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Ce document anticipe une modeste hausse du produit intérieur brut (PIB) de la région, avec une progression prévue à 2,2% en 2024, contre 1,8% en 2023. Cette légère amélioration est principalement portée par les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), où la croissance devrait passer de 0,5% en 2023 à 1,9% en 2024.
Cependant, dans le reste de la région MENA, un ralentissement est attendu. La croissance des pays importateurs de pétrole devrait diminuer, passant de 3,2% en 2023 à 2,1% en 2024, tandis que celle des pays exportateurs de pétrole hors CCG devrait fléchir, de 3,2% à 2,7%.
Une croissance fragile et incertaine
Une analyse qui s'inscrit dans un contexte économique mondial en mutation, où les incertitudes géopolitiques, les ajustements énergétiques et les défis structurels régionaux viennent exacerber les difficultés. A l'heure où d'autres régions, notamment les économies avancées et émergentes, commencent à voir une reprise post-pandémique plus soutenue, la région MENA fait face à des défis spécifiques et systémiques qui entravent sa croissance économique.
La décision de l'OPEP+ de réduire la production de pétrole est une tentative de stabiliser les prix dans un marché global encore fragile, mais elle pénalise les pays exportateurs de pétrole en limitant leurs revenus, ce qui explique en partie la révision à la baisse des prévisions de croissance pour ces économies. Cependant, cette politique de réduction intervient à un moment où les marchés mondiaux montrent une volatilité accrue. La guerre en Ukraine, l’inflation persistante dans plusieurs grandes économies, et les incertitudes liées à la politique monétaire des grandes banques centrales comme la Fed et la BCE continuent d'alimenter une instabilité qui affecte indirectement la région MENA.
Le rapport de la Banque mondiale souligne, à cet effet, la fragilité de la croissance économique dans la région MENA, marquée par des révisions à la baisse des prévisions pour 2024. Ces ajustements sont principalement attribués aux réductions de la production de pétrole décidées par l’OPEP+ et à l’incertitude géopolitique amplifiée par le conflit en cours autour de Gaza. Contrairement à d'autres régions du monde, où les tendances économiques montrent des signes d'amélioration, la région MENA reste soumise à des perturbations majeures. En septembre 2024, l'indice d'incertitude y était presque deux fois plus élevé que dans d'autres régions.
Les conséquences économiques du conflit à Gaza
La guerre à Gaza a entraîné une contraction économique spectaculaire, avec une baisse de 86% du produit intérieur brut au deuxième trimestre 2024, paralysant pratiquement l’économie locale. La Cisjordanie a également souffert d'une contraction économique significative de 23% sur la même période, en raison de nouvelles restrictions de circulation, d'une consommation en baisse et d'une diminution des opportunités d’emploi.
L'Autorité palestinienne (AP) se trouve dans une situation budgétaire critique, avec un déficit de financement estimé à 1,86 milliard d'USD pour 2024, soit plus du double de celui enregistré l'année précédente. Cette détérioration financière résulte en partie des réductions opérées par Israël sur les transferts des recettes douanières et d'une diminution des revenus fiscaux nationaux.
Les effets de ce conflit se font sentir dans toute la région. En Jordanie, par exemple, les recettes touristiques ont chuté de 6,6% en 2024, tandis que l’Égypte a vu ses revenus liés au canal de Suez s’effondrer de 62% au premier semestre de 2024 par rapport au semestre précédent, un coup dur pour une économie déjà sous pression.
Au Liban, l'escalade du conflit soulève des inquiétudes quant à la trajectoire future du pays. Bien que les marchés de l'énergie et les marchés financiers mondiaux aient montré une certaine résilience, avec des fluctuations limitées à court terme, les tensions restent élevées et la stabilité à long terme est incertaine.
Le poids des conflits dans la région MENA
La guerre à Gaza n'est que la dernière illustration d'une tendance de plus en plus marquée à l’escalade des violences dans la région MENA. Depuis les années 90, les épisodes de conflits y ont plus que doublé, et la part de la région dans la violence mondiale a été multipliée par six. Ces conflits engendrent non seulement des coûts humains et sociaux immenses, mais leurs répercussions économiques sont aussi dévastatrices.
Les pertes économiques immédiates dues aux conflits, telles que la destruction des infrastructures et les déplacements massifs de populations, sont considérables. Cependant, les impacts à long terme sur le développement sont tout aussi préoccupants. L’étude synthétique de contrôle citée par la Banque mondiale révèle que les pays touchés par les conflits auraient vu leur revenu par habitant augmenter de 45% en moyenne, sept ans après le début du conflit, s'ils avaient pu éviter ces crises. Cela représente une perte équivalente à 35 années de progrès dans la région.
À noter, cependant, qu’à l'échelle mondiale, les marchés de l'énergie ont cependant montré une certaine résilience face à cette instabilité régionale. Bien que les tensions géopolitiques soient traditionnellement synonymes de hausse des prix du pétrole, les fluctuations observées en 2024 sont restées limitées, en partie grâce à la diversification des sources d'énergie dans plusieurs économies avancées et à la baisse de la demande en énergie en Chine, qui ralentit sa croissance. Cette tendance contribue à isoler partiellement l’impact des crises régionales sur les marchés mondiaux, tout en intensifiant la pression sur les économies dépendantes des hydrocarbures comme celles du Golfe et de l’Afrique du Nord.
Les perspectives d'avenir : vers une prospérité durable ?
Malgré les défis accablants, la région MENA possède un potentiel économique inexploité. Une meilleure utilisation des talents, notamment grâce à l'inclusion des femmes sur le marché du travail, pourrait significativement dynamiser la croissance. Alors que la scolarisation a considérablement augmenté dans la région, en particulier pour les femmes, leur participation à la population active reste faible. Réduire cet écart entre les hommes et les femmes pourrait entraîner une augmentation de 51% du revenu par habitant.
En outre, la position géographique stratégique de la région offre des opportunités pour stimuler l'innovation, améliorer la productivité et diversifier les économies, ce qui est crucial pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures et créer des économies plus résilientes.
Bien que la région MENA continue de souffrir des impacts des conflits et d'une économie fragile, il existe des opportunités significatives pour inverser cette tendance. Les réformes structurelles, notamment en matière de marché du travail et de diversification économique, sont essentielles pour tirer parti du potentiel inexploité de la région. Une coopération accrue entre les acteurs régionaux et internationaux sera également indispensable pour relever ces défis complexes.
Hassan Bentaleb