Dans une réappropriation douce et ardente de ses choix en tant qu’intellectuel libre et engagé, le poète a souligné le fait qu’il pouvait facilement chercher le profit à travers les raccourcis habituels, mais il y a toujours ce rêve qui l’habitait et qu’il n’arrive pas à expliquer. «C’est le genre d’énigme qu’on n’arrive pas à expliquer», dit-il, avant d’ajouter que l’engagement en faveur d’idéaux et de valeurs pour un lendemain meilleur n’avait pas pour objectif une quelconque recherche d’un héroïsme individuel, mais seulement de répondre à des motivations internes. Il défend ainsi l’esprit de «Souffles» et se dit prêt à le défendre pour le restant de sa vie.
Par contre, le monde dans lequel nous vivons, précise-t-il, est tellement cruel qu’il assassine nos rêves, ce qui nous pousse parfois à friser l’extrémisme. «Face aux cruautés du monde, on aspire à vivre dans un monde de paix et de sérénité, mais les événements dramatiques que vit le monde nous poussent parfois à prendre une position radicale», a-t-il expliqué.
Revenant sur le prix Goncourt qu’il s’est vu décerner récemment, Laâbi a indiqué que sa véritable joie est celle de voir la distinction bien accueillie par les hommes de lettres, les journalistes et les intellectuels. «C’est cet Autre qui te regarde respectueusement et sous un autre angle, ce qui nous aide à se départir de ce sentiment d’infériorité», dit-il. Seulement, et avec la rage douce chère aux grands poètes, Laâbi s’est indigné qu’aucun écrivain marocain d’expression française n’ait été distingué au Maroc, évoquant avec amertume le cas du grand Driss Chraibi, mort sans jamais recevoir un quelconque hommage.
Invoquant l’intégration de plusieurs de ses œuvres dans les cursus scolaires en France et en Espagne, l’auteur de «Les rides du lion», a affirmé solennellement qu’il n’est pas prêt à recevoir un prix officiel au Maroc. Là aussi, on reconnaît le révolutionnaire très doux.