L’Attrait irrésistible des filets prohibés

La cupidité de certains armateurs de Dakhla mise à nue


Naîma Cherii
Mercredi 9 Avril 2014

L’Attrait irrésistible des filets prohibés
Des associatifs 
tirent la sonnette d’alarme

Décidément, la pêche avec des filets prohibés continue de défrayer la chronique dans la zone de Dakhla. Une pratique illégale ayant cours au vu et au su de tous, selon des associatifs de la région. A en croire l’Association pour la protection des produits de pêche, des armateurs utiliseraient des filets à petites mailles dans la zone de Dakhla. «L’Association a des preuves que ces filets sont effectivement utilisés dans la pêche à Dakhla. Nous avons reçu des vidéos et des documents attestant l’implication de certains armateurs dans ce type de pêche illégale. Pourtant, le recours à ces filets prohibés a un impact négatif sur le stock de ressources halieutiques, mais aussi sur l’environnement», ne manque pas de souligner Mohamed Bannane, président de l’Association de protection des ressources halieutiques. Ce dernier, qui  crie au scandale, affirme que ces pratiques se font au vu et au su de tous, accusant A.H, un armateur de la région de favoriser cette pratique qui décime le poisson. 
A l’issue de son constat, Mohamed Banane a assuré que d’autres armateurs pratiquent aussi la pêche avec des filets à petites mailles, pourtant interdits au Maroc. Il reproche aux responsables du secteur de ne pas assumer leurs responsabilités quant à la pêche avec ce matériel très dangereux. «La faute incombe à l’administration qui garde le silence sur ce type de pratiques illégales. Car ce silence encourage d’autres opérateurs à recourir à cette pratique, laquelle va certainement impacter négativement le stock en ressources halieutiques, comme cela s’est, d’ailleurs, passé dans d’autres zones du Royaume comme Tan Tan ou Safi, par exemple», martèle-t-il dans une lettre, dont Libé détient copie. Ce dernier, qui ne mâche pas ses mots, avance que «certains agents de contrôle de l’administration sont même impliqués dans cette pêche illégale. Puisqu’ils gardent le silence sur ces pratiques illicites exercées par des propriétaires de bateaux qui violent la loi en utilisant des engins prohibés pour pêcher le poisson».
Aussi, pour ce même activiste associatif, une enquête immédiate devrait-elle être menée par le département d’Aziz Akhennouch sur toutes «les pratiques illégales exercées dans le secteur de la pêche à Dakhla». Preuve à l’appui, l’Association demande aussi une enquête au sujet des vidéos qu’elle détient et qui mettent en cause des marins utilisant «des filets prohibés» pour pêcher le poisson. Ces marins, d’après l’Association, travaillent sur les bateaux de l’armateur A.H qui favoriserait cette pratique illégale.
Interrogé par Libé, le délégué de la pêche à Dakhla, Rachid Agriche a nié toute pratique illégale dans sa zone. «Nous n’avons été interpellés par aucune association pour mener une enquête sur la violation de la loi par certains armateurs. Et puis je ne vois pas pourquoi on va lancer une enquête sur quelque chose qui n’existe même pas. Je peux vous affirmer qu’aucune pêche avec des filets prohibés n’a encore été prise en flagrant délit par nos agents de contrôle», a-t-il répondu, catégorique, ajoutant qu’il ignorait l’existence de vidéos qui mettent en cause l’armateur A.H dans ce type de pratiques illégales. 
Pourtant,  Zakia Driouch, secrétaire générale du département des pêches a affirmé à Libé qu’une enquête a été lancée pour en savoir plus sur ces filets interdits par la loi. «Nous avons en effet été informés de l’existence de ces vidéos qui mettent en cause certains opérateurs dans ce type de pratiques illicites. Une commission ministérielle a été diligentée, vendredi 4 avril, à Dakhla pour mener une enquête sur les vidéos en question, mais aussi sur les accusations portées contre certains armateurs de la région qui utiliseraient ce type de matériel dans la pêche de poisson», a-t-elle déclaré en ajoutant que d’ici une semaine, elle pourra avoir les résultats de cette enquête.
Quoi qu’il en soit, en attendant les résultats de cette enquête, des associations du secteur ne cessent, depuis un certain temps, de remettre sur le devant de la scène, la question des pratiques illicites à Dakhla. La diffusion de ces vidéos – qui ne sont pas les seules- interviennent donc au moment où ces mêmes voix locales appellent les autorités à mettre un terme à la pêche au moyen de ces engins prohibés, mais aussi à la pêche illicite notamment pendant les périodes de repos biologique.
