L'ONU accuse la Birmanie d'avoir "planifié" les attaques contre les Rohingyas

6.700 personnes avaient été tuées entre fin août et fin septembre


Mercredi 20 Décembre 2017

 La Birmanie a clairement "planifié" les attaques violentes visant la minorité musulmane des Rohingyas, provoquant un exode massif dans ce qui apparaît comme un possible "génocide", a déclaré lundi à l'AFP le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme.
"Pour nous, c'était clair (...) que ces opérations avaient été organisées et planifiées", a déclaré Zeid Ra'ad Al Hussein dans une interview, à propos de la répression qui a tué plusieurs milliers de personnes et contraint plus de 655.000 Rohingyas à trouver refuge au Bangladesh voisin depuis août.
"Vous ne pouvez pas exclure la possibilité d'actes de génocide (...) Vous ne pouvez pas exclure que ça ait eu lieu ou que ça ait lieu", a-t-il dit.
Médecins sans frontières (MSF) a estimé la semaine dernière qu'au moins 6.700 Rohingyas avaient été tués entre fin août et fin septembre au cours de la répression de l'armée birmane dans l'Etat Rakhine (ouest de la Birmanie).
Et plus de 655.000 membres de cette minorité musulmane ont fui les violences et se sont réfugiés dans le district de Cox's Bazar, dans le sud-est du Bangladesh.
Les autorités birmanes ont toujours démenti avoir commis des atrocités dans le nord de l'Etat Rakhine, foyer des Rohingyas, en affirmant que l'armée n'avait fait que répondre à des attaques de rebelles musulmans contre des postes de police le 25 août, qui ont fait une douzaine de morts parmi les policiers.
Mais M. Zeid a rappelé que l'an dernier, une flambée de violence avait déjà forcé quelque 300.000 Rohingyas à fuir vers le Bangladesh.
Le Haut-commissariat, qui n'a pas été autorisé à se rendre sur place, malgré de nombreuses demandes, a publié en février un rapport basé sur les témoignages de réfugiés à Cox's Bazar qui parlent "de crimes horribles, d'enfants pourchassés et égorgés", a-t-il dit.
"Je soupçonne que la première opération était une répétition pour la deuxième", a-t-il estimé.
Il ne croit pas à la thèse de la répression contre des rebelles, en soulignant que les civils ont été clairement ciblés. "Pourquoi s'en prendre à un petit enfant si votre cible est un insurgé?" a-t-il demandé.
M. Zeid a toutefois souligné que ce sera aux tribunaux de déterminer si oui ou non il y a eu génocide, mais "nous ne pensons pas que vous puissiez l'exclure et écarter cette possibilité."
Interrogé sur le niveau de responsabilité de la dirigeante birmane et Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi, il a estimé que ce sera là aussi aux tribunaux de trancher.
"Il existe aussi le crime d'omission: si vous étiez totalement au courant que ces développements se déroulaient et que vous n'avez rien fait pour y mettre un terme, vous pourriez être tenu pour responsable", a-t-il souligné.
Pour sa part, Human Rights Watch estime mardi dans un nouveau rapport consacré à la localité de Tula Toli que certains massacres commis dans des villages rohingyas dans l'ouest de la Birmanie ont été clairement planifiés par l'armée birmane, aidée par les populations bouddhistes.
S'appuyant sur des dizaines de témoignages de survivants, l'ONG montre comment les forces de sécurité ont piégé les musulmans rohingyas sur les berges d'un fleuve pour ensuite tuer et violer hommes, femmes et enfants et incendier la petite ville.
"Les atrocités de l'armée birmane à Tula Toli n'ont pas seulement été brutales, elles ont été systématiques", a déclaré Brad Adams, directeur de Human Rights Watch Asie.
"Les soldats ont tué et violé des centaines de Rohingyas avec une efficacité particulièrement cruelle, qui n'a pu qu'être planifiée à l'avance", a-t-il ajouté.
De nombreux villageois ont déclaré à Human Rights Watch que le chef de l'organisation locale, membre de l'ethnie Rakhine (bouddhiste), leur avait dit de se rassembler sur la plage, prétendant qu'ils y seraient en sécurité.
Les forces de sécurité ont ensuite encerclé la zone, tirant sur la foule rassemblée et ceux qui tentaient de fuir.
"Ils attrapaient les hommes et les forçaient à s'agenouiller puis ils les tuaient. Ensuite ils empilaient leurs corps. D'abord ils les abattaient et s'ils étaient encore vivants, ils les achevaient à coups de machettes", a raconté Shawfika, 24 ans, dont le mari et le beau-père ont été tués sous ses yeux.


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