Immense manifestation de défiance envers la classe politique à Beyrouth





Le ras-le-bol
a fait descendre dans la rue les Libanais de toutes les confessions


Lundi 31 Août 2015

Des dizaines de milliers de Libanais ont exprimé samedi à Beyrouth leur rancoeur envers une classe politique jugée corrompue et incapable d'offrir les services de base, dans la plus grande manifestation jamais organisée par la société civile.
La Place des Martyrs, lieu emblématique de la capitale depuis la guerre civile qui a déchiré le pays de 1975 à 1990, était noire de monde et hérissée de drapeaux libanais.
"Que tombe le pouvoir des corrompus, à commencer par les députés", "Bye, bye aux corrompus", a notamment scandé la foule, exprimant son rejet des politiciens, absents du rassemblement.
Certains manifestants arboraient un tee-shirt blanc portant la mention "Vous puez", d'autres des drapeaux libanais sur lesquels on pouvait lire "On en a marre".
Le rassemblement s'est déroulé dans une atmosphère détendue mais après la dispersion, un groupe de jeunes masqués, torse nu, s'est dirigé vers la place Riad al-Solh, qui mène au bureau du Premier ministre.
Ils ont déplacé une rangée de barbelés, mis le feu à des déchets et jeté des pierres et différents projectiles en direction des forces de sécurité, qui sont intervenues vers 22H30 (19H30 GMT) pour les disperser. La police a indiqué avoir arrêté quelques "perturbateurs".  Sur les réseaux sociaux, les organisateurs ont affirmé que la campagne n'était "pas responsable du comportement de certains jeunes".
Pour éviter que se répètent les violences survenues lors des premières manifestations une semaine plus tôt, imputées alors à des "fauteurs de troubles", ils avaient pourtant constitué samedi un service d'ordre de 500 membres.
La police avait de son côté accroché sur la place une banderole affirmant: "Nous sommes parmi vous, pour vous, pour vous protéger".
Organisée par le collectif "Vous puez", la campagne de protestations a commencé avec la crise des ordures provoquée à la mi-juillet par la fermeture de la plus grande décharge du Liban et l'amoncellement des déchets dans les rues.
Mais cette mobilisation illustre surtout le ras-le-bol d'une population contre la corruption endémique, le dysfonctionnement de l'État et la paralysie des institutions politiques. 
Vingt-cinq ans après la fin de la guerre, l'électricité est rationnée et chaque été l'eau vient à manquer dans de nombreuses régions à cause du manque de barrages alors que le Liban est le pays le plus arrosé du Moyen-Orient. Les responsables ont détaillé leurs exigences: démission du ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk, transfert de la collecte des déchets aux municipalités, jugement des responsables des violences du week-end dernier, dont le ministre de l'Intérieur Nohad Machnouk, et tenue d'élections législatives et présidentielles. "Nous donnons 72 heures au gouvernement. Mardi soir, si nos demandes ne sont pas satisfaites, nous irons vers l'escalade", a affirmé à la foule un des organisateurs, sans dire à quoi il faisait allusion.
Depuis le dernier scrutin législatif, en 2009, le Parlement a prolongé à deux reprises son mandat et les députés se sont montrés incapables d'élire un président de la République, poste vacant depuis mai 2014. 
Dans ce pays profondément divisé où le système politique est basé sur une répartition confessionnelle des postes, le caractère unitaire de cette manifestation en a fait un rassemblement sans précédent, d'ailleurs diffusé par les chaînes de télévision de tous bords. Pour le célèbre chanteur libanais Ghassan Saliba, "ce qui se passe aujourd'hui est totalement inédit". "Dans le passé c'était un dirigeant politique qui appelait à manifester. Aujourd'hui, ce sont les Libanais de toutes les confessions qui descendent car tout le monde a mal".
"Ce mouvement a été capable d'unifier les gens dégoûtés par les politiciens", affirme Jad Chaaban, professeur d'économie à l'Université américaine de Beyrouth. "Il n'est lié à aucun mouvement politique, on n'avait encore jamais vu cela" au Liban.


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