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L’ensemble ne comporte pas moins de 17 articles écrits par autant d’auteurs, venus, malgré la prédominance des historiens, d’horizons disciplinaires variés. Articles de natures fort différentes au demeurant, allant de textes déjà publiés de Paul Ricoeur et de Reinhart Koselleck à la généalogie et aux confrontations transdisciplinaires de la notion d’historicité avec la psychanalyse, l’anthropologie, la géographie ou la linguistique, en passant par des contributions, plus familières à l’historien, sur l’historiographie du nazisme et les politiques mémorielles. Qu’on se représente la difficulté de rendre compte d’un tel ensemble !
Difficulté certes bien connue de toute recension d’ouvrage collectif, qu’il soit issu d’une entreprise encyclopédique, d’un colloque ou, comme c’est le cas ici, d’un séminaire. Difficulté qui tient d’abord, ici comme ailleurs, à l’inégale qualité des textes rassemblés.
Aux origines de la notion d’historicité : Ricoeur et Koselleck
Disons d’emblée que l’excellence caractérise nombre d’entre eux. A commencer par les textes des deux véritables figures tutélaires du recueil, Paul Ricoeur et Reinhart Koselleck. Dans le premier, Ricoeur aborde la question de « la distance temporelle et de la mort en histoire», dans un parcours interprétatif à la fois exigeant et lumineux : de fait l’histoire a beaucoup à faire avec la mort, avec les morts. Mais de quelle façon ? Les postures sont diverses, nous rappelle Ricoeur, qui distingue celle d’un Michel de Certeau pour qui «l’écriture de l’histoire» est une véritable sépulture, celle d’un Michelet au dessein démiurgique d’une «résurrection intégrale». Mais dans les deux cas, une commune inspiration qui pourrait bien constituer la vérité –et la grandeur- de toute authentique opération historiographique : rendre aux morts de l’histoire leur qualité première, celle d’avoir été… vivants ! Ne pas les enfermer donc dans un «passé révolu» mais leur restituer leur temporalité propre, «procéder du «ne plus vers l’avoir été»… des vivants d’autrefois». «Finalement», conclut-il, ce dont il s’agit, c’est de rouvrir le passé sur l’avenir plus précisément sur l’avenir de ce passé ».
Un mot de passe
La notion de « régime d’historicité » est devenue un mot de passe pour aborder le rapport qu’une société entretient avec son passé, son présent et son futur. Si elle est dotée d’une grande valeur d’inspiration, son caractère labile semble autoriser tous les emplois. Cet ouvrage s’efforce d’en retracer la généalogie, qui traverse à la fois les frontières nationales et disciplinaires, et d’en interroger les usages. Depuis les années 80, les travaux de Paul Ricœur et de Reinhart Koselleck se sont progressivement imposés comme des références centrales pour les historiens – on trouvera ici un texte inédit de chacun d’eux. François Hartog fait, quant à lui, le point sur les usages de la notion de «régime d’historicité», qu’il a fortement contribué à diffuser. Il rappelle que ce qu’il qualifie de «présentisme» porte la menace d’une perte du statut spécifique aussi bien du passé que du futur. Mais ce renfermement sur le présentisme est-il bien devenu le cadre indépassable de notre historicité ? Les auteurs interrogent le phénomène à plusieurs échelles, en revisitant les usages du temps passé au niveau national, au plan européen et disciplinaire. Car d’autres disciplines que l’histoire contribuent à mettre en lumière la pluralité des formes d’historicité : d’où le choix des directeurs de l’ouvrage de mesurer la complexité de cette notion en confrontant les regards de l’anthropologue, du psychanalyste ou du géographe, dans une perspective fondamentalement transversale.