Jeff Panacloc est un sacré ventriloque, doublé d’un
humoriste hors pair. Son singe fétiche, Jean-Marc,
est réputé pour son
tempérament explosif sur scène. Grossier, imprévisible, narcissique et provocateur,
il est aux antipodes de son créateur.
Libé : Comment avez- vous découvert le monde de la ventriloquie?
Jeff Panacloc : En fait, je l’ai découvert avec un autre ventriloque, qui s’appelle David Michel qui était très connu durant les années 80. Il avait un pingouin qui s’appelait Nestor. Je l’ai rencontré à l’âge de 16 ans. C’est lui qui m’a donné envie de faire ce métier.
Est-ce une vocation? Une passion ? Ou un métier comme les autres?
Ça commence par être une passion, ensuite le métier vient tout seul. Je ne me suis pas réveillé un jour en me disant: tiens, j’en ferai mon métier. Mais c’est ainsi : à un moment donné, on ne fait plus que ça, et on lâche tout le reste.
Quand on parle de vous, on dit souvent « Jeff le ventriloque », oubliant que vous êtes doublé d’un humoriste hors pair.
Oui, mais cela arrive de moins en moins. En tout cas, dans le spectacle, sur l’affiche et tout, on ne parle pas beaucoup de ventriloque. C’est un vrai duo sur scène maintenant. Après, c’est vrai que ça intrigue tout le monde, mais évidemment on s’engouffre dans la brèche, parce que on n’a pas d’autres ventriloques. Donc c’est bien de parler aussi de cet art.
Il y a cependant des trouvailles humoristiques dont vous n’auriez pas été capable, sans la précieuse aide de la marionnette.
Oui, c’est sûr. Je pense que les autres humoristes sont un peu jaloux pour ça. C’est-à-dire qu’ils aimeraient bien faire des blagues mais ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes. C’est mon exutoire en fait, Jean-Marc.
J’en parle souvent avec des collègues humoristes. C’est vrai qu’il y a des moments où l’on a envie de dire des choses sur scène, mais on n’ose pas tellement, par crainte d’être catalogué. Alors que pour Jean-Marc, cela est tout à fait différent. Personne ne pourra dire qu’il est de droite ou de gauche.
Vous dites souvent que vous avez été magicien, à vos débuts. En fait, vous l’êtes toujours, puisque vous insufflez une vie extraordinaire à ce singe dévergondé.
Comme on dit dans le spectacle, ça peut être une forme d’illusionnisme, de faire vivre Jean-Marc. On peut considérer qu’il s’agit là d’une autre forme de magie, j’en conviens.
Vous avez participé, l’année dernière, au Festival “Marrakech du rire”. Est-ce cela qui vous a donné envie de revenir au Maroc ?
Oui, nous nous sommes rendu compte, Jean-Marc et moi, en venant jouer, l’an dernier, à Marrakech, que les gens appréciaient plutôt bien notre spectacle. C’est ce qui nous a encouragés à revenir.
Vous les préparez comment, vos sketchs? Ça doit demander un sacré effort d’écriture, on imagine.
Pour mon actuel spectacle “Jeff perd le contrôle”, je l’ai écrit, il y a un an et demi. Ça a l’air de très bien marcher. Et j’en suis pleinement satisfait. J’écris toujours en fonction de l’actualité. Et Dieu sait qu’il se passe beaucoup de choses, en ce moment. En France, en tout cas. Il faut dire que j’écris beaucoup, surtout pour la télé.
Ce qui ne vous empêche pas d’improviser sur scène...
J’improvise parce que je n’aime pas la routine, en fait. Et dans le spectacle, se produire sur scène tous les soirs, pour dire toujours la même chose, de la même manière, j’avoue que ce n’est pas mon truc. Je pense aussi aux gens qui viennent voir le spectacle plusieurs fois, ils doivent tout de même découvrir, à chaque fois, quelque chose de nouveau. Et puis, cela m’agace de toujours ressasser la même chose. J’essaye donc de trouver des nouveautés. Mes techniciens aussi doivent se marrer pendant le spectacle à chaque fois, plutôt que de s’ennuyer.
C’est le Plus grand cabaret du monde de Patrick Sébastien qui vous a fait connaître auprès d’un très large public.
En fait, Patrick, je l’ai rencontré il y a un peu plus de cinq ans, dans un festival et on avait discuté. Il m’a dit : oui tu es bien, mais les textes ce n’est pas vraiment ça. Il m’a promis de me rappeler plus tard. J’ai alors pensé qu’il ne me rappellerait jamais. Mais il a fini par le faire, au bout de cinq ans ! Il voulait voir ce que j’avais écrit, et savoir si j’avais évolué. Pour m’aider à faire mon premier spectacle. Et on y est tous les mois maintenant.
Je lui soumets mes sketchs, il modifie deux ou trois choses, pour que ça passe dans l’émission, parce qu’il connaît la télé bien plus que moi.
Jean-Marc se distingue par sa vulgarité. Mais c’est une vulgarité pas vraiment vulgaire, si l’on peut dire.
Je ne saurais vous dire. Il est vulgaire, mais ça dépend de ce qu’on pense de la vulgarité, en fait.
Vous avez l’air timide. Et on a l’impression que vous êtes beaucoup plus à l’aise quand vous incarnez Jean-Marc ?
Oui il est vrai que je suis beaucoup plus à l’aise avec Jean- Marc. Mais je me soigne aussi. Et je m’en sors plutôt bien.
Comment envisagez-vous l’avenir, pour un duo comme le vôtre ? Se pourrait-il que vous délaissiez Jean-Marc, un jour ?
Faire un show tout seul, je ne pense pas. Créer un autre personnage, un jour, c’est possible. De toute façon, Jean-Marc sera toujours là. C’est la locomotive du spectacle.
Ce qui marche vraiment dans mes spectacles, c’est la nouveauté. C’est ce que j’apporte de plus, par rapport aux autres qui font des stand-up. On se demande pourquoi se contenter de faire comme les autres, alors que je suis tout à fait en mesure de faire quelque chose qui n’appartient qu’à moi.
Ça vous arrive de parler un peu à Jean-Marc, quand vous rentrez tous les deux à la maison?
Oui. Et il nous arrive aussi de sortir en boite, tous les deux.