Sur invitation de l’Association Dante Alighieri et du Consulat général d’Italie, il a animé récemment une conférence sur le thème « L’archéologie du Maroc antique », au Théâtre
italien (Consulat général d’Italie).
Libé : Vous travaillez depuis 11 ans sur le site archéologie de Thamusida. En quoi consiste votre mission ?
E.P : Je mène des recherches sur le site de Thamusida en collaboration avec l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine. Ce travail nous a permis de reconstituer les faits de la Préhistoire jusqu’à la fin de l’époque islamique. Ou tout au moins, émettre des hypothèses sur l’histoire de la ville, de la préhistoire jusqu’à nos jours. Nous avons déjà 11 missions sur le site. Et maintenant, on travaille sur la publication en huit volumes de nos recherches afin que spécialistes et grand public aient une idée de ce qui s’est passé autrefois sur ce site.
Pouvez-vous nous dresser un premier bilan des fouilles effectuées sur ce site ? Qu’avez-vous découvert ou appris pour en savoir plus sur ce lieu préhistorique ?
On a pu appliquer et expérimenter de nouvelles méthodes de recherches telles que des applications géophysiques où l’on a pu utiliser des moyens satellitaires qui nous ont permis de connaître la majeure partie de la ville ensevelie. Les fouilles ont permis aussi de mettre à jour plusieurs matériaux de différentes époques qui témoignent des relations entre notre site et le Maroc antique avec les autres territoires de la Méditerranée ancienne.
Pourquoi avoir choisi ce site et pas un autre? Quelle est sa particularité?
La raison pour laquelle un archéologue choisit de travailler sur un site et non sur un autre est difficile à justifier. Il faut vraiment l’apprécier pour y consacrer ses travaux. Cela dit, des motivations historiques peuvent également influencer votre choix.
Dans le cas présent, il faut reconnaître que le site de Sidi Ali ben Ahmed (situé au bord de l’Oued Sebou) est un endroit très beau, naturel et fantastique. En plus, il présentait des potentialités archéologiques telles que les recherches pouvaient répondre à des questions qui nous intéressent. C’est-à-dire, il nous permettrait de mieux apprécier les relations entre les différentes communautés de la Méditerranée, comme la Péninsule ibérique, l’Italie et l’Orient. Et de collecter des données qui nous ont fourni de précieuses informations.
Plusieurs sites préhistoriques n’ont pu être préservés par la faute de l’homme ou sauvés de justesse. Dans quel état avez-vous trouvé ce site ?
Fort heureusement, le Sidi Ali Ben a été bien préservé. Parce que, après avoir été abandonné, il a été réutilisé par les populations islamiques qui décidèrent de vivre hors du centre ancien et de l’utiliser comme un grenier collectif.
Le site a tout de même été un peu endommagé, bien des choses ont disparu et certaine parties se sont effondrées. Ce qui n’a pas empêché de réaliser des fouilles importantes, car le travail d’un archéologue est de comprendre, grâce à la recherche et avec un peu d’imagination, comment pouvait être le site à l’époque antique, de la préhistoire à nos jours.
Quel est votre commentaire sur la collaboration avec les archéologues marocains ?
La coopération a toujours été fructueuse. On est restés au même diapason et travaillons toujours ensemble, que ce soit dans le choix des objectifs de la recherche ou des méthodes à appliquer. C’est une collaboration totale.
La population locale manifeste-t-elle un intérêt pour vos travaux ? Avez-vous le sentiment que les autorités s’y mettent aussi ?
On le ressent à tous les niveaux, des autorités jusqu’aux ouvriers logés dans les habitations mitoyens du site. La population a compris l’intérêt de notre travail, ce qui a naturellement facilité nos recherches. Elle nous a même aidés à comprendre des pratiques anciennes comme l’utilisation de certains instruments dont on ne sait à quoi ils ont servi. Preuve de cet intérêt, certains commerces ont même emprunté le nom du site pour s’identifier.
Et quel est votre souhait ?
J’aimerais que d’autres sites du Maroc antique soient aussi connus que celui-ci sur lequel nous travaillons.
Repères :
Emanuele Papi a dirigé des fouilles et recherches en Italie où plus de dix ans, il a prospecté le Forum romain et palatin, en Grèce, en Egypte et au Maroc depuis 1999.
Ses intérêts de recherches partent sur les maisons et les villas de l’aristocratie romaine, la topographie de la Rome antique, les villes de frontières et l’économie de l’Empire romain. Il a également organisé et installé des parcs et musées archéologiques.