L’Autre au quotidien de Khalid Souqbi

Khalid Souqbi, artiste photographe, natif de Fès, expose son dernier travail à la Galerie de l’Institut français de Fès du 05 au 23 février. Un territoire de l’Autre est l’intitulé de cette exposition sous forme d’installation artistique mariant la photographie et la vidéo. L’artiste a choisi d’installer la thématique de l’Autre au sein de son « objectif ». Dans cette installation, l’Autre est pris dans une mécanique quotidienne qui se double d’une mise en scène où nous sommes acteurs et metteurs en scène en même temps. Le territoire de l’Autre ou les territoires de nous autres, est saisi dans ce rapide mouvementé où nous sommes individus et foule en même temps. Et notre individualité est tantôt indifférence, tantôt implication. La rencontre jaillit de l’interstice entre ces deux jalons. Khalid Souqbi l’a déclaré, en avançant que « ce territoire est un espace de rencontres inopinées et fugitives ». Ce travail regroupe l’image animée à travers la vidéo et la photographie artistique qui transcende l’image formatée pour inscrire la photo dans une picturalité aux allures très contemporaines. A travers la technique de lumière artificielle, l’artiste a réussi à véhiculer une plasticité très mesurée en adéquation avec la vitesse du mouvement ou des mouvements qui dynamisent ses prises de vue. L’exploration des possibilités plastiques qu’offre la photographie, à travers les techniques de manipulation de la vitesse d’obturation, instaure une approche esthétique propre à khalid Souqbi en jouant sur les reliefs, les formes, les volumes et les ombres. L’artiste s’appuie beaucoup sur le mouvement et déploie ainsi un arsenal de motifs qui traduisent des effets qui renvoient à la mobilité, à l’immédiateté, à l’itinérance et au remuement… Dans ce territoire dédié à l’Autre, chaque personne/individu trimbale avec lui son étrangeté, son indifférence, son altérité latente... Et d’un coup cette individualité sera noyée dans un flot qui sera foule… Cet engrenage continu et ondulant se transforme en une sorte de « cliché » opaque qui traduit des formes humaines/ déshumanisées pour reprendre l’expression de l’artiste. Les gestes réflexifs des personnages qui meublent la vidéo nous installe devant un paysage fait des va et vient et des allers retours qui fait de chacun de nous un Autre et un indifférent en même temps. On se croise, on se regarde, on est regardant et regardé en même temps, mais sans sensibilité visuelle. L’œil voit et regarde mais il reste imperméable. Ce moment trivial et fugace que l’artiste fait surgir par le truchement des regards, des mouvements de la tête, des pivotements des corps,… traduit une mécanique humaine réelle à forte dose existentielle. L’horizontalité des prises de vue nous renvoie aux scènes quotidiennes d’une rue ou d’un couloir animé et meublé de silhouettes humaines prises tantôt, dans leur empressement, tantôt dans leur lenteur. Fixer ces instants et ces gestes, était l’objectif ultime de l’artiste pour nous rapprocher de ce territoire flottant et tentant.