Imaginiez-vous Hitler en lecteur de grands classiques? Un récent ouvrage du journaliste américain Timothy W. Ryback, Dans la bibliothèque privée d'Hitler (Le Cherche-midi), révèle un portrait dérangeant d'Hitler en passionné de littérature. Si l'on ne s'étonne pas de l'attrait du dictateur pour les traités d'empoisonnement aux gaz, L'Histoire de la marine allemande durant la première guerre mondiale ou les ouvrages de Nietzsche - dont on sait à quel point il a dévoyé la pensée - l'idée que les pièces du grand Shakespeare aient pu côtoyer l'ouvrage antisémite d'Henry Ford, Le Juif international, sur les étagères de la bibliothèque d'Hitler est moins évidente. Hitler possédait également un exemplaire du Don Quichotte de Cervantès ainsi que ... La case de l'oncle Tom.
La Führer de lireLa controverse qui accompagne systématiquement la sortie d'ouvrages sur Hitler tient justement à cette représentation du personnage, qu'on préfère imaginer inculte et versant dans la folie que s'émerveillant face à la beauté de la poésie shakespearienne. Cela rappelle la polémique autour de la poupée de cire exposée à Berlin et qui représentait le dictateur dans son bunker, attendant la mort au milieu de ses livres. La sculpture fut décapitée au bout de trois minutes lors de son inauguration, par un visiteur indigné de voir le chef nazi représenté sous des traits humains... Mais l'étude de Ryback le montre pourtant : Hitler, responsable d'autodafés répétés contre ce qu'il jugeait être une littérature dissidente (auteurs juifs ou pacifistes entre autres), était un grand collectionneur de livres (16 000 titres), fan de Robinson Crusoë et Gulliver. De quoi convaincre définitivement, cette fois, qu'une bibliothèque ne détermine pas exactement son propriétaire.
A noter que ce mois-ci paraît également un livre documentaire d'Antoine Vitkine, sur la réception de la bible nazie dans le monde (Mein Kampf, histoire d'un livre, Flammarion).