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Le Groupe socialiste-Opposition ittihadie interpelle l’Exécutif au sujet de l’avenir du commerce extérieur, des infrastructures sportives, du phénomène des résidus de constructions dans les villes, entre autres
C’est ce qu’a mis en avant Abderrahim Chahid, président du Groupe socialiste-opposition ittihadie à la Chambre des représentants, lors d’une journée d’étude, organisée par le Groupe socialiste, l'Organisation des femmes ittihadies (OFI) et l’Association Droit et Justice, et à laquelle ont pris part notamment l’ambassadeur de la Norvège, des représentants de l’ambassade du Danemark, du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, du Parquet général, du CNDH et d’organisations défendant les droits des femmes.
Hanane Rihhab« La réforme globale des dispositions du Code de la famille « constituera de toute évidence un nouvel épisode à la fois dans le processus d’édification démocratique dans lequel le Maroc s'est engagé depuis le gouvernement de l’Alternance consensuelle, et dans le processus de renforcement de la position du Maroc sur le plan international », a affirmé Abderrahim Chahid dans son allocution lors de la séance d’ouverture de cette journée d’étude modérée par la parlementaire itthadie Seloua Demnati.
Il ne peut y avoir de modernité ou de démocratie sans l’implication de la femme, ni d’Etat social sans la mise en place de politiques favorisant son autonomisation économique
Pour sa part, Hanane Rihhab, secrétaire nationale de l’OFI, a souligné : « Nous, au sein de l'OFI et avec le soutien de notre parti, l'USFP, et toutes ses organisations parallèles dont notamment le Groupe socialiste- opposition ittihadie, sommes engagées dans une dynamique de sensibilisation, de plaidoyer et de protestation afin d'être actives et efficaces dans ce chantier sociétal, qui a été lancé par un discours fondateur de S.M le Roi en juillet 2022, lequel discours a été clair dans son appel à la reforme du Code de la famille après une expérience de près de vingt ans ».
Selon la militante ittihadie, l’application du Code de la famille a révélé un ensemble de lacunes sur lesquelles s’appuient des juges pour rendre « des jugements en porte-à-faux avec l’esprit du Code de la famille visant à rendre justice aux femmes et aux enfants, car ce sont les victimes directes de toute injustice sociale, en l'absence de toute protection juridique ».
Abderrahim Chahid« Nous avons considéré l'adoption de l'actuel Code de la famille en 2004 comme une révolution sociale, axiologique et intellectuelle, et c'était la position de toutes les forces de l'humanisme, du progrès et de la modernité, et nous avons considéré le vote unanime de la Chambre des représentants à l’époque, toutes sensibilités politiques et idéologiques confondues, comme une expression du génie marocain dans les moments cruciaux », a-t-elle estimé. Et d’ajouter : « Nous nous sommes rendu compte que les résistances à la réforme, à la modernisation et à l'égalité n'existent pas au sein de l'Etat, mais plutôt dans des structures sociétales qui intériorisent les valeurs passéistes, et ces structures trouvent malheureusement des appuis dans certaines institutions officielles. Ces structures ne partent pas de l'esprit et des finalités des textes, qu'il s'agisse du texte constitutionnel ou des lois organiques, du Code pénal, du Code de la famille, et bien d'autres textes juridiques, mais plutôt de lectures rétrogrades fondées sur des mentalités masculines ».
La réforme du Code de la famille trouve son fondement dans la nécessité du renforcement de la position de la femme en tant qu'acteur clé dans l’édification démocratique
Hanane Rihhab a également indiqué que les lacunes du Code de la famille permettent parfois des interprétations contradictoires, comme c’est le cas de la problématique liée à la filiation. Il y a, d’une part, des juges qui rendent des jugements fondés sur leurs convictions modernistes, et il y a, d’autre part, des juges rendant des jugements en fonction de leurs convictions traditionalistes, car, selon la secrétaire nationale de l’OFI, le texte de loi « permet ces deux lectures ».
