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Ils allèrent ensemble à l’appartement de Zobéide. Quand le calife fut à la porte, il entr’ouvrit la portière et il aperçut la princesse assise sur le sofa, fort affligée et les yeux encore tout baignés de larmes. Le calife entra, et en avançant vers Zobéide : « Madame, lui dit-il, il n’est pas nécessaire de vous dire combien je prends part à votre affliction, puisque vous n’ignorez pas que je suis aussi sensible à ce qui vous fait de la peine que je le suis à tout ce qui vous fait plaisir.
Mais nous sommes tous mortels et nous devons rendre à Dieu la vie qu’il nous a donnée quand il nous la demande. Nouzhat-Oulaoudat, votre esclave fidèle, avait véritablement des qualités qui lui ont fait mériter votre estime, et j’approuve fort que vous lui en donniez encore des marques après sa mort. Considérez cependant que vos regrets ne lui redonneront pas la vie.
Ainsi, madame, si vous voulez m’en croire et si vous m’aimez, vous vous consolerez de cette perte et prendrez plus de soin d’une vie que vous savez m’être très précieuse et qui fait tout le bonheur de la mienne. » Si la princesse fut charmée des tendres sentiments qui accompagnaient le compliment du calife, elle fut d’ailleurs très étonnée d’apprendre la mort de Nouzhat-Oulaoudat, à quoi elle ne s’attendait pas.
Cette nouvelle la jeta dans une telle surprise, qu’elle demeura quelque temps sans pouvoir répondre. Son étonnement redoublait d’entendre une nouvelle si opposée à celle qu’elle venait d’apprendre, et lui ôtait la parole. Elle se remit, et en la reprenant enfin : « Commandeur des croyants, dit-elle d’un air et d’un ton qui marquaient son étonnement, je suis très sensible à tous les tendres sentiments que vous marquez avoir pour moi, mais permettez-moi de vous dire que je ne comprends rien à la nouvelle que vous m’apprenez de la mort de mon esclave : elle est en parfaite santé.
Dieu nous conserve vous et moi, seigneur : si vous me voyez affligée, c’est de la mort d’Abou-Hassan, son mari, votre favori, que j’estimais autant par la considération que vous aviez pour lui que parce que vous avez eu la bonté de me le faire connaître, et qu’il m’a quelquefois divertie assez agréablement. Mais, seigneur, l’insensibilité où je vous vois de sa mort, et l’oubli que vous en témoignez en si peu de temps, après les témoignages que vous m’avez donnés à moi-même du plaisir que vous aviez de l’avoir auprès de vous, m’étonnent et me surprennent. Et cette insensibilité paraît davantage par le change que vous me voulez donner en m’annonçant la mort de mon esclave pour la sienne. »
Le calife, qui croyait être parfaitement bien informé de la mort de l’esclave, et qui avait sujet de le croire parce qu’il avait vu et entendu, se mit à rire et à hausser les épaules d’entendre ainsi parler Zobéide. « Mesrour, dit-il en se tournant de son côté et lui adressant la parole, que dis-tu du discours de la princesse ? N’est-il pas vrai que les dames ont quelquefois des absences d’esprit qu’on ne peut que difficilement pardonner ? Car enfin tu as vu et entendu aussi bien que moi. » Et en se retournant du côté de Zobéide : « Madame, lui dit-il, ne versez plus de larmes pour la mort d’Abou-Hassan, il se porte bien. Pleurez plutôt la mort de votre chère esclave : il n’y a qu’un moment que son mari est venu dans mon appartement, tout en pleurs, et dans une affliction qui m’a fait de la peine, m’annoncer la mort de sa femme. Je lui ai fait donner une bourse de cent pièces d’or, avec une pièce de brocart, pour aider à le consoler et à faire les funérailles de sa défunte. »
Ce discours du calife ne parut pas à la princesse un discours sérieux ; elle crut qu’il lui en voulait faire accroire. « Commandeur des croyants, reprit-elle, quoique ce soit votre coutume de railler, je vous dirai que ce n’est pas ici l’occasion de le faire. Ce que je vous dis est très sérieux. Il ne s’agit plus de la mort de mon esclave, mais de la mort d’Abou- Hassan, son mari, dont je plains le sort, que vous devriez plaindre avec moi.
« – Et moi, madame, repartit le calife en prenant son plus grand sérieux, je vous dis, sans raillerie, que vous vous trompez. C’est Nouzhat-Oulaoudat qui est morte, et Abou-Hassan est vivant et plein de santé. » Zobéide fut piquée de la repartie sèche du calife.
(A suivre)