L'art de la guerre appliqué à la vente d'armes au Brésil

Malgré la pire récession de son histoire, le pays met à profit le secteur de l'armement


Samedi 8 Avril 2017

Il n'a aucun ennemi connu et pourtant cette semaine, à l'occasion d'un salon de la défense à Rio, le Brésil exhibe le savoir-faire de ses fabricants d'armes, en quête de nouveaux marchés dans un monde ravagé par les guerres.
Parmi les 650 entreprises qui exposent au salon baptisé LAAD, 150 sont brésiliennes, avec une offre des plus variées, allant des avions-cargos aux balles traçantes.
Ce secteur pèse au Brésil 200 milliards de réais par an (environ 64 milliards de dollars), l'équivalent de 3,7% du PIB du géant latino-américain.
Dans le stand du fabricant d'armes Taurus, les intéressés empoignent des fusils d'assaut dernier cri pour les inspecter sur toutes les coutures, les pointant vers des cibles imaginaires.
D'autres visiteurs en treillis revêtent des gilets pare-balles chez Glagio do Brasil, alors que des curieux montent à bord d'un bateau pneumatique munis d'armes automatiques de la firme DGS Défense.
Une autre entreprise locale avait le vent en poupe lors du salon : Condor, spécialisée dans les armes non létales. Deux officiers de la République démocratique du Congo en uniforme y scrutent notamment des balles de caoutchouc dont un des modèles répond au nom curieux de "soft punch" (léger coup de poing en anglais).
"Nous sommes déjà présents dans le monde arabe et nous ciblons le marché asiatique, qui a un fort potentiel pour le moment inexploré", explique Marco Senna, représentant de Condor dans le salon.
Le Brésil ne participe pas directement aux conflits armés actuels mais son industrie de la défense permet d'assurer 30.000 emplois directs et 120.000 indirects, selon les chiffres officiels.
C'est dans ce sens que le gouvernement souhaite conquérir de nouveaux territoires, dans un marché qui est habituellement la chasse gardée des Etats-Unis, de la Russie, de la France ou de la Grande-Bretagne.
Cette semaine, le ministre de la Défense, Raul Jungmann, a annoncé que la Banque nationale de développement (BNDES) allait proposer des conditions de crédit favorables pour des pays désireux de se fournir en armes brésiliennes.
"Nous vivons de nos jours une période de réarmement. Le marché de la défense est en pleine expansion et le Brésil doit se donner les moyens de concurrencer les autres pays sur un pied d'égalité", a expliqué le ministre à des journalistes.
Cette course effrénée à la vente d'armes n'est pas dénuée de polémiques.
Taurus, qui a installé une usine à Miami pour fabriquer des armes de poing civiles comme le "Raging Bull", a été impliqué récemment dans une affaire de vente illégale à un marchand d'armes yéménite, même si aucune accusation formelle n'a été formulée.
Robert Muggah, directeur de recherche de l'Institut Igarape de Rio, affirme que des bombes à fragmentation fabriquées au Brésil ont été utilisées au Yémen, un pays touché par des sanctions de l'ONU.
"Le Brésil est particulièrement non transparent au moment de rendre compte de la destination de ses armes et de l'usage qui en est fait", dénonce-t-il.
Le chercheur cite aussi l'utilisation d'armes brésiliennes pour la répression de manifestations dans d'autres d'autres pays mis en cause pour le non-respect des droits de l'Homme, comme le Bahrein.
Le gouvernement assure que toutes les ventes d'armes à l'étranger sont contrôlées de façon rigoureuse mais aucune donnée officielle n'est disponible à ce sujet.
Le Brésil est une puissance majeure en ce qui concerne les armes de poing, les armes légères et les munitions et figure régulièrement parmi les cinq principaux exportateurs mondiaux.
Le pays est plongé dans la pire récession de son histoire mais la crise a permis indirectement au secteur de l'armement de faire quelques bonnes affaires.
"Il y a trois ou quatre ans, le gaz lacrymogène était encore importé", rappelle Mauricio Lima, représentant du syndicat de fabricants d'armes SIMDE."Mais ce contexte de crise, avec toutes ces manifestations, a incité les entreprises brésiliennes à développer leurs propres produits et maintenant, nous les exportons vers d'autres pays", conclut-il.


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