Son poème L’abeille fait entendre la voix d’une femme éperdument amoureuse qui souhaite en finir une bonne fois pour toutes avec cet Amour dur à supporter: «Pique du sein la gourde belle, / Sur qui l’Amour meurt ou sommeille».
Désirant d’être «piquée» par l’abeille, cette femme ou la femme préfère la douleur instantanée à l’Amour qui n’en finirait plus de la martyriser à jamais : «J’ai grand besoin d’un prompt tourment:/Un mal vif et bien terminé/Vaut mieux qu’un supplice dormant». Cette suite d’adjectifs «prompt», «vif» et «terminé» corrobore l’idée de trouver le moyen d’échapper à la douleur dont seul est responsable l’Amour. Vaut mieux une punition brève qu’un supplice incessant.
La rime féminine est faite subtilement par le poète et la féminité se manifeste tant par l’emploi du «e» muet ou obscur que par le choix des mots clôturant les vers des deux premiers quatrains. D’autant que «mortelle», «abeille», «corbeille», «dentelle», «belle», «sommeille», «vermeille», «rebelle» résonnent avec «elle», l’amoureuse, qui nous rappelle un autre poème célèbre de Paul Eluard. La féminité se renforce également par le titre du poème : «L’abeille». La piqûre de l’abeille est bien attendue et désirée comme une guérison contre le mal sans merci de la passion : «Sois donc mon sens illuminé».
La piqûre est considérée ici comme un «sens illuminé», c’est-à-dire comme une lucidité venant faire face à la passion engourdie. La piqûre serait pour l’amoureuse ce qui réveillerait sa conscience afin de résister à ce qui endort son esprit.
Mais pourquoi, comme dit Robert Monestier, ne pas goûter simplement la grâce un peu maniérée de ce sonnet, la lumière blonde qui le baigne, la netteté du trait, les correspondances subtiles entre les rimes, toutes féminines, des quatrains, où l’on croit entendre bourdonner l’abeille ?
Najib Allioui