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A l’origine de ce jugement, un procès diligenté par deux migrants qui prétendent avoir fait l’objet, le 13 août 2014, d’une reconduite collective à chaud vers les frontières avec le Maroc. Ces deux Subsahariens ont été remis aux forces marocaines une fois qu’ils ont remis les pieds à terre après être restés, deux heures durant, perchés au sommet de la barrière grillagée. Ils ont été expulsés sans avoir été identifiés et sans que l'accès à un avocat ou à un interprète leur ait été proposé, comme exigé par divers accords internationaux ratifiés par l'Espagne et notamment la Convention de Genève. L’Espagne doit ainsi verser à chacun des requérants, dans les trois mois prochains, 5.000 euros plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral.
«Nous avons travaillé étroitement avec les avocats de deux migrants en leur remettant les documents nécessaires, car nous avons toujours cru que les modifications relatives à la loi espagnole sur les étrangers notamment la réglementation des retours à chaud des migrants qui ont franchi les barrières de Sebta et Mellilia sont en contradiction avec le respect des droits de l’Homme. Et la décision de la CEDH a levé la voile sur cette contradiction», nous a indiqué notre source, tout en précisant que les refoulements à chaud restent encore une pratique courante chez les autorités espagnoles. Pis, cette pratique a dépassé les barrières pour se mettre sur les routes maritimes entre le Maroc et l’Espagne. Plusieurs rapports des ONG ont constaté des cas de refoulements dits à chaud opérés en toute illégalité par les autorités espagnoles à l’égard des migrants irréguliers subsahariens. Ces derniers sont souvent livrés ligotés et clandestinement aux autorités marocaines qui procèdent elles aussi à leur refoulement sans leur consentement vers certaines villes comme Rabat, Fès ou Meknès. Une pratique qualifiée par le rapport de courante et longtemps niée par les deux pays qui semblent avoir signé une entente concernant ce sujet. A noter que l'Exécutif espagnol a modifié en 2014 la loi sur les étrangers en vue de réglementer les retours à chaud des migrants qui ont franchi les barrières de Sebta et Mellilia. Une révision qui a suscité beaucoup de polémiques et de critiques notamment au regard de sa non-conformité avec les dispositions de la Convention de Genève de 1951 qui protège le droit d’accès à l'asile de toutes les personnes à travers le principe de «non-refoulement». En fait, cette convention stipule que toute personne ne peut pas être renvoyée dans un pays en conflit où elle peut être soumise à des violations des droits de l'Homme ou faire l’objet de persécution. Le droit international exige l'assistance juridique avant toute procédure d'expulsion et le droit d'interjeter appel. Il est nécessaire, par conséquent, d’étudier individuellement chaque cas et d’interdire tous les renvois collectifs.
«Cette décision de la Cour européenne pourra bien changer la donne. En fait, ledit jugement place l’Espagne en mauvaise posture, celle d’un pays en contradiction avec les directives européennes en matière de migration», nous a expliqué Omar Naji.
La décision de la CEDH marque-t-elle une jurisprudence définitive en ce domaine ou n'est-elle qu'un verdict éphémère qui pourrait être balayé par d'autres jugements contraires ? «En principe, la décision n'a d'autorité que sur l'affaire elle-même et n'est donc pas forcée de faire jurisprudence, mais une décision rendu par la CEDH est respectée et suivie», nous a expliqué Said Mchak, chercheur en droit international sur la migration. Et de poursuivre : «Ceci d’autant plus que de tels procès ne sont pas mis en place tous les jours puisqu’il s’agit d’affaires qui exigent des procédures longues et difficiles. En effet, pour faire recours devant la CEDH, il faut que l’intéressé épuise toutes les formes des recours au niveau national et qu’une décision définitive soit prise par les juges du pays concerné. Et tout cela demande du temps et de l’argent. Deux luxes que ne peuvent se permettre beaucoup de migrants irréguliers et d’associations œuvrant dans le domaine.
Notre source nous a précisé, en outre, que le jugement de la CEDH ne constitue pas un précédent juridique. «La grande Chambre de la CEDH a déjà condamné en 2012 l’Italie pour avoir reconduit en Libye des migrants somaliens et érythréens interceptés en mer malgré les risques de mauvais traitements qu’ils encouraient. La Cour a jugé qu’il y avait violation des directives européennes et des dispositions des droits de l’Homme», nous a-t-elle indiqué. En effet, en début de mai 2009, les garde-côtes italiens avaient intercepté en mer de nombreuses embarcations transportant des migrants, mais en vertu d’accords bilatéraux avec la Libye entrés en vigueur début 2008 contre l’immigration clandestine (suspendus par la suite, début 2011), 471 migrants irréguliers avaient alors été transférés sur des navires militaires italiens et directement reconduits à Tripoli, sans même passer par l’Italie.
La CEDH avait été saisie de ce problème par 11 ressortissants somaliens et 13 migrants érythréens. En février 2011, la Chambre à laquelle l’affaire avait été confiée s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre, dont les arrêts sont définitifs et non susceptibles d’appel. La CEDH a condamné l’Italie à verser 15.000 euros à chaque requérant pour dommage moral.