Ainsi, Moulay Hassan Talbi, un armateur de la pêche artisanale et président de l’Association des propriétaires des barques de la pêche artisanale à Dakhla, avance les mêmes informations ressorties par Mohamed Bannae, président de l’Association pour la protection des produits de pêche. «La zone de Dakhla est malheureusement une région connue par cette pratique illégale qu’est la pêche à l’aide des filets à petites mailles. Plusieurs sites sont concernés par ce cas. Ces filets à petites mailles sont effectivement utilisés par des armateurs aussi bien de la pêche côtière que de la pêche hauturière, ce qui est formellement interdit par la loi», a affirmé à Libé Moulay Hassan Talbi. Il ajoute que son association a, elle aussi, envoyé plusieurs lettres au département de tutelle pour le règlement de ce problème de pêche à l’aide d’engins prohibés dont notamment des filets de petites tailles. «La faute incombe au gouvernement. Il ne devrait pas faire régner l’impunité. Aujourd’hui, les engins prohibés sont, certes, utilisés  par les pêcheurs dans la zone de Dakhla. Mais personne ne lève le petit doigt pour mettre fin à ce phénomène», a-t-il déploré. Et d’ajouter : «Mettre fin à l’utilisation des filets à petites mailles doit être une bataille de tous les jours. Car l’une des conséquences de l’usage de ces filets est que cela détruit des espèces de poissons de toutes tailles».
Pour la même source, «l’administration doit trouver une solution urgente à ce problème. Des agents de contrôle doivent organiser continuellement des patrouilles pour éradiquer ce type de pratiques illicites. Car si rien n’est fait, ce phénomène menacera sérieusement le secteur de la sardine dans cette zone». Et Moulay Hassan Talbi d’insister, non sans regret : «Le poisson est limité, un jour il n’y en aura plus si l’on continue de pêcher avec ce type de filets».
Pour Talbi, depuis plusieurs années, à Dakhla, les contrebandiers pêchent illicitement et continuent de le faire dans des zones interdites et ce en périodes d’arrêt biologique. Ce qui met en danger les ressources halieutiques à Dakhla, une zone connue par l’abondance de ses richesses en poulpes, selon Talbi.
Au Maroc, la loi interdit la pêche dans des zones interdites et durant les arrêts biologiques, l’utilisation d’engins prohibés et d’un maillage non réglementaire, etc. Mais dans la réalité, «ce sont des pratiques qui continuent d’exister et sont malheureusement admises», soutiennent les sources de Libé à Dakhla. Reste que le contrôle de toutes les pratiques illicites demeure difficile. 
Mais qui est derrière tout cela ? Quelle est l’ampleur de ce phénomène dans la zone de Dakhla ? Et qu’en est-il exactement du contrôle ? Autant de questions que l’on se pose actuellement dans les milieux de la pêche au Sud du pays et auxquelles l’enquête lancée par le ministère de tutelle  devrait apporter des réponses. 


Pratiques illégales
 
Des engins continuent d’être utilisés d’une manière prohibée par un certain nombre de pêcheurs. Il s’agit de pratiques qui se sont développées ces dernières années. Aujourd’hui, l’activité informelle a repris, notamment à Dakhla.  D’autres régions sont aussi concernées comme le Nord du pays où des engins interdits sont utilisés comme «Boulichi», «Pêche au chenguiti», «monofilament», «double pouche», «filet chalutier» ou encore les poulpiers». Ce sont là des engins prohibés mais qui continuent d’être utilisés dans la zone du Nord, selon un agent de contrôle de pêche. Avec un maillon très petit, le filet chalutier est utilisé au niveau de la pêche côtière. Il constitue un vrai danger pour le poisson juvénile. D’autres pratiques prohibées, tel le mono filament sont également utilisées aussi bien par les canots de la pêche artisanale que par ceux de la pêche côtière. L’utilisation de ce filet est interdite  dans la pêche. Mais il est actuellement vendu en contrebande (Mellilia et Sebta) et toujours utilisé en Méditerranée. Interdit dans le monde entier, ce mono filament, que l’on appelle le cancer de la mer, est très dangereux pour les ressources halieutiques.


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