouter : « Introduire Marsa Maroc en tant que bloc unique à la bourse est une erreur monumentale. A noter que les privatisations anarchiques des entreprises nationales rentables avaient conduit à la disparition de nombre de fleurons nationaux tels que la Comanav, la Samir, …».
De son côté, Attac-Maroc a considéré cette introduction en bourse comme le dernier épisode du processus de privatisation du secteur portuaire qui s’inscrit dans la continuité des privatisations des secteurs publics rentables au profit du capitalisme local et international. Selon un communiqué de cette ONG, des offices ont bénéficié de lourds investissements publics permettant leur mise à niveau avant que l’Etat ne s’en retire. « Dans le cas de Marsa Maroc, l’une des premières conséquences de cette politique est la baisse continue des parts de l’entreprise dans le secteur qui sont passées de 49 à 46% en 2015 », a précisé le communiqué. Une baisse qui est due principalement, selon certaines sources, à la défaillance dans la gestion des affaires publiques et à la non-participation des grands armateurs au capital de Marsa Maroc. La participation de ces derniers est une condition sine qua non sans laquelle Marsa Maroc ne pourra pas être rentable au vu des investissements consentis.
Pis, Attac-Maroc estime que ce retrait de la gestion et du contrôle public de ce secteur stratégique représente un cadeau offert au capital financier en relançant un marché boursier morose depuis 2008 et prélude à une catastrophe comme celle de la Samir, unique entreprise de raffinage privatisée en 1997 et qui est à l’arrêt et en liquidation judiciaire depuis mai 2016.
A ce propos, les militants d’Attac se disent opposés au retrait de l’Etat de Marsa Maroc et à ce que l’Etat joue le rôle de catalyseur de la bourse via les biens publics en présentant des cadeaux à cette « économie casino ». « Nous défendons Marsa Maroc, comme entreprise publique et comme outil de la souveraineté économique et créateur d’emplois », a conclu le communiqué.
Quid de Marsa Maroc ?
Dans le cadre de cette nouvelle configuration du secteur portuaire, l'Agence nationale des ports a été investie des missions d'autorité et de régulation du secteur et la Société d'exploitation des ports des missions commerciales au sein des terminaux portuaires qui lui ont été concédés.
Disposant de 2.144 salariés en 2015, Marsa Maroc a réalisé un chiffre d’affaires de 2,168 milliards de dirhams en hausse de 7,2% par rapport à 2014
Elle détient près de 48% de parts de marché dans la gestion des terminaux des douze ports nationaux.