Ibn Tufayl : Le médecin et le philosophe


Jeudi 30 Juin 2016

Ibn Tufayl : Le médecin et le philosophe
Abu Bakr Mohammed ben Abd-el-Malik ben Tufayl el-Qaïci, dit Ibn Tufayl , est un philosophe andalou, astronome, médecin, mathématicien, mutazile et mystique soufi. Il est né en 1110 à Wadi-Asch et mort en 1185 à Marrakech.
Biographie
Ibn Tufayl exerça la médecine à Grenade (alors dans le Califat almohade) puis fut secrétaire provincial. Plus tard, il devint médecin du calife Abu Yaqub Yusuf à Marrakech et assuma le rôle de protecteur d'Ibn Roshd (Averroès) qu'il encouragea à commenter Aristote. Ibn Roshd décrit plus tard comment Ibn Tufayl l'encouragea dans cette entreprise:
    Abou Bakr ibn Tufayl me convoqua un jour et me dit qu'il avait entendu le Commandeur des Croyants (le Calife) se plaindre de la complexité des modes d'expression d'Aristote - ou celui des traducteurs - et la difficulté résultante de compréhension de ses idées. Il dit que si l'on pouvait trouver un bon interprète pour ces livres, capable de les clarifier après les avoir soigneusement maitrisés lui-même, les gens auraient plus de facilité à les comprendre. Ibn Tufayl m'a dit "Si vous avez l'énergie pour une telle entreprise, allez-y. Je suis confiant que vous pouvez, parce que je vois que vous êtes sincère et je sais à quel point vous êtes brillant et dédié à ce que vous faites. Seul mon grand âge et les responsabilités de mes fonctions (mon engagement à une autre tâche que je pense encore plus vitale) me gardent de le faire moi-même"
Auteur de l’œuvre médicale et philosophique, où l'on discerne l'influence de l'encyclopédie du Xe siècle des Ikhwan al-safa (“ Frères de la sincérité ”, en arabe), il est également l'auteur d'un récit philosophique Hayy ibn Yaqzan (littéralement: Vivant fils du conscient).
Hayy Ibn Yaqzan
Il s'agit d'un traité philosophique et mystique ancré dans la pensée d'Avicenne et soufi, sous forme de roman allégorique. Le livre est également fortement ancré dans la pensée néoplatonicienne et aristotélicienne.
Le livre met en scène un enfant, vivant seul sur une île déserte au niveau de l’Equateur. Cet enfant qui n'a ni père ni mère connus, est élevé par une gazelle. Il s'éveille seul à la connaissance du monde puis à la connaissance de Dieu. Hayy vient finalement en contact avec la civilisation et la religion "codifiée" quand il rencontre un naufragé nommé Absâl. Il découvre également certains signes extérieurs de la religion en société auxquels il adhère, car il les juge cohérents avec son intuition-conscience du divin. Mais bien qu'il reconnaisse que beaucoup de codes sont nécessaires pour la majorité, afin qu'ils puissent avoir une vie décente, il pense surtout que cette société est enfermée dans son dogmatisme et manque d'ouverture pour une véritable quête du divin. Il finit alors par quitter la société pour retourner sur son île avec son ami Absal et s’échapper de tout distraction
Hayy Ibn Yaqzan fut écrit comme réponse à l'Incohérence des philosophes d'Al-Ghazali. Au XIIIe siècle, Ibn Nafis écrit Al-Risalah al-Kamiliyyah fil Siera al-Nabawiyyah (connu sous le nom Theologus Autodidactus en Occident) comme une réponse à Ibn Tufail's Hayy Ibn Yaqzan (Philosophus Autodidactus) Le titre du récit et l'argument de l'histoire reprennent une œuvre d'Avicenne dans un esprit différent.
Portée et influences
Hayy ibn Yaqzan a eu une grande influence sur la littérature arabe et européenne au point de devenir un "best-seller" en Europe occidentale du XVII et XVIIIe siècles. Ce travail a également eu une "influence profonde" sur à la fois sur les premiers temps de la philosophie islamique et la philosophie moderne occidentale5. Il devint même "un des plus importants livres à préfigurer la révolution scientifique et le siècle des Lumières" et les pensées véhiculées dans ce livre se retrouvent à différents degrés dans les travaux de Thomas Hobbes, John Locke, Isaac Newton et Emmanuel Kant." À travers Hayy Ibn Yaqzan, Ibn Tufayl est le premier à introduire dans la pensée philosophique les concepts d'autoformation et surtout de tabula rasa.
La première traduction latine date de 1671 et a pour titre "Philosophus Autodidactus". Elle fut écrite par Edward Pococke (Le jeune). La première traduction anglaise date de 1708 par Simon Ockley et la traduction française est celle de Léon Gauthier datant de 1900.


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