Selon elle, S.M le Roi a toujours défendu les droits des femmes et des enfants depuis son intronisation en 1999, ce qui « constitue pour nous en tant que femmes progressistes un soutien fort dans notre quête d'un Maroc d'égalité et d'équité pour toutes les couches et classes de la société. Ce soutien Royal devrait inciter les organisations partisanes, civiles, féministes et des droits humains à jouer pleinement leur rôle dans la consolidation des acquis, et dans la modification des textes juridiques afin de fonder une société démocratique moderniste et un Etat social fort ». Et de préciser : « Il n'y a pas de modernité ou de démocratie en excluant les femmes, et il n'y a pas d’Etat social sans mettre en place des politiques favorisant l’autonomisation économique des femmes ».
Hanane Rihhab a vivement critiqué ceux qui appellent à reporter la réforme du Code de la famille et celle du Code pénal, prétextant qu’il faut tout d’abord donner la priorité à la gestion de la crise économique et à l’inflation galopante et que « les autres questions n'ont aucune valeur pour les Marocains ».
Cette approche, selon la secrétaire nationale de l’OFI, est «trompeuse et son but n'est pas de défendre le pouvoir d'achat des Marocains». Et de marteler : « L’expérience historique nous apprend que toute séparation entre les questions de justice sociale et les questions de modernisation et de démocratie ne fait qu'approfondir les disparités sociales et la prédominance du passéisme et de la réaction (…). Ces courants réactionnaires sont plutôt à même de justifier l'injustice sociale en se basant sur des interprétations arbitraires des textes religieux qui appellent au fond à la dignité, à la justice et à la vertu ».
Et la dirigeante de l’OFI de conclure : « Notre défense aujourd'hui de la réforme du Code de la famille n'est pas contraire à la défense du pouvoir d'achat des Marocains, ni à la priorité de construire une économie forte ou de réformer l'éducation, la santé et l'emploi. Tous ces problèmes sociaux sont au cœur de nos batailles, car il y a une convergence entre l'Etat social fort et le projet moderniste démocratique ».
Mourad FaouziPour sa part, Mourad Faouzi, président de l’Association Droit et Justice, a considéré que cette journée d'étude s'inscrit dans le cadre du débat sur la révision globale des dispositions du Code de la famille, soulignant qu'il y a accord sur l'existence d'un certain nombre de contraintes et sur l'absence de mécanismes qui pourraient garantir une véritable égalité homme-femme dans ce Code. Il a évoqué plusieurs problématiques liées à la tutelle légale, à la garde des enfants, à la polygamie, au mariage des mineurs et au partage des biens acquis au cours de la relation conjugale en cas de divorce, assurant que la réforme globale du Code de la famille ne sera atteinte que par l’harmonisation de ses dispositions avec celles de la Constitution de 2011 et des conventions internationales.
La réforme globale du Code de la famille passe par l’harmonisation de ses dispositions avec celles de la Constitution de 2011 et des conventions internationales
Jamal FezzaDe son côté, Jamal Fezza, professeur de sociologie et d’anthropologie à l’Université Mohammed V de Rabat, a donné une lecture sociologique de la réforme du Code de la famille, considérant qu’il faut se mettre d’accord sur les principes pour réformer ce texte juridique, et que cela nécessite « le changement des mentalités ».
La plateforme du Groupe socialiste prône une démarche raisonnable, dépourvue de toute velléité révolutionnaire et favorable au développement du débat sur la réforme du Code de la famille
Il a, par ailleurs, prôné la sagesse dans le chantier « très sensible » de la réforme du Code de la famille, tout en assurant que le Maroc n’a jamais connu de ruptures brutales contrairement à d’autres pays arabes et musulmans.
«Je suis rassuré, car, en lisant la plateforme du Groupe socialiste (présentée lors de cette table ronde), celle-ci prône une démarche raisonnable, dépourvue de toute velléité révolutionnaire et convenable au développement du débat sur la réforme du Code de la famille », a expliqué Jamal Fezza.
Mounia Terraz, docteur dans les fondements du Fiqh à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech, a, quant à elle, mis l’accent sur la nécessité de lutter contre le mariage des mineurs, en limitant l'âge du mariage s'il le faut à 20 ans, avec la nécessité de prévoir des exceptions dans certains cas, notamment dans des zones isolées.
