L'élection de Jeremy Corbyn, un pied de nez au pragmatisme britannique

Il a séduit à la fois les déçus du Labour et les jeunes qui ne se sentaient pas concernés


Lundi 14 Septembre 2015

L'élection de Jeremy Corbyn à la tête du Labour est d'autant plus surprenante que la Grande-Bretagne est réputée pour son pragmatisme en politique qui ne laisse que peu d'espace à des outsiders comme lui.
Que Syriza arrive au pouvoir en Grèce, d'accord. Que Podemos soit populaire en Espagne, pourquoi pas. Mais que le principal parti d'opposition britannique soit désormais dirigé par un proche de ces deux partis du Sud de l'Europe est une surprise de taille.
Au Royaume-Uni, le pragmatisme est supposé être roi, et les élections, plus encore qu'ailleurs, sont censées se gagner au centre.
C'est ce qu'ont d'ailleurs répété Tony Blair et ses lieutenants après la déroute du Labour aux législatives de mai: il faut redresser le virage à gauche opéré sous Ed Miliband depuis 2010 pour reconquérir l'électorat modéré, disaient-ils.
"Au lieu de faire ce pas, le Labour a été entraîné encore à plus gauche", constate l'éditorialiste Fraser Nelson dans le Daily Telegraph, déplorant "une charge suicidaire de la brigade rouge" qui est "peut-être magnifique mais n'est pas de la politique".
Mais après cinq ans de politique d'austérité, les militants du Labour ont estimé que le programme de trois rivaux de Corbyn n'offrait qu'une copie à peine allégée de celui des conservateurs. L'austérité "light", non merci.
Ils lui ont préféré le chant doux et les promesses de rupture de Jeremy Corbyn. "Il représente une alternative idéologique, une vision du monde basée sur l'empathie et la coopération, plutôt que la compétition et l'ambition", expliquait à l'AFP Barry Smith, une infirmière à la retraite de 72 ans, pendant la campagne. 
Ressuscitant un vocabulaire qu'on pensait enfoui ("espoir", "paix", "compassion"), Jeremy Corbyn a séduit à la fois les déçus du Labour qui avaient déchiré la carte du parti et les jeunes qui ne se sentaient pas concernés jusque-là.
Depuis la défaite de mai, le nombre de personnes pouvant élire le nouveau leader est ainsi passé de moins de 200.000 à près de 600.000, grâce à l'ouverture du vote aux nouveaux sympathisants, à qui il a suffi de débourser trois livres pour participer.
Or une étude de l'institut YouGov a montré que les nouveaux venus étaient davantage susceptibles de soutenir Corbyn que les anciens membres du parti. Accréditant la thèse que le député barbu d'Islington North est parvenu à attirer tout un pan d'électeurs qui étaient auparavant désintéressés ou désabusés par la politique.
Mais dire qu'avec Jeremy Corbyn, c'est toute la Grande-Bretagne qui a opéré un virage à gauche, est un pas que la plupart des analystes refusent de franchir.
Ces chiffres ont apporté de l'eau au moulin de tous ceux qui disent qu'avec Corbyn, le Labour n'aurait aucune chance de reconquérir le pouvoir en 2020. 
"Le programme que propose Jeremy Corbyn n'est pas nouveau. Ses propositions sont les mêmes qu'en 1980 et vont aboutir au même résultat", a estimé jeudi Liz Kendall, la plus centriste des quatre candidats, rappelant que le Labour avait perdu quatre élections de suite avant l'arrivée au pouvoir de Tony Blair en 1997.


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