Elle a mis en avant que la charia islamique a appelé à l'autonomisation des femmes et à assurer leur droit à une éducation adéquate, soulignant la nécessité de libérer les femmes des contraintes sociales, et exigeant que la question du mariage des mineurs ne soit pas considérée sous l'angle de nos prédécesseurs, parce qu'ils s'appuyaient sur un texte coranique sur lequel il n’y a pas unanimité entre les juristes quant à son interprétation. En ce sens, elle a rappelé le cas du Prophète qui a bel et bien refusé de marier sa fille, étant donné qu'elle était encore jeune.
Mounia TerrazDans son intervention lors de cette table ronde, la députée ittihadie et membre de la Commission de justice, de législation et des droits de l’Homme à la Chambre des représentants, Malika Zakhnini, a plaidé pour une réforme globale et minutieuse du Code de la famille.
La charia islamique appelle à l'autonomisation des femmes et à assurer leur droit à une éducation adéquate
«Qui est autorisé à chapeauter la révision du Code de la famille ? Le Parlement, en sa qualité de pouvoir législatif, l'entreprendra-t-il, ou la révision nécessite-t-elle la création d'une commission Royale? », s’est interrogée Malika Zakhnini.
Malika ZakhniniLa parlementaire ittihadie a passé en revue les raisons de la réforme de l’actuel Code de la famille, expliquant que ce Code n'est pas comme les autres textes législatifs, d'autant plus qu’il a pour finalité d'organiser la première cellule de la société, à savoir la famille, et « donc à travers les dispositions du Code de la famille, nous déterminerons la nature de la famille à laquelle nous aspirons ».
Chaque fois que le débat s'ouvre sur ce texte, on voit la société se polariser entre ceux qui défendent le statu quo et ceux qui aspirent à changer cette situation
« Chaque fois que le débat s'ouvre sur ce texte, on voit la société se polariser entre conservateurs et progressistes, autrement dit entre ceux qui défendent le statu quo et ceux qui aspirent à changer cette situation », a-t-elle mis en exergue.
Quant au bâtonnier du Barreau de Khouribga, Allal El Basraoui, il a mis l’accent dans son intervention sur la nécessité de garantir la stabilité juridique de la famille marocaine et cela passe par une refonte du Code de la famille, indiquant que la famille marocaine est embourbée dans de nombreux conflits de nature juridique.
En ce sens, il a cité des rapports officiels qui font état de cette amère réalité, dont celui du Conseil suprême de l'autorité judiciaire publié il y a un mois concernant la période allant de 2017 à 2021. Selon ce rapport, le nombre d'affaires civiles dépassait cinq millions, les affaires familiales à elles seules se chiffraient à plus de deux millions deux cent mille.
Par ailleurs, Allal El Basraoui a appelé les juges à être justes et équitables dans leur interprétation des textes de loi pour garantir une bonne application de ceux-ci.
L’intervention de l’avocate Meriem Jamal Eddine a porté sur les problématiques liées à la filiation paternelle, évoquant le cas de la fille de Tifelt qui a été violée et a donné naissance à un enfant, tout en se demandant : « Quel est le sort de la fille violée et de l'enfant ? Ces drames sociétaux doivent nous interpeller tous ».
Par ailleurs, elle a souligné que « le Code de la famille n'était pas conforme aux dispositions et à l'esprit de la Constitution et à la politique législative visant à se conformer aux conventions internationales ».
S’appuyant sur une étude de terrain et des statistiques, Souad Bennour, professeur de droit à l’Université Hassan II de Casablanca, a mis l’accent sur les risques d'accouchement prématuré et de maladies résultant d'un mariage précoce, tout en proposant notamment « l'abolition du mariage des enfants, l’application de mesures répressives dans les cas de mariage forcé et de violence basée sur le genre ».
A rappeler qu’Amina Talbi, avocate et membre du secrétariat national de l’OFI et Mourad Faouzi ont modéré les deux séances de cette journée d’étude qui a été marquée notamment par un débat fructueux sur l’ensemble des problématiques liées au Code de la famille et a abouti à un certain nombre de recommandations qui contribueraient à l'élaboration d'une vision globale et précise sur ce sujet.
Mourad Tabet